Plus ça change…

Publié le 26/11/2010 à 16:26, mis à jour le 26/11/2010 à 16:29

Plus ça change…

Publié le 26/11/2010 à 16:26, mis à jour le 26/11/2010 à 16:29

Par Premium

En 1996, John Kotter publiait Leading Change, un livre considéré par plusieurs comme un ouvrage précurseur dans le domaine de la gestion du changement. Il y révélait notamment qu’à peine 30 % des programmes de changement atteignaient leurs objectifs. Depuis la parution de ce livre, des milliers d’autres bouquins et articles de journaux ont été publiés sur le sujet, et les cours consacrés à la gestion du changement font maintenant partie intégrante de la plupart des programmes offerts par les grandes écoles de gestion.

Auteurs : Carolyn Aiken et Scott Keller, Mckinsey Quarterly

Pourtant, à la suite d’un sondage réalisé en 2008 par McKinsey auprès de 3 199 cadres partout dans le monde, on a constaté que seulement un programme de transformation sur trois connaît du succès — un pourcentage pour ainsi dire identique à celui qu’avançait John Kotter. Au cours des 10 dernières années, d’autres recherches ont donné des résultats très semblables. Malgré l’abondance des publications sur le sujet, la gestion du changement ne parvient toujours pas à assurer la réussite des programmes de transformation. Comment expliquer cette stagnation ?

La réponse est complexe. En fait, même si les théoriciens et les praticiens s’entendent désormais sur les fondements qui permettent d’influencer l’attitude des employés et le comportement des gestionnaires, les programmes de changement ont peu évolué. Dans un article intitulé The Psychology of Change Management, Emily Lawson et Colin Price, deux employés de McKinsey, ont proposé une approche globale de la question, suggérant qu’il fallait obligatoirement respecter quatre conditions de base pour transformer le comportement d’un employé :

-proposer un récit engageant, parce que les employés doivent comprendre à quoi sert le changement et être en accord avec celui-ci ;

-avoir des modèles, parce que les travailleurs doivent voir leur PDG et les collègues qu’ils admirent adopter le nouveau comportement ;

-instaurer des mécanismes de renforcement, parce que les systèmes, les processus et les incitatifs doivent s’arrimer au nouveau comportement ;###

-développer des habiletés, parce que les employés doivent avoir les compétences nécessaires pour apporter les changements souhaités.

Bien enracinée en psychologie, cette recette est tout à fait rationnelle. Elle a le mérite de présenter un certain attrait, ne serait-ce qu’intuitivement : aux yeux de plusieurs dirigeants, il s’agit tout simplement du gros bon sens. Mais là est justement le problème : même si la recette semble bonne, les gestionnaires qui l’ont appliquée de façon rationnelle ont lamentablement échoué. Généralement, ils ont gaspillé du temps et de l’énergie, lancé des messages qui passaient à côté de l’essentiel et vécu des expériences extrêmement frustrantes ayant des effets désastreux sur leurs efforts pour provoquer des changements. Pourquoi ? Parce qu’en suivant cette recette, ils ont négligé certains aspects de la nature humaine — des éléments parfois irrationnels mais néanmoins prévisibles.

No 1 Créer un récit engageant

Lorsqu’il s’agit de gestion du changement, les grands penseurs nous chantent les vertus de créer un récit engageant pour l’expliquer, puis de le communiquer aux employés et de maintenir leur intérêt par des communications soutenues. Ce sont de bons conseils en théorie mais, en pratique, il est important d’éviter les trois pièges majeurs qui risquent de vous empêcher d’obtenir l’effet escompté. Voici comment.

