Contrats publics: Les firmes de génie brillent par leur absence

Publié le 09/11/2013 à 00:00

Contrats publics: Les firmes de génie brillent par leur absence

Publié le 09/11/2013 à 00:00

Quelque 200 entreprises ont été autorisées par l'Autorité des marchés financiers (AMF) à soumissionner des contrats publics. Quatre autres ont essuyé des refus, dont Dessau et sa filiale Verreault Construction. Ce revers lui a d'ailleurs fait perdre un contrat de 59,5 millions de dollars pour l'agrandissement du Musée national des beaux-arts du Québec.

Le cas de Dessau sème l'inquiétude dans l'industrie, selon Johanne Desrochers, présidente de l'Association des ingénieurs-conseils du Québec (AICQ). Cela incite des firmes à attendre avant de déposer leur demande. «Elles préfèrent renoncer à soumissionner de gros contrats, comme celui de l'échangeur Turcot, plutôt que de risquer de perdre tout le marché public», dit-elle.

À l'exception de Pageau Morel et de Kelvin Emtech, les firmes de génie-conseil brillent en effet par leur absence dans le nouveau Registre des contrats publics de l'AMF, qui regroupe les entreprises ayant montré patte blanche à la suite d'une vérification de l'Unité permanente anticorruption (UPAC). D'importantes firmes, comme SNC-Lavalin et Genivar, seraient toutefois en attente d'une réponse.

L'AICQ appuie le principe de cette loi qui vise à faire le ménage dans l'industrie de la construction. «Les entreprises doivent se transformer et changer leur culture», affirme Johanne Desrochers. Mais elle s'interroge : «Quels sont les critères déterminants pour passer le test ? Il y a un manque de clarté dans la loi.»

L'article 21.27 est particulièrement pointé du doigt, car il permet à l'AMF de refuser une autorisation si l'entreprise «ne satisfait pas aux exigences élevées d'intégrité auxquelles le public est en droit de s'attendre». Déjà, Entreprises Bentech et LUQS, deux des quatre entreprises ayant échoué l'enquête de probité, tentent de faire annuler cette décision en Cour supérieure.

Des entreprises visées

Les entreprises qui hésitent encore devront bientôt se résoudre à faire le saut, car le seuil au-delà duquel l'autorisation est obligatoire passera sous peu de 40 M$ à 10 M$ (sauf pour les contrats de la Ville de Montréal pour lesquels le montant est fixé à 100 000 $). Et ce seuil diminuera encore. «L'objectif est d'étendre la loi à tous les contrats publics d'ici trois ans», déclare Sylvain Théberge, porte-parole de l'AMF.

L'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec est sceptique. «Il y aura un engorgement», lance sa directrice générale, Gisèle Bourque. Elle a encore en tête le cas de la firme TNT2, qui a attendu plus de quatre mois pour obtenir l'aval de l'AMF, ce qui a retardé la construction de quatre viaducs faisant partie du projet de l'échangeur Turcot.

«Plus une entreprise est complexe, plus c'est long, car l'UPAC doit vérifier les dossiers de plusieurs personnes», constate l'avocate Sophie Perreault, de Norton Rose, qui accompagne de grandes entreprises dans leur démarche. Ses clients attendent leur réponse en moyenne de deux mois et demi à cinq mois. Le délai visé par l'AMF pour les petites entreprises d'au plus cinq administrateurs ou dirigeants est toutefois de 40 jours ou moins. À l'heure actuelle, une cinquantaine de dossiers sont en traitement.

Mme Perreault souligne la lourdeur du processus pour les entreprises ayant un organigramme complexe. «Il faut faire signer des déclarations aux administrateurs et dirigeants et également à l'actionnaire principal, qui est parfois une autre entreprise située à l'étranger, ainsi qu'aux administrateurs de celle-ci. C'est compliqué.»

Mais, au-delà du processus, le monde des affaires craint l'impact que pourrait avoir la loi sur l'économie du Québec. «Il faut sévir auprès des gens qui ont mal agi, mais sans mettre en péril la survie des entreprises», estime Françoise Bertrand, présidente de la Fédération des chambres de commerce du Québec. Pour la même raison, l'AICQ souhaite la tenue d'un forum réunissant les firmes de génie et le gouvernement. «Il faut dénouer l'impasse, insiste Johanne Desrochers. Si toutes les firmes nommées à la commission Charbonneau sont bannies du marché des contrats publics, il y a un risque de perdre notre expertise et des sièges sociaux aux mains de sociétés étrangères.»

Série 1 de 3

Depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur l'intégrité en matière de contrats publics, quels sont les impacts sur l'industrie de la construction ? Le point sur la question.

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