Pour sortir de la crise, misez sur la transparence

Publié le 30/04/2009 à 13:56

Pour sortir de la crise, misez sur la transparence

Publié le 30/04/2009 à 13:56

Par lesaffaires.com

Pour bon nombre de dirigeants, le ralentissement de l'économie ne signifie qu'une chose : une série de décisions difficiles. Que faire pour relancer mon entreprise? Dans quelles dépenses couper? Comment bien préparer le moment où la récession sera chose du passé?



De telles questions sont le pain quotidien de Ram Charan. L'auteur et conférencier est décrit dans le magazine Fortune comme "le meilleur de sa profession - plus gourou que consultant - et jouissant d'un accès privilégié aux conseils d'administration dans le monde entier. Sans compter les relations qu'il entretient avec certains des plus puissants pdg". Parmi les entreprises qui l'ont consulté : GE, DuPont, KLM et Procter & Gamble.

Dans cette entrevue accordée à la Harvard Business Review, le conférencier-vedette du Forum Urgence Leadership offre des conseils précieux aux leaders sur les stratégies à adopter pour tirer le meilleur parti d'une situation complexe.


Le meilleur conseil : dites la vérité

Harvard Business Review - Quel est l'aspect le plus important du leadership - pas seulement pour les pdg et les cadres supérieurs, mais pour tous ceux qui ont un rôle à ce chapitre dans l'entreprise - dans cette période difficile ?

Ram Charan - Plus que jamais, il est primordial d'être intègre et de savoir maintenir sa crédibilité. De nombreux leaders cèdent à la tentation de prendre des raccourcis au moment de prendre des décisions déchirantes, comme celle d'effectuer des mises à pied. Prenons un exemple : un cadre supérieur doit licencier 10 personnes, mais préfère ne dire qu'une partie de la vérité ou tente de se disculper. Cela ne peut être que nocif pour son entreprise. En cette époque où tout peut se vérifier sur Google, les gens découvriront tôt ou tard la vérité. Ce leader perdra de la crédibilité et son travail deviendra encore plus difficile.

Dites la vérité aux gens. Recueillez toute l'information possible. Parlez à vos clients, à vos employés qui font du service à la clientèle, à des personnes extérieures à votre entreprise. Écoutez ce que vos employés ont à vous dire.

N'hésitez pas à communiquer votre vision de la réalité. Si la situation est difficile, dites-le. Sachez que si l'entreprise ne prend pas de décisions ingrates maintenant, comme mettre à pied quelques employés, encore plus de personnes perdront leur emploi plus tard. Une compagnie peut disparaître uniquement parce qu'un gestionnaire n'a pas réussi à agir quand il le fallait.

Si vous devez faire des mises à pied, faites-les d'une manière juste et ouverte. Soyez franc. Brossez un portrait de la situation et expliquez pourquoi ces coupes sont nécessaires pour protéger de bons travailleurs et de bons emplois.

L'authenticité a toujours été une qualité recherchée, mais elle prend encore plus d'importance maintenant. Les gestionnaires, peu importe leur position dans la hiérarchie, doivent montrer une intégrité sans faille, être honnête et savoir faire face à la réalité. Et pour inspirer le courage et l'optimisme chez vos employés, il faut savoir indiquer un chemin crédible vers le succès. Cependant, si vous essayez de taire les mauvaises nouvelles, ils ne vous feront pas confiance. Pire encore, ils ne comprendront pas l'urgence de la situation et ils ne vous suivront pas.

HBR - Dans votre livre Exercer son leadership en pleine tempête (aux Éditions Transcontinental, propriété du groupe Transcontinental, éditeur du journal Les Affaires), vous conseillez aux leaders de pratiquer le "management intense". Qu'est-ce que c'est, et pourquoi est-ce si important présentement ?

R.C. - Le "management intense", selon moi, signifie que les gestionnaires doivent entrer dans tous les détails des activités de leur entreprise. Cela est particulièrement important étant donné la vitesse à laquelle les choses évoluent. Survivre dans un tel environnement force les entreprises à faire évoluer leur exploitation.