1. Ce qui est motivant pour vous ne l’est pas pour la plupart de vos employés, alors il faut trouver la clé. Beaucoup d’organisations utilisent essentiellement deux types de récits sur les changements souhaités. Le premier, c’est l’ambition d’atteindre l’excellence, dans un discours qui ressemble à ceci : « Sous les assauts d’une concurrence féroce, et avec les besoins changeants de la clientèle, notre avantage historique s’est érodé au fil des ans. Nous devons changer pour reconquérir la position de tête sur le marché. » Le second type de récit mise plutôt sur le revirement : « Notre rendement est inférieur aux normes de l’industrie. Pour survivre, nous devons changer radicalement. Nous pouvons nous classer parmi les meilleurs dans notre domaine si nous exploitons nos forces actuelles et reprenons le chemin de la croissance. »

Intuitivement, ces deux récits semblent tout à fait rationnels. Malheureusement, ils ont rarement l’effet escompté par les instigateurs du changement. Selon les recherches effectuées par bon nombre des principaux penseurs dans le domaine des sciences sociales, comme Danah Zohar, quand on interroge les gestionnaires et les employés sur ce qui les motive le plus au travail, leurs réponses, qui se répartissent entre cinq catégories de retombées, sont très différentes :

-sur la société (par exemple par le développement de ressources communautaires) ;

-sur la clientèle (notamment grâce à un service de qualité supérieure) ;

-sur l’entreprise et ses actionnaires (sous forme de bénéfices) ;

-sur l’équipe de travail (en contribuant à un milieu qui prend soin des individus) ;

-sur sa propre personne (que ce soit en favorisant son développement personnel, en obtenant une meilleure paie ou des primes).

Ce constat a de lourdes conséquences pour les leaders. En fait, ce qui leur tient à cœur (donc, ce sur quoi porteront généralement leurs messages aux autres) n’aura finalement aucun effet sur les principales motivations de 80 % du personnel. Dans ces conditions, pourquoi les employés dépenseraient-ils de l’énergie à s’adapter à un programme de changement ? Les instigateurs du changement doivent pouvoir proposer un récit qui touchera les cinq grandes catégories de motivations. Ce faisant, ils libéreront une incroyable quantité d’énergie qui, autrement, resterait latente dans l’organisation.

Penchons-nous sur un programme de réduction des coûts mis en œuvre par une grande société américaine de services financiers. Ce programme s’est amorcé par un récit de changement classique touchant la fibre de la fierté des employés et insistant sur le positionnement concurrentiel de l’entreprise et son avenir. Trois mois après le début du programme, la direction se butait toujours à la résistance des employés. L’équipe responsable du changement s’est alors efforcée de recadrer le récit pour y intégrer des éléments relatifs à la communauté (accès à des logements abordables, par exemple), à la clientèle (moins d’erreurs, prix plus concurrentiels), à l’entreprise (augmentation des dépenses plus rapide que celle des revenus, ce qui n’est pas viable à long terme), aux équipes de travail (moins de dédoublements, possibilité de déléguer davantage) et aux individus (emplois plus attrayants).

En modifiant ainsi leur approche, d’une manière somme toute assez simple, les responsables ont vu le taux de motivation des employés passer de 35,4 % à 57,1 % en seulement un mois. Le programme s’est poursuivi, permettant d’améliorer l’efficacité globale de 10 % dès la première année, un résultat bien au-delà des attentes initiales.

2. Il vaut mieux les laisser écrire leur propre récit. Forts de leurs bonnes intentions, les leaders consacrent un temps fou à communiquer leur récit de changement aux employés. Souvent, ils utiliseront des approches traditionnelles : tournées dans les lieux de travail, discussions ouvertes, sites Web et ainsi de suite. Bien sûr, le récit doit parvenir aux destinataires. Mais une grande partie de cette énergie dépensée pour communiquer servirait bien mieux le processus de changement si l’on se contentait… d’écouter.

À l’occasion d’une célèbre expérience de type comportemental, on a donné à la moitié des participants, au hasard, un numéro de billet de loterie, alors que ceux de l’autre moitié devaient inscrire le numéro de leur choix sur un billet vierge. Juste avant de tirer le numéro gagnant, les chercheurs ont offert à chacun de racheter son billet. Résultat : quel que soit le milieu géographique ou démographique dans lequel se tient l’expérience, ceux qui ont choisi leur propre numéro exigent toujours au moins cinq fois plus d’argent pour leur billet.

