L'autre jour, ma collègue Catherine m'a confié, sur le ton d'une personne qui a attrapé une maladie honteuse : "Daniel, même moi j'ai arrêté d'aller dans les magasins". La championne du shopping, cette abonnée de Holt Renfrew, celle-là même qui a l'habitude de quitter le bureau en emportant un sac d'emplettes qui déborde de papier de soie, oui, elle a rendu les armes. Moi qui mettais en doute il y a quelques mois dans cette page la notion de "confiance du consommateur", je dois aujourd'hui me raviser. Sur le "dépensomètre", l'aiguille se maintient résolument à gauche, en dépit du fait que nos paies continuent à être versées toutes les deux semaines.
Les habitudes de consommation de mon entourage ont changé. Sylvain, déjà économe, stocke maintenant comme un écureuil angoissé. Son taux d'épargne a de quoi donner des complexes au plus orthodoxe des planificateurs financiers. À défaut d'acheter de nouvelles fringues (son activité favorite), Diane explore son walk-in avec un regard neuf pour découvrir des combinaisons de vêtements inédites. Quant à moi, j'ai retardé des projets de rénovation et je prends de grandes respirations pour ne pas céder à des achats impulsifs, qui occupent d'habitude un poste important de mon budget. Diane et moi sommes comme des junkies en manque. Au retour du travail, nous nous sommes surpris à lorgner avec convoitise les achats d'une pure étrangère. C'est tout juste si nous ne lui avons pas demandé la permission de plonger nos yeux dans ses sacs et de sentir leur contenu.
Aucun doute, une rechute nous coûtera une fortune. En attendant, nous assumons pleinement la responsabilité de la récession. Nous apprenons à utiliser modérément nos cartes de crédit, à surveiller les soldes, à rogner sur le prix des bouteilles de vin, à faire preuve d'imagination et à développer (un peu) l'art de la débrouillardise et des travaux manuels.
Pendant que nous nous infligeons ce sevrage, certains lisent les journaux avec un flegme déconcertant et n'ont rien perdu de leur confiance de consommateur. C'est le cas des gens que nous vous présentons dans ce numéro. Ce n'est pas qu'ils possèdent une fortune ou qu'ils aient un moral d'acier. Ils ont depuis longtemps évalué leurs besoins réels, ils ont une conscience de la valeur de l'argent, ils appliquent des méthodes d'épargne éprouvées, et ils sont prêts à affronter les imprévus. En fait, la plupart d'entre eux ne sont pas si consommateurs que ça.
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