Ils étaient, il n'y a pas si longtemps, réservés à des universités peu connues ou excentrées, comme Athabaska, en Alberta, ou Lansbridge, au Nouveau-Brunswick. Ce n'est plus le cas. La technologie progresse, les étudiants et l'argent se font plus rares : la table est mise pour une prolifération à grande échelle des MBA en ligne.
Certaines grandes universités américaines comme celles de Stanford, en Californie, Columbia, à New York, et Chicago offrent quelques cours de leur MBA en ligne, notamment à leur clientèle étrangère. Cette dernière y voit une façon pratique d'obtenir un diplôme prestigieux tout en étudiant à distance. D'autres, comme l'Université Harvard, les offrent aussi mais ne les créditent pas.
Un intérêt facilement compréhensible, note Roger Martin, doyen de la Rotman School of Management de l'Université de Toronto, dans le magazine Fast Company : ces programmes en ligne sont susceptibles de faire augmenter substantiellement la clientèle et les revenus du programme de MBA tout en demandant un minimum d'investissement dans l'équipement et les services d'infrastructure. " Ainsi qu'un minimum de dérangement pour les étudiants, ce qui plaît bien à leurs employeurs ", écrit-il.
Pour les universités québécoises, ces diplômes en ligne offerts partout dans le monde accentuent une compétition déjà vive pour les meilleurs étudiants. Elles n'ont guère le choix des armes. " Nous n'offrirons pas un tel programme à court terme, mais ça fait partie d'une réflexion. Ce serait bête de ne pas le faire, dit Jacques Roy, directeur du MBA à HEC Montréal. Pas le choix, il y a une telle concurrence internationale. "
Mais à l'instar de plusieurs grandes institutions américaines, la plupart des écoles de gestion québécoises semblent vouloir opter pour un modèle hybride, qui profite de la souplesse d'Internet sans faire une croix sur l'un des fondements philosophiques du MBA : les travaux d'équipe et les contacts, qui font de cette expérience un moment charnière dans une carrière. " Les rencontres avec les pairs, c'est la moitié de la valeur du MBA ", affirme Richard Joly, président de la firme de chasseurs de têtes Leaders & Cie.
Le virtuel, un pas à la fois
La Faculté de gestion Desautels de l'Université McGill, où la moitié des étudiants proviennent de l'étranger, joue dans la cour des grandes universités américaines. Toutefois, elle ne prévoit pas offrir un MBA en ligne à court terme. " Personnellement, je dirais non à une formation en ligne, dit Ron Duerksen, directeur du marketing et des communications de la Faculté. Le travail d'équipe est très important dans un MBA. Des gens de l'industrie sont invités à chaque cours. "
McGill offre un MBA d'une durée de deux ans intitulé " Integrated Management " où deux, voire trois professeurs viennent simultanément parler d'un cas aux étudiants, âgés en moyenne de 28 ans et possédant cinq années d'expérience. " Impossible de mener cette expérience en ligne, dit M. Duerksen. Cela ne peut pas donner la même qualité d'enseignement. "
HEC Montréal plonge en ligne
Si les formations entièrement en ligne ne séduisent pas toutes les facultés canadiennes, parce qu'elles évacuent le travail d'équipe, il en va autrement des expériences " hybrides " qui foisonnent un peu partout. Comme le souligne le doyen Roger Martin, les longues présentations magistrales deviendront moins pertinentes si elles peuvent être captées sur un ordinateur portable. Le temps passé en classe pourrait être plus court qu'auparavant, mais l'expérience optimisée.
C'est cette voie que privilégie HEC Montréal, dit le directeur du MBA, Jacques Roy. L'école de gestion expérimente depuis cet automne des cours en ligne dans le cadre de ses certificats. Un projet pilote que supervise Jean-Pierre Béchard, directeur des programmes de certificats à HEC Montréal. Il vise principalement la clientèle adulte, celle des travailleurs et des parents, qui trouvent très contraignante la présence en classe, dit-il. Les étudiants peuvent visionner le cours de chez eux. " On le fait pour la flexibilité qu'offre la technologie et pour répondre aux besoins des adultes. C'est une approche complémentaire à l'approche classique. "
HEC Montréal teste aussi un modèle d'enseignement hybride qui permet, contrairement au premier, l'interaction entre les élèves et le professeur et entre les élèves eux-mêmes. Non seulement les échanges en direct sont possibles, mais des forums de discussion sont ouverts toute la semaine suivant le cours. Sur 12 semaines de cours, six sont données à l'école et autant virtuellement. Encore une fois, on cherche la flexibilité.
" Ça fait diminuer le taux de décrochage, dit Jean-Pierre Béchard. Grâce au Web 2.0, les étudiants apprennent autant, sinon plus. L'avenir, pour un campus comme HEC Montréal, est d'offrir des cours hybrides. Car la présence physique a toujours une pertinence pour la socialisation et les échanges. " Et le Web 2.0 a un grand potentiel.
La formation en ligne est une chose acquise. Mais ce sera à chaque université, dit Jean-Pierre Béchard, de choisir ce qui convient le mieux à sa clientèle. " Il faut réfléchir, programme par programme. Contrairement à ce que certains disent, Internet n'est ni un rouleau compresseur ni une panacée. On a le choix. "
4 millions
Nombre d'Américains inscrits à au moins un cours en ligne à l'automne 2009. Ce nombre a doublé depuis 2003.
