Brian McManus, le conducteur déterminé de la locomotive Stella-Jones

Publié le 06/07/2013 à 00:00, mis à jour le 04/07/2013 à 09:40

Brian McManus, le conducteur déterminé de la locomotive Stella-Jones

Publié le 06/07/2013 à 00:00, mis à jour le 04/07/2013 à 09:40

Comment maintenir son entreprise sur la voie de la croissance après avoir décuplé ses revenus en 12 ans, s'être emparé du premier rang de son industrie et avoir multiplié la valeur de l'action par 40 ? La barre est haute pour le fabricant montréalais de traverses et de poteaux Stella-Jones (Tor., SJ, 98,04 $). Toutefois, son grand patron, Brian McManus, assure qu'il y a encore de nombreuses occasions de croissance et un rendement à donner aux actionnaires.

Fidèle a sa discipline de fer, M. McManus reste centré sur son marché nord-américain et sur ses deux produits clés, et garde surtout les yeux rivés sur la moindre occasion d'affaires.

D'ailleurs, le terme «focus», qui orne le rapport annuel de 2012, est celui qui décrit le mieux le patron de 45 ans, dit Martin Goulet, responsable des communications de Stella-Jones chez MaisonBrison Communications.

Son père et mentor, Raymond McManus, qui l'a encouragé à sauter sur l'occasion de redresser Stella-Jones en 2001, tandis qu'il siégeait lui-même au conseil, confie que sa plus grande qualité est sa rigueur. «Il est très déterminé et sait où il veut aller.»

Cette capacité de concentration lui sert aussi pour son rituel annuel de vélo dans les Alpes suisses, où il parcourt avec des amis 300 kilomètres en quatre jours.

Le bras droit de M. McManus, Éric Vachon, chef de la direction financière de l'entreprise, observe d'ailleurs que son patron perd vite intérêt lorsqu'un sujet ne figure pas parmi ses priorités.

Qualifié de redoutable opérateur ou de visionnaire par ceux qui le côtoient, M. McManus préfère mettre l'accent sur l'équipe tissée serrée et la culture de confiance qui règne chez Stella-Jones, des atouts qui ont mené aux 13 années consécutives de résultats records. «Il n'hésite pas à changer d'idée si un membre de l'équipe apporte de meilleures idées», raconte M. Vachon.

Quinze personnes au siège social veillent à la bonne marche d'une entreprise qui s'apprête à franchir le cap du milliard de ventes. La société compte aujourd'hui vingt-huit installations situées dans six provinces canadiennes et dans quinze États américains.

«Nous nous concentrons sur les victoires et nous apprenons des erreurs en équipe», dit celui qui nous a reçus en toute simplicité au siège social, situé dans l'arrondissement Saint-Laurent, vêtu d'un jeans et d'une chemise.

Le «gars de terrain» consacre de 120 à 150 jours par année hors du bureau à visiter les installations, les clients et les fournisseurs.

Apprécié pour sa joyeuse détermination, M. McManus récolte beaucoup d'accolades : «J'ai rarement vu un dirigeant démontrer autant de cohérence entre le plan de match, sa réalisation et les résultats», dit Ben Vendittelli, analyste chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne.

Saluant le jugement exceptionnel de M. McManus, Éric Vachon attribue une bonne part de son succès à sa capacité de persuasion, qui lui permet à la fois de rallier l'équipe autour d'une stratégie et de négocier de bonnes acquisitions. Martin Goulet abonde dans son sens. «Bien qu'il soit très axé sur les résultats, Brian prend beaucoup de plaisir à diriger Stella-Jones, car il a les coudées franches.»

Encore des voies de croissance

Après 11 acquisitions en 12 ans, M. McManus reste toujours aussi proactif.

D'autres acquisitions ciblées, un nouveau cycle de remplacement des poteaux de téléphone et des gains de parts de marché devraient hisser ses revenus à 1,3 ou 1,5 milliard de dollars d'ici trois à cinq ans, soit 30 % à 50 % de plus que ses ventes actuelles.

En Amérique du Nord, Stella-Jones partage le premier rang avec l'américaine Koppers (NY, KOP, 37,67 $ US) dans le créneau des traverses, et chacune accapare une part du marché estimée à 45 %.

Après avoir acheté le numéro trois des traverses de chemin de fer, Tangent Rail, en 2010, Stella-Jones a désormais la masse critique et la portée géographique pour décrocher davantage de contrats des plus grands chemins de fer et ravir d'autres parts à sa rivale, explique M. McManus.

L'appel du Sud

Pour mieux servir les clients du sud des États-Unis, Stella-Jones construit pour la première fois une usine de traitement de bois pour les traverses, en Georgie, au coût de 13 M$.

Avec des revenus annuels potentiels de 50 à 55 M$, l'usine sera opérationnelle dès août.

L'établissement, situé le plus au sud de toute l'industrie, pourra aussi approvisionner le marché de l'Amérique latine que M. McManus évalue à 150 M$, d'ici quatre à cinq ans.

Stella-Jones fournit déjà en traverses la minière Vale pour son propre chemin de fer au Brésil. L'Argentine est aussi dans sa mire.

Les traverses en bois d'eucalyptus local y sont de 50 % moins chères, mais elles ne durent que 20 ans. Certains exploitants voudront convertir leurs traverses d'eucalyptus aux autres essences de bois dont la durée de vie est de 50 ans et plus.

Avec l'achat en novembre 2012 de McFerland Cascade, Stella-Jones a percé le marché des traverses en pin rigide, estimé à 750 M$ US.