Cela en dit long sur la nature humaine : quand nous faisons nos propres choix, nous sommes nettement plus engagés envers le résultat (par un facteur de presque cinq pour un). Les approches conventionnelles de la gestion du changement sous-estiment cet élément. Le penseur rationnel considère comme une perte de temps de laisser les autres découvrir par eux-mêmes ce que lui sait déjà : pourquoi ne pas simplement le leur dire et passer à autre chose ? Malheureusement, cette attitude a pour conséquence de saper l’énergie dont les gens ont besoin pour changer mais dont ils bénéficient quand ils ont eux-mêmes trouvé la réponse.

Chez BP, pour développer un programme complet de formation à l’intention des leaders de première ligne, on a décidé d’impliquer les intervenants clés dans la conception du programme pour qu’ils sentent qu’ils pouvaient « choisir leur propre numéro de loterie ». Il a fallu un an et demi pour concevoir le programme en adoptant cette formule, mais cela en valait la peine : maintenant en vigueur, ce programme est le mieux coté en son genre chez BP. Plus de 250 hauts dirigeants encore actifs, provenant de toutes les sphères de l’entreprise, enseignent cette formation de leur plein gré. Plus important encore, les cadres qui ont suivi le programme obtiennent ordinairement des évaluations de rendement supérieures de la part tant de leurs patrons que de leurs subalternes.

3. Le récit doit présenter des points positifs et négatifs pour générer une véritable énergie. L’approche par déficit est devenue le modèle prédominant enseigné dans les écoles de gestion, et il s’agit de la stratégie adoptée pour gérer le changement dans la plupart des organisations. Elle consiste à cerner le problème, à analyser ce qui ne fonctionne pas et comment y remédier, à planifier puis à passer à l’action. La recherche a démontré, toutefois, qu’un récit portant sur ce qui ne va pas s’apparente à des reproches, en plus de créer de l’essoufflement et de la résistance, ce qui risque peu de soulever les passions et de mettre à profit l’expérience du personnel.

D’où l’émergence de l’approche « constructive » du changement, en vertu de laquelle le processus de transformation s’appuie sur la découverte (découvrir le meilleur de ce qui existe), le rêve (imaginer ce qui pourrait exister), la conception (parler de ce qui devrait exister) et le point d’arrivée (créer ce qui existera). Le problème avec cette approche, c’est que l’accent démesuré placé sur le positif risque de jeter une douche froide sur les aspirations et l’effet obtenu. Pourquoi ? La nature humaine, encore une fois : nous sommes davantage portés à prendre des risques pour éviter de perdre ce que nous avons que pour gagner quelque chose. Quand il s’agit de changer nos comportements, ressentir un peu d’anxiété ne nuit pas.

Dans le domaine de la gestion du changement, une ligne semble se tracer entre les adeptes de l’approche par déficit et ceux qui préconisent l’approche constructive. Combien de messages positifs et négatifs devrait-on utiliser ? Il est impossible d’en prescrire la proportion, puisque cela dépend du contexte dans lequel se développe tout programme de changement. Par contre, on peut certainement recommander aux gestionnaires de ne pas trop pencher d’un côté ou de l’autre. Pensons notamment à Jack Welch, ancien PDG de General Electric, qui a choisi le meilleur des deux mondes, se demandant à la fois « qu’est-ce qui ne fonctionne pas ici ? » (très faible rendement de l’entreprise, comportements en silo, etc.), et « qu’est-ce que cela pourrait devenir ? » (viser le premier ou le deuxième rang dans toutes les sphères d’activités, ouverture et obligation de rendre des comptes).

No 2 Proposer des modèles

Selon les principes traditionnels de la gestion du changement, les dirigeants devraient prêcher par l’exemple en adoptant eux-mêmes les changements souhaités, puis mobiliser un groupe de leaders influents pour instaurer les nouvelles pratiques dans toutes les sphères et à tous les niveaux de l’organisation. Mais cela ne produit pas toujours l’effet espéré.

1. Les leaders croient à tort qu’ils incarnent déjà le changement. La plupart des cadres supérieurs adhèrent généralement au célèbre aphorisme de Gandhi : « Incarnez le changement que vous souhaitez voir dans le monde. » Ils s’engagent à jouer personnellement le rôle de modèles en ce qui a trait aux comportements souhaités. Mais, en pratique, on n’observe aucun changement significatif.

