Le jeu pour mieux performer


Édition du 10 Septembre 2016

Le jeu pour mieux performer


Édition du 10 Septembre 2016

Par Benoîte Labrosse

Les réseaux sociaux, de plus en plus présents dans nos vies, inspirent les firmes spécialisées en reconnaissance des employés.

«Deux choses peuvent contribuer à la réussite d'une entreprise : l'employé doit être reconnu et il doit progresser», explique Marc-André Lanciault, président de Karelab, qui développe la plateforme de reconnaissance sociale Enkourage depuis 2006. Le chiffre d'affaires annuel de Karelab est passé de 800 000 $ à 5,3 millions de dollars de 2013 à 2015. «Notre plateforme travaille à ce que les employés soient récompensés et s'améliorent constamment ; et tout ça fait en sorte qu'ils sont plus heureux.»

L'une des façons de susciter le plaisir au travail est l'utilisation du principe de ludification, ou gamification. «Il s'agit d'emprunter des techniques de jeu pour les appliquer à des processus d'affaires», résume Paul Blanchard, fondateur et président de Herd Wisdom, qui commercialise la plateforme éponyme depuis 2015. «Dans notre système, [la plateforme] la plus populaire est le jeu : les gens veulent compétitionner avec leurs collègues.» Cette plateforme cible les firmes de professionnels de 1 000 à 5 000 employés. 

L'interaction sociale avant tout

Employés et gestionnaires ont la possibilité de se lancer des défis sous forme de jeux-questionnaires aux thématiques variées. «Si un collègue accepte mon défi et me bat, il gagne mes points en plus des siens, explique-t-il. Sauf que les gens se moquent presque des cartes-cadeaux obtenues avec ces points - beaucoup ne sont jamais réclamées ni échangées. Ce qu'ils aiment, c'est l'interaction sociale et la découverte d'affinités avec des collègues d'autres services.»

Une augmentation de 30 à 35 % de la communication interne a ainsi été constatée chez un client, ce qui fait dire à M. Blanchard que «de laisser les employés jouer une ou deux minutes par jour n'est pas un gros investissement pour l'entreprise par rapport aux bénéfices». Un centre d'appels a quant à lui remarqué une baisse de durée par appel après trois mois d'utilisation de la plateforme Enkourage. «Le client a été en mesure d'économiser trois fois la valeur de la plateforme en raison du nombre de secondes gagné sur la moyenne des appels», illustre M. Lanciault.

Karelab se sert du jeu pour inciter les employés à performer. «Notre système, connecté sur les bases de données du client, comprend un tableau de bord avec quatre jauges de couleur qui permettent à l'employé de voir où il se situe par rapport à ses objectifs, précise son président. Sauf qu'au lieu de leur donner des points quand il les atteint, nous débloquons un jeu qui dure de 30 à 40 secondes sur un ordinateur ou un téléphone. Selon sa performance, l'employé obtiendra des points qu'il pourra échanger contre des récompenses.» Une méthode qui augmente l'impact sans influer sur le budget, parce que débloquer le jeu n'occasionne aucun coût supplémentaire et que tous n'atteignent pas le même score. Karelab, qui visait les entreprises de 500 employés, s'est récemment rapproché de celles de 50 employés et plus.

«En plus des points, le fait d'atteindre un certain niveau est une motivation en soi, note M. Lanciault. Et ce n'est pas l'apanage des jeunes employés : tout le monde est habitué à télécharger des applications et veut avoir du plaisir, peu importe l'âge.»

Paul Blanchard évalue que les jeux sont à l'origine de 95 % des visites sur la plateforme d'Herd Wisdom - dont le nom signifie «la sagesse du troupeau». «Les gens y vont d'abord pour jouer ou pour accepter le défi d'un collègue. Par la suite, ils y font quelque chose "d'utile", comme remplir un sondage de mobilisation ou proposer une idée à l'entreprise pour améliorer ses processus d'affaires.»

Souligner les bons coups

L'interaction est un autre des grands atouts des plateformes de reconnaissance sociale. S'inspirant de Facebook, la plupart d'entre elles offrent la possibilité d'«aimer» et de commenter la reconnaissance publique faite à un collègue. «Nous nous donnons en exemple aux clients : notre plateforme nous permet de souligner les bons coups de nos 250 employés en Amérique du Nord selon un système basé sur nos six valeurs d'entreprise», raconte Valérie Carle-Duchesne, présidente, Québec, de BrandAlliance, une entreprise de produits promotionnels qui oeuvre depuis 20 ans en reconnaissance auprès des entreprises de 2 500 employés et plus. «Les mentions sont aussi affichées sur notre site Web, et si quelqu'un est reconnu trois fois, il gagne une médaille qu'il peut exposer au bureau.»

La bonne vieille pratique consistant à transformer en récompense les «points» récoltés en jouant, en performant ou pour marquer un anniversaire est aussi toujours d'actualité. «La majorité des gens choisissent des cadeaux et des chèques-cadeaux, mais nous offrons aussi des expériences telles qu'une journée de voile ou une soirée aux Grands Ballets canadiens», poursuit Mme Carle-Duchesne.

La plateforme Herd Wisdom permet quant à elle de les matérialiser sous forme de don à une organisation caritative appuyée par leur employeur, ce que font «plus de 60 %» des gagnants. «L'impact est beaucoup plus important que pour ceux qui ont pris la carte-cadeau, assure M. Blanchard. L'employé perçoit son entreprise d'une manière différente, il se sent plus proche de ses valeurs.»

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