Sergio Guimaraes, Gestionnaire, relations médias internationales, Swedish Institute

Publié le 13/04/2013 à 00:00, mis à jour le 11/04/2013 à 09:18

Sergio Guimaraes, Gestionnaire, relations médias internationales, Swedish Institute

Publié le 13/04/2013 à 00:00, mis à jour le 11/04/2013 à 09:18

En décembre 2011, la Suède lançait le projet «Curateurs de la Suède», remettant ainsi la gestion du compte Twitter @sweden à ses citoyens. Seize mois plus tard, l'expérience continue. Une soixantaine de villes, de régions et de pays s'en seraient inspirés. Sergio Guimaraes est en première ligne de cet audacieux branding.

Diane Bérard - Seul le gouvernement suédois pouvait oser confier le branding de la Suède à ses citoyens plutôt qu'à une agence officielle...

Sergio GUIMARAES - [sourire] La campagne «Curateurs de la Suède» ne remplace pas les initiatives officielles de promotion, elle les complète. Le compte Twitter @sweden a été inauguré en 2008, et jusqu'en décembre 2011, il a été géré et alimenté par deux organismes publics, Visit Sweden et le Swedish Institute. Notre compte plafonnait alors à 8 000 abonnés. Il nous fallait du sang neuf pour aller plus loin. Qui peut mieux que les citoyens communiquer l'image d'une ville, d'une région ou d'un pays ? Après tout, c'est le chauffeur de taxi, qui m'a conduit de l'aéroport à mon hôtel, qui m'a donné ma première impression de Montréal. Et c'est sûrement le cas pour la plupart des voyageurs. C'est pourquoi, depuis 16 mois, ce sont des citoyens qui gèrent le compte. Nous changeons chaque semaine pour assurer une diversité de points de vue.

D.B. - Comment choisissez-vous les citoyens curateurs ?

S.G. - Personne ne peut offrir sa propre candidature. Le candidat doit être proposé par une autre personne. Ensuite, il doit maîtriser l'anglais et être déjà présent sur les médias sociaux. Finalement, toute forme de publicité est interdite. Nous tentons d'assurer une diversité de curateurs par rapport à l'âge, la profession, le sexe ainsi que le lieu de résidence.

D.B. - Les citoyens sont-ils conscients de leur rôle d'ambassadeurs de la «marque Suède» ?

S.G. - Il faut les voir comme des interprètes plutôt que comme des ambassadeurs. Nous leur demandons de parler d'eux et de leur vie quotidienne. Alors, forcément, la Suède transparaît à travers leurs tweets. Mais il n'est pas question de «vendre» la Suède. D'ailleurs, le tout premier tweet mettait les visiteurs en garde contre le «Bar de glace», un lieu que le curateur du moment trouvait sans intérêt. Sa remarque, quoique brutale, a établi sa crédibilité : les twitteurs lui ont demandé des tuyaux sur les activités touristiques. Le succès de cette campagne repose sur son authenticité.

D.B. - Votre campagne est risquée. Les tweets sont-ils vérifiés avant publication ?

S.G. - Non ! Si tel était le cas, cette campagne n'aurait aucun sens. Nous agirions comme les entreprises qui retirent les commentaires négatifs de leur blogue. Si vous n'avez pas le cran d'encaisser de tels commentaires, il ne faut pas vous lancer dans cette aventure. Nous ne pratiquons aucune censure. Une seule situation nous ferait retirer un tweet : s'il contenait des propos haineux ou discriminatoires. Cela ne s'est pas présenté.

D.B. - Vous avez tout de même vécu des crises ?

S.g. - Oui, quelques «crisettes» et trois crises majeures. La crise Jack, lors de la première semaine. À un twitteur qui demandait «Comment passez-vous le temps pendant tous ces longs mois d'hiver ?», le curateur Jack Werner a répondu «je me masturbe». Évidemment, notre téléphone n'a pas dérougi pendant 48 heures. Nous avons laissé faire, et ça s'est calmé. Puis, la crise Sonja causée par le tweet «je ne vois pas pourquoi on fait un plat avec les Juifs. On ne peut savoir si quelqu'un est juif tant qu'on n'a pas vu son pénis. Et encore.» Cette fois, nous avons consulté des avocats pour nous assurer que ce tweet n'était ni haineux ni discriminatoire. Ce n'était pas le cas. Alors, nous avons laissé le tweet, et la crise a passé. La troisième a eu lieu en 2012 pendant l'arrestation et l'emprisonnement de deux journalistes suédois en Éthiopie. Le curateur, Hassan, a critiqué la conduite du ministre suédois des Affaires étrangères. Le ministre ne s'est pas défilé. Interrogé sur les critiques, il a répondu que chaque citoyen a le droit d'exprimer son opinion. Ce ministre possède d'ailleurs un compte Twitter où il interagit avec les citoyens.

D.B. - Au-delà du bruit médiatique, qu'attendiez-vous de la campagne ?

S.G. - Nous voulions briser les clichés associés à notre pays. Pour plusieurs, l'image de la Suède s'est cristallisée dans les années 1970 : Abba, Volvo, Ikea, l'État social-démocrate, Ingmar Bergman... et les jeunes femmes blondes ! Que faites-vous lorsqu'une marque est victime de clichés ? Vous la présentez sous un jour contrasté. H&M, par exemple, a eu la brillante idée de demander à ses designers de renom de lui dessiner des collections sur mesure. Ce faisant, elle a cassé son image de vêtements de masse anonymes. Le compte @sweden, lui, affiche la diversité du peuple suédois.

D.B. - Et qu'est-ce que cela va rapporter concrètement à la Suède ?

S.G. - À terme, cela devrait contribuer à attirer plus d'étudiants et d'investisseurs étrangers et plus de touristes. Nous avons confiance dans ce que nous connaissons. Si les étudiants, les entreprises, les investisseurs et les touristes connaissent mieux la vraie Suède, ils seront plus enclins à lui faire confiance.

D.B. - Une entreprise pourrait-elle s'inspirer de votre campagne ?

S.G. - Oui et non. L'image d'un pays et celle d'une marque de marché ne reposent pas sur les mêmes critères. La première se construit à long terme, à partir d'une foule de petits gestes de nombreux intervenants, les citoyens. La seconde est plutôt le fruit d'une approche centralisée. Elle se contrôle plus facilement et se bâtit sur un horizon plus court. Malgré cette différence, je crois que les entreprises peuvent tirer certaines leçons de cette campagne.

D.B. - Quelles leçons ?

S.G. - Il serait prétentieux de ma part de vouloir transformer «Curateurs de la Suède» en référence universelle. Toutefois, notre campagne respecte certains principes incontournables de la communication sur les médias sociaux. D'abord, gare aux questions que vous posez. Les internautes ont atteint un certain degré de maturité, ils ne sont pas dupes. Il ne faut pas demander «dites-nous ce que vous aimez à propos de notre marque ?», car c'est une question dirigée. Dites plutôt : «que pensez-vous de notre marque ?». Ensuite, méfiez-vous du piège de la pseudo-marque. Collez-vous aux attributs de votre marque. Ne tentez pas d'être cool. Sinon, vous ressemblerez à ces participants aux émissions de relooking. On refait leur garde-robe, leur maquillage et les téléspectateurs s'émerveillent. Mais, une semaine plus tard, loin des projecteurs, le participant a retrouvé ses survêtements ou son jeans confortable. L'image qu'on lui a fabriquée ne lui ressemble pas.

diane. berard@tc.tc

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