Cela s’explique aisément : la plupart des cadres estiment qu’ils n’ont nullement besoin de changer. D’ailleurs, même si on le leur demandait en toute confidentialité, combien de cadres répondraient « non » à la question « Placez-vous le client en priorité ? », et « oui » à « Êtes-vous un bureaucrate ? » ? Aucun, bien sûr. En réalité, bon nombre d’êtres humains se croient meilleurs qu’ils ne le sont, un phénomène connu en psychologie sous le nom de biais d’autocomplaisance. Un exemple ? Sachez que 94 % des hommes se classent dans la moitié supérieure lorsqu’ils évaluent leurs habiletés athlétiques. Quand il est question du rôle de modèle joué par l’équipe de leaders, les approches conventionnelles de la gestion du changement prétendent que cela relève soit de la volonté, soit de la compétence. En vérité, la clé est tout autre : il s’agit surtout de savoir ce qu’il faut changer sur le plan personnel.

Pour le découvrir, on peut typiquement faire appel à des techniques de rétroaction tous azimuts, par le biais de sondages, de conversations, ou des deux. Prenons l’approche de Kevin Sharer, PDG d’Amgen, qui a demandé à ses 75 cadres supérieurs : « Qu’est-ce que je devrais faire autrement ? » Il a ensuite discuté ouvertement avec eux de ses besoins en matière de développement personnel et de son engagement à les combler. Pensons aussi à l’équipe d’élite d’une grande société d’assurance, qui a utilisé fréquemment ce qu’on appelait le « cercle de feu » durant le programme de changement : chaque participant recevait des commentaires en direct, de la part de ses collègues, quant à savoir s’il incarnait le changement, par des réponses à des questions comme « Qu’est-ce qui te rend exceptionnel ? » ou « Qu’est-ce qui te freine ? ».

2. Les leaders influents ne sont pas une panacée capable de concrétiser le changement. Dans presque toute la documentation portant sur la gestion du changement, on accorde une grande importance au fait de déterminer qui sont les leaders les plus influents de l’organisation, par leurs actions ou leur personnalité, puis de les mobiliser autour du changement espéré. Bien sûr, ce sera toujours une très bonne idée, quelle que soit l’époque. Toutefois, le rôle joué par ces leaders influents semble avoir évolué, passant d’un élément utile parmi d’autres interventions à une solution miracle capable de générer le changement.

Selon ce qu’on a pu observer dans le cadre de bon nombre de programmes de changement, la réussite repose beaucoup moins sur les talents de persuasion de quelques leaders choisis que sur l’ouverture de l’ensemble du personnel à l’idée de changer. En pratique, les individus qui se sentent engagés par le processus de changement et qui font toute la différence dans sa mise en œuvre ne sont pas toujours ceux qu’on attendait. C’est pourquoi il faut éviter d’investir trop d’énergie dans la mobilisation des personnes influentes et plutôt inciter les leaders du changement à accorder autant d’importance à chacune des quatre conditions favorisant le changement. L’on s’assure ainsi que ces quatre éléments se renforcent mutuellement, ce qui optimise la possibilité que l’étincelle du changement déclenchera un incendie qui se propagera à toute l’organisation.

No 3 Implanter des mécanismes de renforcement

Les principes traditionnels de gestion du changement soulignent l’importance de renforcer les changements désirés en les incorporant à des structures, à des processus, à des systèmes, à des cibles et à des incitatifs. Cela va de soi. Cependant, cela ne suffit pas. Pour être efficaces, ces mécanismes doivent tenir compte du fait que les gens n’agissent pas toujours de manière rationnelle.

1. L’argent est le moyen le plus coûteux de motiver les troupes. Les entreprises qui tentent d’associer les objectifs du programme de changement à la rémunération des employés constatent généralement que la motivation à changer augmente rarement autant qu’on l’aurait voulu. Cela s’explique à la fois par des raisons pratiques et des notions psychologiques. En réalité, dans la très grande majorité des entreprises, il est extrêmement difficile d’établir un lien significatif entre le programme de changement et le système de rémunération, qui s’appuie sur un vaste éventail de paramètres. Par ailleurs, de nombreuses études ont démontré que la satisfaction des êtres humains correspond à la perception moins les attentes (une équation qui s’accompagne souvent du commentaire suivant : « Ça n’a rien à voir avec la réalité. »).

