Les finances du PQ: un exercice politique et économiquement futile

Publié le 12/11/2023 à 08:30

Les finances du PQ: un exercice politique et économiquement futile

Publié le 12/11/2023 à 08:30

«Comme s’il suffisait de déclarer sa souveraineté pour que toutes ces ententes soient reconduites automatiquement et que tout ce qui aurait à être partagé serait négocié harmonieusement. C’est rêver en couleur.» (Photo: 123RF)

 

Les finances du PQ : un exercice politique et économiquement futile 
Le premier chiffre de l’étude sur les finances d’un Québec indépendant présentée par Paul Saint-Pierre-Plamondon est 82,3 milliards de dollars (G$). Ce serait les « nouveaux revenus », actuellement « captés par Ottawa », qui reviendraient au Québec advenant l’indépendance.
C’est trompeur. Primo, c’est une projection pour 2023-2024 dans l’hypothèse où le Québec aurait été indépendant, ce qui est une fiction. Secundo, on aurait dû mentionner que ce chiffre exclut les transferts du fédéral (pensions, allocations, subventions, etc.) au Québec, qui ont été de 29,2 G$, ce qui laisserait une récupération nette de 52,6 G$. 
Ce chiffre, comme un grand nombre des données et des nombreux tableaux du document péquiste, sert à impressionner. On oublie de dire que les impôts, les taxes, les cotisations, etc. que le fédéral vient chercher au Québec servent à payer des services. 
L’étude abonde en tableaux, mais ce ne sont pas avec ces données que l’on prouvera que le Québec survivrait à une déclaration d’indépendance. Grâce à sa main-d’œuvre, son économie diversifiée et sa santé financière, le Québec peut devenir indépendant, mais personne ne peut dire, advenant cette éventualité, comment il s’en sortirait. 
D’ailleurs, si l’indépendance se fait un jour, ce ne sera pas pour des raisons économiques. Elle résultera d’une volonté politique, dictée par le cœur et non par la raison. On raconte que Jacques Parizeau ne croyait pas à l’idée d’un budget de l’an 1, une démarche que René Lévesque lui aurait imposée.
L’étude, qui est agrémentée de rhétorique antifédéraliste, peut servir à galvaniser les troupes, mais c’est un exercice futile économiquement. Peut-on prévoir sérieusement ce que seront les finances d’un Québec indépendant sans savoir ce qui adviendrait de tous les liens économiques, les accords et les ententes qui le relient au gouvernement fédéral (la politique monétaire, les douanes, l’assurance-emploi, la défense nationale, la dette fédérale à partager, les politiques agricoles, etc.), aux autres provinces (échanges commerciaux) et aux autres pays (les accords commerciaux avec les États-Unis, le Mexique et l’Union européenne, les traités fiscaux, ceux avec l’OMC, l’OTAN, etc.) ? 
On en aurait pour des années à renégocier tout cela, sans oublier les coûts afférents et le temps qu’il faudrait pour ces palabres, autant de tractations complexes qui empêcheraient alors nos dirigeants de s’occuper en même temps des vraies affaires, soit de la gestion de l’économie, des finances publiques, des services aux citoyens et des autres missions. Il faut mettre des lunettes roses pour ne pas voir la complexité et les risques associés à ces enjeux. 
Curieusement, le PQ ne parle plus d’« association économique » avec le Canada comme on l’a fait au référendum de 1980 ou encore de « partenariat économique et politique » avec le Canada en 1995. Comme s’il suffisait de déclarer sa souveraineté pour que toutes ces ententes soient reconduites automatiquement et que tout ce qui aurait à être partagé serait négocié harmonieusement. C’est rêver en couleur. 
L’avantage fédéraliste
Malgré la mer de chiffres de l’étude péquiste, on n’y trouve pas l’état des « revenus et dépenses de l’administration publique fédérale au Québec », qui apparaît dans les « comptes économiques des revenus et dépenses du Québec », édition 2021. 
On y apprend qu’en 2019, les dépenses du fédéral (transferts aux personnes, sociétés, gouvernement provincial, municipalités, OSBL, etc.) au Québec ont été de 18,8 G$ supérieures aux revenus (impôts, taxes, cotisations, vente de services, etc.) qu’Ottawa a perçus au Québec, ce qui prouve la dépendance économique du Québec à l’égard du grand frère fédéral.
Toutefois, 2020, année de la pandémie, est encore plus révélatrice. Ottawa a alors dépensé au Québec 69 G$ de plus que ce qu’il y a perçu. L’année n’était pas représentative, mais elle permet de constater l’importance de la masse critique d’un État lorsque survient un choc économique, ainsi que l’avantage du fédéralisme en pareille circonstance.
Parmi les hypothèses de l’étude, dont on ne peut vérifier le réalisme, il y a la part du Québec dans le passif du fédéral, qui est établi à seulement 17,61 %, comparativement au poids économique du Québec dans le Canada, établi à 21 %, et à son poids démographique, de 22,34 %. Inutile de dire que l’on pourrait en débattre longtemps advenant une négociation à ce sujet.
Parce qu’elle est complexe, cette étude ne sera pas déterminante, ce qui explique qu’aucun commentateur n’a cherché à la disséquer. Inintelligible pour le commun des mortels et truffée d’hypothèses dont on ne peut vérifier le réalisme, elle sera négligée dans la rhétorique du débat sur l’indépendance.
Même le chef péquiste l’a discréditée en parlant des retombées des « plus de 200 ambassades » (l’ONU compte 193 pays) qui s’établiraient à Québec, mais en taisant les coûts de l’éventuelle diplomatie québécoise à l’étranger.
Sa présentation par le chef péquiste, plutôt que par des économistes, explique le rôle politique que l’on veut y faire jouer.
J’aime
Le programme J’apprends le français de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain est un succès. Après avoir réalisé 1600 jumelages entre un commerçant et un mentor depuis 2016, il vise 360 jumelages d’ici la fin du printemps 2024. Ce programme réunit un étudiant universitaire qualifié et un commerçant désireux d’apprendre ou d’améliorer son français. Une session comprend deux heures de conversation par semaine pendant 12 semaines dans l’entreprise et elle est renouvelable aussi longtemps que le commerçant n’a pas atteint le niveau 8 de la connaissance du français. Ce programme est subventionné par l’État.
 
