Entrer dans la tête du client

Publié le 11/10/2013 à 13:58

Entrer dans la tête du client

Publié le 11/10/2013 à 13:58

Par Premium

La réussite d’Electronic Arts reposait autrefois sur ses bonnes relations avec les détaillants. Aujourd’hui, l’entreprise apprend à utiliser la technologie pour se rapprocher des joueurs. Entrevue avec le chef de l’exploitation, Bryan Neider.

SOURCE : Krish Krishnakanthan, McKinsey Quarterly

Quel a été le point de départ du passage au numérique d’Electronic Arts (EA) ?

Lorsqu’il est devenu PDG en 2007, John Riccitiello a utilisé l’analogie avec une plateforme pétrolière en feu pour présenter une vision de notre entreprise à son équipe de haute direction. Vous êtes au milieu de l’océan sur une plateforme en feu. Vous avez le choix entre rester à bord et maîtriser l’incendie ou sauter à l’eau et faire face à un océan d’inconnues. John anticipait le virage radical de notre industrie, soit le passage du modèle des jeux vidéo vendus en magasins à celui de la distribution de jeux en ligne, qu’une bande passante plus large et des périphériques reliés rendaient possible. C’était un changement de cap pour lequel nous n’étions fondamentalement pas prêts à l’époque.

Nous éprouvions aussi des problèmes de fabrication — les cotes de qualité de nos jeux diminuaient et nos coûts augmentaient. Ce jour-là, la présentation de John Riccitiello a marqué le début du passage au numérique d’EA, avec l’objectif de démanteler notre entreprise et de la reconstruire de façon à nous permettre non seulement de distribuer nos jeux en ligne directement aux consommateurs, mais aussi de mieux connaître nos clients et d’établir une relation beaucoup plus étroite avec eux. Depuis, nous avons abandonné le modèle de distribution au détail. Nous intégrons plutôt l’analyse de données à notre processus de prise de décision à mesure que nous développons notre entreprise de distribution en ligne de jeux et de services. Pour l’exercice 2013, nous prévoyons que le numérique représentera 40 % de notre chiffre d’affaires total. Pendant que ce pourcentage continue d’augmenter, nous sommes à la merci des préférences des consommateurs qui évoluent constamment et sont difficiles à cerner. Il est donc extrêmement utile de comprendre comment les consommateurs réagissent à nos produits.

Comment le paysage concurrentiel a-t-il influé sur l’organisation d’EA ?

Nous devions offrir à nos clients des produits intéressants et accessibles partout, à n’importe quelle heure et sur n’importe quel appareil. Notre avons donc mis en place une structure qui comprend maintenant six unités regroupant des jeux qui s’adressent à des segments de marché différents. Dans ces unités commerciales, les profits et les pertes incombent aux propriétaires de licences, qui ont pour responsabilité de créer des jeux remarquables tout en optimisant les revenus et la rentabilité de leur licence, comme FIFA ou Need for Speed par exemple, tant pour les jeux en boîte que pour les produits en ligne. Le directeur général de chaque licence peut saisir les occasions et faire les compromis qui assureront le rendement optimal de son secteur d’activité.

Bien que ces labels exercent leurs activités de façon très indépendante, ils font également appel à des ressources centrales sur le plan de la distribution, du marketing, des ressources humaines, des finances et des technologies de l’information, de même qu’à notre plateforme numérique en constante évolution, qui crée les mécanismes technologiques nous permettant de livrer notre contenu sur demande. La livraison de ce contenu comprend des modèles d’entreprise novateurs comme le modèle free-to-play (jeux gratuits), qui tire ses revenus de micro-transactions, c’est-à-dire des éléments que le joueur peut acheter à la pièce pour accélérer son expérience de jeu ou pour l’améliorer. La publicité représente une deuxième source de revenus pour la plupart des jeux qui suivent ce modèle.

Comment EA utilise-t-elle la technologie pour mesurer la performance et pour parvenir à cerner les véritables désirs de ses clients ?

Nous avons des systèmes et des outils qui nous permettent d’évaluer nos activités d’un angle différent des rapports hebdomadaires de nos partenaires détaillants. Nous avons nos propres outils de données, tel qu’un système de gestion de comptes contenant les profils de plus de 200 millions de consommateurs, ce qui nous montre la progression de nos activités, par exemple par jeu, par licence ou par région.