Pour les gestionnaires du changement, la beauté de cette équation, c’est que de petites récompenses inattendues peuvent avoir d’énormes effets sur la satisfaction des employés engagés dans un programme de changement. Alors qu’il transformait Continental Airlines, Gordon M. Bethune a envoyé un chèque de 65 $ à chacun de ses employés quand l’entreprise a figuré parmi les cinq lignes aériennes respectant le plus leur horaire. John McFarlane, ancien PDG de ANZ Bank, a offert une bouteille de champagne à chacun de ses employés, à Noël, avec une carte les remerciant de leur travail dans le cadre du programme de changement « Rendement, croissance et profit » de l’entreprise.

La plupart des gestionnaires du changement considéreraient ces quelques exemples comme des gestes symboliques ayant un effet limité et à court terme. Mais les employés qui en ont profité ne sont pas du même avis. En fait, ils affirment en grande majorité que ces petites récompenses ont eu un effet positif important sur leur motivation à changer, effet qui s’est prolongé pendant des mois, voire des années.

2. Les processus et les résultats doivent être équitables. Quand une situation contrevient à leur perception de l’équité et de la justice, les employés risquent d’agir à l’encontre de leurs propres intérêts. Prenons l’exemple d’une banque qui, dans le cadre d’un important programme de changement, a créé de nouveaux modèles de rendement sur le capital en fonction du risque. Elle a ensuite remis une nouvelle grille de tarifs aux employés de première ligne, ainsi que des primes sur les ventes ajustées en conséquence. Résultat : les pertes de clients (et pas seulement les moins rentables) et les dérogations à la grille de tarifs ont grimpé en flèche, ce qui s’est traduit par un recul considérable pour la banque. Que s’est-il passé ? Les employés de première ligne ont perçu les nouveaux modèles comme injustes pour la clientèle. Un grand nombre d’entre eux ont dénigré les politiques de la banque à l’égard de ses clients et baissé les tarifs pour montrer leur bonne foi, quitte à ne pas atteindre leurs objectifs de ventes individuels.

Lorsqu’ils apportent des modifications aux structures, aux processus, aux systèmes et aux incitatifs de l’entreprise, les gestionnaires du changement devraient accorder une attention toute particulière à la perception des employés : le processus de changement et le résultat escompté sont-ils équitables ? Il leur faudra aussi se préoccuper de tous les cas où le changement touche les interactions entre les employés (par exemple s’il y a réduction des effectifs ou s’il s’agit de processus de gestion des compétences) ou avec la clientèle (programmes de stimulation des ventes, réingénierie de centres d’appels, augmentation des prix).

Ironiquement, dans l’exemple décrit plus haut concernant les tarifs bancaires, le résultat était pourtant équitable, puisque les clients devaient payer en fonction du risque encouru par la banque. La spirale descendante aurait donc pu être évitée, comme cela a été le cas dans d’autres banques ayant adopté cette formule de tarification, si les instigateurs du changement avaient suffisamment tenu compte de la perception des employés quant à l’équité de cette mesure. Il leur aurait ensuite suffi de modifier leurs efforts de communication ainsi que la formation concernant ce changement.

No 4 Favoriser le développement des compétences

Autre point mis de l’avant par l’abondante documentation sur la gestion du changement : l’importance de développer les compétences et les aptitudes requises pour mettre en œuvre le changement souhaité. Bien qu’il soit difficile de contester les vertus de cette idée, en pratique, il faut tenir compte de deux éléments pour connaître du succès.

1. Les employés sont ce qu’ils pensent, ce qu’ils ressentent et ce en quoi ils croient. À mesure que les gestionnaires tentent d’améliorer le rendement en modifiant le comportement de leurs employés, ils négligent trop souvent de considérer ce que ces derniers pensent, ressentent et croient, trois éléments à la base de leur comportement. Prenons l’exemple d’une banque qui, à la suite d’un exercice d’analyse comparative, a constaté que ses ventes par employé étaient inférieures à celles de la concurrence. Après avoir constaté que son personnel passait trop de temps aux tâches administratives et pas assez à discuter avec les clients, cette banque a lancé un processus de réingénierie du processus d’attribution des prêts afin d’optimiser le temps consacré à la clientèle. Malheureusement, six mois plus tard, on a observé très peu d’amélioration des résultats.