Je n’aime pas
Après les immigrants, ce sont maintenant les étudiants hors Québec qui menaceraient le français à Montréal, d’où la décision du gouvernement Legault de faire passer de 8 992 $ à 17 000 $ leurs droits de scolarité… pour en avoir moins. Cette décision mal avisée vise aussi à redistribuer des revenus des universités anglophones vers les francophones. Résultat : nos universités resteront sous-financées d’environ 1 G$ par rapport à celles des autres provinces; le Québec sera la seule province à ne pas financer une partie des coûts des études des étudiants des autres provinces; le Québec risque de se priver de personnes exceptionnelles; nous affichons à nouveau la petitesse de notre nationalisme.

 

CHRONIQUE. Le premier chiffre de l’étude sur les finances d’un Québec indépendant présentée par Paul Saint-Pierre-Plamondon est 82,3 milliards de dollars (G$). Ce serait les « nouveaux revenus », actuellement « captés par Ottawa », qui reviendraient au Québec advenant l’indépendance.

C’est trompeur. Primo, c’est une projection pour 2023-2024 dans l’hypothèse où le Québec aurait été indépendant, ce qui est une fiction. Secundo, on aurait dû mentionner que ce chiffre exclut les transferts du fédéral (pensions, allocations, subventions, etc.) au Québec, qui ont été de 29,2 G$, ce qui laisserait une récupération nette de 52,6 G$. 

Ce chiffre, comme un grand nombre des données et des nombreux tableaux du document péquiste, sert à impressionner. On oublie de dire que les impôts, les taxes, les cotisations, etc. que le fédéral vient chercher au Québec servent à payer des services. 

L’étude abonde en tableaux, mais ce ne sont pas avec ces données que l’on prouvera que le Québec survivrait à une déclaration d’indépendance. Grâce à sa main-d’œuvre, son économie diversifiée et sa santé financière, le Québec peut devenir indépendant, mais personne ne peut dire, advenant cette éventualité, comment il s’en sortirait. 

D’ailleurs, si l’indépendance se fait un jour, ce ne sera pas pour des raisons économiques. Elle résultera d’une volonté politique, dictée par le cœur et non par la raison. On raconte que Jacques Parizeau ne croyait pas à l’idée d’un budget de l’an 1, une démarche que René Lévesque lui aurait imposée.

L’étude, qui est agrémentée de rhétorique antifédéraliste, peut servir à galvaniser les troupes, mais c’est un exercice futile économiquement. Peut-on prévoir sérieusement ce que seront les finances d’un Québec indépendant sans savoir ce qui adviendrait de tous les liens économiques, les accords et les ententes qui le relient au gouvernement fédéral (la politique monétaire, les douanes, l’assurance-emploi, la défense nationale, la dette fédérale à partager, les politiques agricoles, etc.), aux autres provinces (échanges commerciaux) et aux autres pays (les accords commerciaux avec les États-Unis, le Mexique et l’Union européenne, les traités fiscaux, ceux avec l’OMC, l’OTAN, etc.) ? 