Chaque jour, vous entendez des annonces de mises à pied et des prévisions de baisses de revenus. Être à l'affût de ces informations et comprendre leur effet sur votre entreprise est crucial : des coupes annoncées un jour pourront en provoquer d'autres le lendemain. Il ne suffit pas de rester dans son bureau, de lire des rapports et de donner des directives. Chaque jour, vous devez savoir ce qui se passe dans votre secteur d'activité, adapter vos plans en conséquence et prendre les décisions qui s'imposent.

La pensée stratégique demeure importante, mais elle doit laisser la place à cette immersion dans l'exploitation - les leaders doivent s'impliquer, être visibles et communiquer tout le temps. C'est seulement ainsi que vous serez en mesure de voir venir les événements et d'y faire face rapidement et de façon appropriée.

Préparez-vous au pire!

Harvard Business Review - Les gestionnaires vivent ces temps-ci des moments angoissants. Comment les leaders doivent-ils gérer leurs émotions ?

Ram Charan - En fait, dans les périodes de crise, la plupart des leaders tendent à être plus optimistes qu'ils ne le devraient. Ils aiment à croire que tout va bien se passer pour leur entreprise. Cette confiance excessive les porte à croire qu'ils n'ont pas besoin de prendre les décisions difficiles ou les mesures draconiennes pourtant nécessaires. Pour éviter cette situation, je suggère à tous les gestionnaires d'imaginer le pire scénario pour leur entreprise. S'ils se préparent au pire, il est fort probable que tout ce qui risque de se passer sera moins dramatique. Et la situation générale de leur entreprise sera meilleure quand tout sera fini.

HBR - Dans votre dernier livre [Exercer son leadership en pleine tempête], vous dites que, pour traverser cette récession, tous les services d'une entreprise doivent mieux collaborer. Que peut faire le pdg pour éliminer les cloisonnements et implanter de meilleures pratiques ? Et que peuvent faire les cadres intermédiaires ?

R.C. - Chaque leader, peu importe son rôle dans l'entreprise, peut voir quelles décisions cruciales doivent être prises et quelles sont les étapes nécessaires pour réussir.

Imaginons qu'une division de votre entreprise doit lancer un nouveau produit en juillet. Pour atteindre cet objectif, vous devez obtenir rapidement toute l'information nécessaire et prendre ensuite les meilleures décisions possibles. Vous savez que trois ou quatre groupes de votre entreprise participent à la réalisation de ce projet. Prenez régulièrement le pouls des personnes concernées dans ces équipes. Posez beaucoup de questions et explorez différentes façons d'atteindre vos buts, en gardant l'esprit ouvert. Rappelez-leur quel est votre objectif commun : gagner un contrat, la confiance d'un client. Tous les humains aiment gagner. Mais dans une entreprise, toutes les victoires s'obtiennent en groupe.

Cela peut aider d'imaginer que le défi que vous et vos collègues devez relever est semblable, par exemple, à une partie de basketball. Les joueurs doivent constamment prendre des décisions à mesure que le match avance. Ils doivent passer le ballon à leurs coéquipiers pour vaincre l'équipe adverse, sans se demander qui aura le mérite de la victoire. Le basketball est un sport de vitesse, de flexibilité et de synchronisation. Les mêmes qualités sont demandées aux équipes de travailleurs durant la récession. Peu importe le service dans lequel vous travaillez, ce qui compte, c'est que vous soyez unis face à la concurrence.

Doser réalisme et optimisme

Harvard Business Review
- Est-ce qu'en période difficile, les gestionnaires doivent porter plus d'attention aux étapes qui suivent la prise de décision ?

Ram Charan - Bien sûr. Il est essentiel d'accorder une attention particulière à l'exécution des tâches à la suite d'une décision.
Je relate un exemple intéressant concernant DuPont dans mon livre [Exercer son leadership en pleine tempête]. Lorsque Chad Holliday (à l'époque président de l'entreprise et maintenant président du conseil d'administration) se rendit compte que la crise bancaire allait s'amplifier et toucher sérieusement sa compagnie, il a décidé de réunir une cellule de crise.

