L’annonce surprise de remplacement de Pierre Beaudoin à la tête de Bombardier jeudi a été accueilli avec un mélange d’espoirs et inquiétudes par les milliers de syndiqués de l’entreprise au Québec.
À l’occasion de la présentation de ses derniers résultats financiers, le manufacturier d’avions et matériels ferroviaires a annoncé que le poste de président et chef de la direction serait occupé à compter du 13 février par Alain Bellemare, un ancien dirigeant de United Technologies, maison-mère de Pratt & Whitney Canada.
Claude Boisvert, qui représente quelque 5 000 travailleurs de la division aéronautique de Bombardier à Mirabel et Montréal, se souvient encore du passage, entre 2002 et 2004, d’un certain Paul Tellier à titre de pdg de l’entreprise. «Si vous me le demandez, répond-il, je vous avoue que je n’en garde pas un excellent souvenir».
Pendant cette période, l’ex-pdg du Canadien National et mandarin du gouvernement fédéral avait notamment, à coup de décisions difficiles, intégré les activités d’Adtrantz, vendu la division de Bombardier Produits récréatifs (devenue BRP), provoqué la dissolution de Bombardier Capital, et cédé à L3 Communications l’ensemble des activités de défense Bombardier aéronautique. Ce ménage aura certes allégé l’entreprise, mais aura aussi entraîné ce faisant, plusieurs centaines de mises à pied, tant au Canada qu’en Europe.
Sans prévoir une repétition de ce scénario, l’agent d’affaire de l’Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale (AIMTA), affilié à la FTQ, ne peut s’empêcher de le craindre. «Après 37 ans (d’expérience dans cette entreprise), je peux vous dire que les mises à pieds, ça fait partie de la vie chez Bombardier. Elles sont toujours possibles. Mais ce n’est pas pour cela qu’on les espère.»
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Bombardier a supprimé 1 700 postes en décembre 2013 en raison des retards de son programme CSeries, 1800 autres à l'été 2014 parmi son personnel non syndiqué de Montréal principalement, et un millier d'autres en janvier dernier, à ses installations de Wichita au Kansas et Queretaro, au Mexique. Pendant ce temps, la multinational a aussi procédé à 900 autres suppressions de poste dans ses activités ferroviaires, surtout en Europe.
Lors d’une conférence téléphonique, jeudi matin, la direction de Bombardier a tenté de se faire rassurante. «Je ne veux pas spéculer sur les mesures que nous devrons prendre, a répondu Alain Bellemare à Les Affaires. (…) Mais mon objectif principal n’est pas de faire des mises à pied. Mon objectif est de m’assurer que l’entreprise aura du succès à le long terme (…), qu’on soit encore ici dans cinquante ou cent ans».
De quelle façon le nouveau venu compte-t-il y arriver? L’ex-patron de United Technologies évite de s’avancer, affirmant vouloir d’abord prendre le temps de discuter de la situation avec Pierre Beaudoin. En plus de présider le conseil d’administration de Bombardier, en remplacement de son père (Laurent Beaudoin), Pierre Beaudoin se concentrera sur les questions de financement et possibilités de fusion et acquisition sur le marché.
Quoi qu’ils décident, a déclaré M. Bellemare, «nous le ferons dans l’intérêt des clients, des actionnaires et des employés». Sur ce, M. Beaudoin a profité de la tribune pour vanter la qualité du personnel de l’entreprise.
En attendant d’en savoir plus sur les changements à venir, les syndiqués estiment que les possibilités de fusion ou participation d’investisseurs étrangers – Chinois notamment - à différentes entités de l’entreprise, pourraient autant s’avérer «dangereuses que bonnes».
Vous savez, si ça permet de nous donner accès à un plus grand marché, de vendre plus d’avions et de nous assurer de l’ouvrage chez nous, c’est pas mal tout ce qu’on peut espérer», réfléchit le représentant du syndicat des Machinistes de Bombardier.
En réaction aux résultats de Bombardier, sa décision de supprimer son dividende et d’émettre pour 600M$ en actions et 2,5G$ en titre de dette pour renforcer sa situation financière, l’action de Bombardier a connu ce jeudi une chute de 10, 53% à la Bourse de Toronto, ou 0,32$ et s’établir à 2,72$ en fin de journée. Depuis le début de l’année, le titre de Bombardier a reculé de 34,46%.
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