On en aurait pour des années à renégocier tout cela, sans oublier les coûts afférents et le temps qu’il faudrait pour ces palabres, autant de tractations complexes qui empêcheraient alors nos dirigeants de s’occuper en même temps des vraies affaires, soit de la gestion de l’économie, des finances publiques, des services aux citoyens et des autres missions. Il faut mettre des lunettes roses pour ne pas voir la complexité et les risques associés à ces enjeux. 

Curieusement, le PQ ne parle plus d’« association économique » avec le Canada comme on l’a fait au référendum de 1980 ou encore de « partenariat économique et politique » avec le Canada en 1995. Comme s’il suffisait de déclarer sa souveraineté pour que toutes ces ententes soient reconduites automatiquement et que tout ce qui aurait à être partagé serait négocié harmonieusement. C’est rêver en couleur. 

 

L’avantage fédéraliste

Malgré la mer de chiffres de l’étude péquiste, on n’y trouve pas l’état des « revenus et dépenses de l’administration publique fédérale au Québec », qui apparaît dans les « comptes économiques des revenus et dépenses du Québec », édition 2021. 

On y apprend qu’en 2019, les dépenses du fédéral (transferts aux personnes, sociétés, gouvernement provincial, municipalités, OSBL, etc.) au Québec ont été de 18,8 G$ supérieures aux revenus (impôts, taxes, cotisations, vente de services, etc.) qu’Ottawa a perçus au Québec, ce qui prouve la dépendance économique du Québec à l’égard du grand frère fédéral.

Toutefois, 2020, année de la pandémie, est encore plus révélatrice. Ottawa a alors dépensé au Québec 69 G$ de plus que ce qu’il y a perçu. L’année n’était pas représentative, mais elle permet de constater l’importance de la masse critique d’un État lorsque survient un choc économique, ainsi que l’avantage du fédéralisme en pareille circonstance.

Parmi les hypothèses de l’étude, dont on ne peut vérifier le réalisme, il y a la part du Québec dans le passif du fédéral, qui est établi à seulement 17,61 %, comparativement au poids économique du Québec dans le Canada, établi à 21 %, et à son poids démographique, de 22,34 %. Inutile de dire que l’on pourrait en débattre longtemps advenant une négociation à ce sujet.

Parce qu’elle est complexe, cette étude ne sera pas déterminante, ce qui explique qu’aucun commentateur n’a cherché à la disséquer. Inintelligible pour le commun des mortels et truffée d’hypothèses dont on ne peut vérifier le réalisme, elle sera négligée dans la rhétorique du débat sur l’indépendance.

Même le chef péquiste l’a discréditée en parlant des retombées des « plus de 200 ambassades » (l’ONU compte 193 pays) qui s’établiraient à Québec, mais en taisant les coûts de l’éventuelle diplomatie québécoise à l’étranger.

Sa présentation par le chef péquiste, plutôt que par des économistes, explique le rôle politique que l’on veut y faire jouer.

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J’aime

Le programme J’apprends le français de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain est un succès. Après avoir réalisé 1600 jumelages entre un commerçant et un mentor depuis 2016, il vise 360 jumelages d’ici la fin du printemps 2024. Ce programme réunit un étudiant universitaire qualifié et un commerçant désireux d’apprendre ou d’améliorer son français. Une session comprend deux heures de conversation par semaine pendant 12 semaines dans l’entreprise et elle est renouvelable aussi longtemps que le commerçant n’a pas atteint le niveau 8 de la connaissance du français. Ce programme est subventionné par l’État. 

Je n’aime pas

Après les immigrants, ce sont maintenant les étudiants hors Québec qui menaceraient le français à Montréal, d’où la décision du gouvernement Legault de faire passer de 8 992 $ à 17 000 $ leurs droits de scolarité… pour en avoir moins. Cette décision mal avisée vise aussi à redistribuer des revenus des universités anglophones vers les francophones. Résultat : nos universités resteront sous-financées d’environ 1 G$ par rapport à celles des autres provinces; le Québec sera la seule province à ne pas financer une partie des coûts des études des étudiants des autres provinces; le Québec risque de se priver de personnes exceptionnelles; nous affichons à nouveau la petitesse de notre nationalisme.

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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