Après quatre jours de discussions, ils ont mis sur pied un plan pour faire face à la situation économique. Leur priorité : conserver les liquidités.
En deux semaines, des gestionnaires ont rencontré individuellement les 60 000 employés de DuPont afin de leur expliquer ce plan destiné à maintenir la rentabilité. Chaque employé s'est aussi fait demander de proposer trois mesures qu'ils pouvaient prendre pour faire économiser de l'argent à l'entreprise.

Quelques jours plus tard, les employés ont été sondés afin de mesurer leur compréhension de la situation et leur réaction à celle-ci et de vérifier s'ils avaient appliqué les mesures d'économies qu'ils avaient proposées.

HBR - Vous écrivez qu'à la suite de cette première communication avec le personnel de DuPont, M. Holliday avait l'impression que ses employés n'avaient pas tout à fait saisi l'urgence de la situation. Vous le citez : "Peut-être avons-nous trop bien réussi à les rassurer et à leur donner confiance." Comment les leaders peuvent-ils trouver l'équilibre entre réalisme et optimisme ?

R.C. - Le réalisme n'est pas négociable. C'est absolument essentiel à tout leader. Vous devez savoir reconnaître une situation difficile, savoir à quel point elle peut empirer, et savoir le communiquer à vos employés.

Être réaliste, cela signifie aussi savoir expliquer les scénarios qui permettront à l'entreprise d'améliorer sa situation. C'est de l'optimisme ancré dans un réalisme solide.

À toutes les époques, les gens ont traversé des crises. Ceux qui ont réussi à les surmonter le doivent à leur ténacité. Vous avez de telles personnes au sein de votre personnel : vous devez les motiver en leur présentant clairement les difficultés qui les attendent. Ainsi, ils pourront relever ces défis.

HBR - Les équipes ne risquent-elles pas d'être démoralisées par l'ampleur des défis ? Comment un leader peut-il éviter cet écueil ?

R.C. - Sachez scinder les problèmes. Assurez-vous que le défi que les employés ont à relever est spécifique et suffisamment concret. Par exemple, si un de vos concurrents réussit mieux que vous sur certains aspects, mettez vos employés au défi de le dépasser. Ainsi, même si le marché total est en déclin et que vos revenus diminuent, vous aurez la chance d'être plus compétitifs.

Les meilleurs savent s'adapter et se mettre de l'avant

Harvard Business Review - Vous enseignez à des étudiants de Wharton, une des écoles de commerce les plus prestigieuses des États-Unis. Quels conseils leur prodiguez-vous ?

Ram Charan - Si vous avez beaucoup de potentiel, continuez de consolider vos habiletés. Vous n'avez pas à vous laisser freiner par la récession. En fait, elle crée des occasions que vous n'auriez pas normalement. Peu importe dans quel secteur vous travaillez, il y a probablement une pénurie d'employés vraiment talentueux et motivés, prêts à faire face à l'adversité actuelle. Mettez-vous de l'avant et faites-vous remarquer. Apprenez à dirigez. Bâtissez votre réseau. Fixez-vous des objectifs personnels ambitieux.

HBR - Que feront les meilleures entreprises durant cette récession ?

R.C. - Parce qu'elles auront conservé leurs liquidités, elles seront mieux positionnées que leurs concurrentes. Elles ont déjà abandonné ce qui n'a pas une grande valeur pour elles; elles se concentrent sur leurs activités fondamentales. Elles s'efforcent de prévoir l'évolution de leur marché sur un horizon de deux ou trois ans. À la lumière de ces prévisions, elles déterminent à quel point elles doivent se réinventer pour avoir du succès dans ce nouvel environnement. Et elles procèdent dès maintenant à des changements pour y arriver.

Christina Bielaszka-DuVernay, journaliste à la Harvard Business Review

 

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