«Si nous trouvons le moyen de générer un rendement acceptable en consolidant le marché encore fragmenté du pin rigide, il pourrait devenir une occasion à plus long terme», dit M. McManus.

Poteaux : nouveau cycle de remplacement

Grâce à l'acquisition de McFarland Cascade, Stella-Jones s'est aussi hissée au premier rang du marché nord-américain des poteaux en bois, avec une part estimée de 30 % d'un marché encore fragmenté.

Cela fait 12 ans que M. McManus salive à l'idée que les fournisseurs d'électricité devront remplacer leurs poteaux de bois, dont un grand nombre arrivent à leur fin de vie utile de 62 ans. La plupart de ces poteaux ont été installés pendant les années 1950, une époque durant laquelle les activités des fournisseurs d'électricité ont connu une importante croissance.

D'ailleurs, l'ontarienne Hydro One vient d'annoncer qu'elle devra remplacer 340 000 de ses 1,7 million de poteaux d'ici 10 ans. Quelque 34 000 poteaux par année triplerait ses achats habituels.

«Nous amorçons probablement un nouveau cycle de remplacement de poteaux qui pourrait durer 15 ans», soutient M. McManus. Si cette prévision s'avère juste, Stella-Jones devra accroître sa capacité de production pour répondre à la demande.

M. McManus préférerait acheter un fabricant de poteaux que de bâtir une nouvelle usine «afin de ne pas rater une seule commande».

Le président veut toutefois procéder avec prudence. Après avoir passé les 12 dernières années à arrimer les ressources à la demande, il ne veut surtout pas accroître sa capacité au mauvais moment.

«Faire plus avec moins est toujours aussi associé qu'avant à nos pratiques», évoque M. McManus, qui a imposé le «budget base zéro» en 2001.

Cette pratique alloue les ressources de la manière la plus efficace possible en repensant chaque dépense, au lieu d'établir le budget en fonction de celui de l'année précédente.

M. McManus et son équipe comparent encore régulièrement les usines les unes aux autres pour optimiser les coûts et partager les meilleures pratiques.

Une nouvelle force de frappe

Brian McManus ne cherche pas à bâtir un empire, mais à croître de façon rentable. L'intégration d'autres fabricants a gonflé ses bénéfices trois fois plus vite que ses revenus, depuis 2002. D'ailleurs, son père, Raymond McManus, se dit impressionné par la longue liste d'intégrations réussies.

«Stella-Jones a servi une croissance annuelle de 33 % de ses bénéfices entre 2004 et 2013 grâce à l'achat à bon prix d'autres producteurs de bois traité, dont elle a redressé les marges», indique pour sa part Stephen Atkinson, de BMO Marchés des capitaux.

Comme Tangent l'a fait dans le créneau des traverses, McFerland Cascade et ses quatre usines de traitement de poteaux donnent une nouvelle force de frappe à Stella-Jones. Cela lui permet de décrocher des contrats et d'améliorer sa rentabilité grâce aux économies d'échelle.

Les analystes prévoient que M. McManus fera passer les marges d'exploitation de McFerland de 10 à 16 % d'ici quelques années.

Avec des marges d'exploitation globales d'environ 16 %, Stella-Jones pourrait dégager un bénéfice de presque 7 $ l'action en 2015. C'est 53 % de plus qu'en 2012 si elle atteint des ventes de 1,3 G$ à 1,5 G$ comme prévu, note Mark Neville, analyste de Banque Scotia.

Vers un dividende annuel de 6 $ ?

Une fois que Stella-Jones aura achevé la consolidation de son industrie, elle pourra distribuer la majorité de ses liquidités excédentaires aux actionnaires et ainsi devenir un payeur de dividende élevé.

Mark Neville croit envisageable un dividende annuel de 6 $ par action en 2016.

M. McManus a déjà très bien récompensé ses actionnaires depuis son arrivée en 2001, mais il sait que l'entreprise empruntera un jour une voie de croissance plus lente.

«J'ai toujours dit que, une fois que nos perspectives de croissance se stabiliseraient et que les occasions d'acquisition se tariraient, nous pourrions distribuer une bonne part de nos flux aux actionnaires.»

Malgré sa valeur boursière de 1,5 milliard de dollars, Stella-Jones compte à peine 17,2 millions d'actions en circulation. Certains jours, comme cela a été le cas le 27 mai dernier, seulement 1 000 actions changent de mains.

LE COIN DES ANALYSTES

Mark Neville, Banque Scotia

«Le titre est bien évalué actuellement, mais on peut imaginer un cours de 116 $ si la société franchit le cap de ventes de 1,5 G$ et verse un dividende de 6 $ par action, d'ici 2016.»

Pierre Lacroix, de Valeurs mobilières Desjardins

«Au cours actuel, le titre intègre déjà bien la croissance interne prévue de 5 à 10 % au cours des deux à trois prochaines années. Je ne suis pas prêt à utiliser un multiple de plus de 9 fois le bénéfice d'exploitation prévu pour 2014, ce qui donne un cours cible de 81 $.»

Leon Aghazarian, Financière Banque Nationale

«À moyen terme, Stella-Jones pourra devenir un payeur de dividende élevé une fois qu'elle aura fini de consolider l'industrie et qu'elle aura ramené son endettement au niveau souhaité de 2 à 2,25 fois son bénéfice d'exploitation.»

Philippe Leblanc, président de Cote 100

«Nous avons vendu nos actions. Sa croissance ralentira par la force des choses et un profil de dividende élevé ne nous intéresse pas.»

5 en recommandent l'achat

3 de le conserver

Cours cible : 81 à 100 $

Source : Bloomberg

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