En creusant encore la question, et en se penchant sur l’état d’esprit des employés plutôt que sur leur comportement, les responsables se sont aperçus que les employés concernés trouvaient difficile d’interagir avec la clientèle et qu’ils préféraient les tâches administratives. Cela s’expliquait par une combinaison de facteurs : la personnalité introvertie de plusieurs d’entre eux, leurs faibles aptitudes interpersonnelles et un vague sentiment d’infériorité découlant du fait qu’ils traitaient avec des clients qui, en majorité, avaient plus d’argent et d’éducation qu’eux. Finalement, la plupart des employés concernés en étaient venus à se percevoir comme de simples représentants, une image qu’ils associaient davantage aux vendeurs de voitures usagées qu’au personnel des banques.

Forts de tous ces constats, les responsables du changement ont élargi la formation des employés pour y inclure des éléments touchant les types de personnalité, l’intelligence émotionnelle et le sens de la mission (repositionnant notamment les « ventes » comme la mission plus noble qui consiste à « aider la clientèle à découvrir ses besoins non exprimés et à les combler »). Grâce à ces améliorations, non seulement le programme a-t-il été remis sur ses rails en moins de six mois, mais il a aussi permis de générer des augmentations durables des ventes, dépassant même les cibles établies à l’origine.

2. Les bonnes intentions ne suffisent pas. En règle générale, les bons programmes de développement des compétences tiennent compte du fait que les gens apprennent mieux dans l’action qu’en assimilant simplement ce qu’on leur raconte. Ces programmes regorgent de simulations interactives et de jeux de rôles, et les participants s’engagent à mettre en pratique leurs expériences une fois qu’ils reviendront à leur poste. Puis arrive le lundi matin et, la plupart du temps, les bonnes intentions ont tôt fait de s’envoler.

Cette difficulté à tenir ses bonnes résolutions ne relève généralement pas de la mauvaise foi : elle dépend plutôt du fait que rien de formel n’a été prévu pour lever les barrières qui freinent l’usage de nouvelles compétences. Avec un horaire quotidien surchargé, la plupart des employés n’ont tout simplement pas le temps ni l’énergie voulus pour faire quelque chose de plus ou pour exécuter autrement l’une de leurs tâches habituelles. Cette incapacité à créer, dans le milieu de travail, l’espace requis pour mettre en pratique les apprentissages condamne la plupart des programmes de formation à de faibles résultats alors qu’ils ont pourtant le potentiel d’apporter beaucoup à l’entreprise.

En améliorant les approches traditionnelles de formation, il est possible de transformer des pratiques quotidiennes en processus de développement des compétences. D’abord, la formation ne doit pas être un événement unique ; il convient plutôt d’adopter une approche de terrain et de discussion, selon laquelle la formation en classe est divisée en une série de forums d’apprentissage, entrecoupés d’exercices pratiques. Ensuite, il faut aussi confier aux employés en formation des mandats sur le terrain ayant un lien direct avec leur emploi, ce qui les oblige à mettre en pratique, dans le cadre de leurs responsabilités habituelles, leur nouvelle vision des choses et les aptitudes acquises ; ces mandats devraient être mesurables, avec des outils appropriés, afin que l’on puisse évaluer le niveau de compétence des personnes concernées, qui pourraient d’ailleurs obtenir une certification confirmant leurs nouvelles compétences.

Bref, tout comme le domaine de l’économie s’est transformé à mesure que l’on a compris le fonctionnement unique de l’être humain sur les plans social, cognitif et émotionnel, les pratiques doivent maintenant évoluer en matière de gestion du changement. Mieux l’on comprendra la façon dont les êtres humains perçoivent leur environnement, et comment ils agissent en fonction de cette perception, plus on améliorera les programmes de changement. Et, bien qu’il faille plusieurs années pour mesurer les effets durables d’une telle transformation, les résultats observés dans les organisations qui ont déjà mis en pratique les conseils donnés ici laissent entrevoir une nette progression de l’efficacité de leurs programmes de changement.

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