Dans le cas des grands lancements de jeux pour consoles, notre principal indicateur de qualité des produits est une mesure externe établie à l’échelle de l’industrie en fonction des critiques de publications sur les jeux vidéo. Nous avons constaté qu’il existe un lien important entre les critiques positives et les ventes réalisées. Toutefois, lorsque nous lançons des jeux qui ne sont pas offerts uniquement en boîte — des jeux qui reposent sur un univers de contenu numérique et offrent un service direct aux consommateurs — nous avons besoin d’autres mesures qui exigent une intégration plus approfondie des nouvelles technologies pour mesurer les interactions des clients avec nos produits et pour nous permettre de satisfaire leurs désirs promptement. Dans ce type d’environnement, la principale mesure devient la valeur à vie de chaque client. Nous envoyons sur le terrain quelques équipes d’analystes dont les activités vont de l’aide apportée à la mise au point et au perfectionnement d’un jeu. Ceci permet de rendre l’expérience de jeu agréable pour tous. Ces équipes font également de la prédiction en analysant la première fois qu’une personne télécharge et joue à un jeu, puis en évaluant la probabilité que cette personne — d’après ses comportements de jeu et ses achats initiaux — devienne un joueur qui présente une contribution de valeur à vie élevée.

Quel genre de mesures utilisez-vous lorsque vous analysez les données sur les jeux ?

Étant donné que les organisations ne peuvent atteindre qu’un nombre limité d’objectifs, chaque équipe a probablement quatre ou cinq paramètres qu’elle voudra surveiller. Ces paramètres peuvent varier considérablement selon l’étape de développement du jeu et son cycle de vie sur le marché.

Les principaux paramètres répondent aux questions suivantes : À quelle étape du jeu les consommateurs abandonnent-ils ? Quel est l’effet sur le réseau de l’ajout de joueurs dans le jeu ? Combien de personnes terminent le jeu ? Est-il trop difficile ou trop long ? Avons-nous surdéveloppé un produit ou l’avons-nous sous-développé ? Les gens ont-ils fini de jouer trop vite ? Il est essentiel d’avoir ce type d’information.

Comment obtenir des réponses à ces questions ?

Nous disposons d’équipes de marketing qui suivent les blogues des consommateurs et les médias sociaux, offrent des démos et des versions bêta aux clients et obtiennent leurs commentaires, qu’ils transmettent immédiatement à l’équipe de développement afin qu’elle apporte des modifications. Toutefois, le défi tient au fait que certains segments du public des joueurs donnent facilement leur opinion : ils aiment ou détestent vraiment le jeu, sans nuance. Il s’agit donc de trouver des moyens d’obtenir les commentaires de la grande majorité du public, qui est généralement peu communicative, et de s’assurer que ces joueurs obtiennent ce qu’ils veulent.

Une des meilleures façons d’y arriver, c’est d’intégrer la télémétrie dans nos jeux. Lorsque les joueurs se connectent, on leur demande l’autorisation d’utiliser la télémétrie, par exemple, de leur appareil portatif, pour que de l’information sur leur jeu nous soit communiquée. Bon nombre acceptent. Il s’agit d’un outil crucial, parce qu’il nous permet d’observer le comportement d’un joueur en pleine action et de comprendre très objectivement ce qui va et ce qui ne va pas.

De plus, les outils en ligne permettent aux consommateurs de nous communiquer leurs commentaires à différentes étapes d’un jeu et à la fin de celui-ci, afin que nous puissions tenir compte de ces commentaires dans nos produits. Les joueurs n’aiment pas recevoir de demandes de commentaires à des moments critiques du jeu. La rétroaction doit donc se faire de manière ouverte et non intrusive. Il est très important que les joueurs du monde entier acceptent de collaborer avec nous, parce que les goûts diffèrent, et le jeu doit être conçu pour s’adapter aux préférences de différents marchés. Par exemple, la version chinoise d’un jeu de combat doit comprendre plus d’arts martiaux et moins de coups de feu que sa version américaine.

Compte tenu de la grande priorité accordée aux désirs des consommateurs, les concepteurs de jeu visionnaires ont-ils encore une marge de manœuvre pour innover ?

Il y aura toujours des concepteurs qui veulent créer des jeux tout à fait uniques, et les consommateurs veulent qu’on les impressionne par des trucs inattendus. Cela fera toujours partie intégrante de la conception des jeux. Nous sommes toutefois confrontés à de nouveaux défis de créativité dans la foulée du passage des jeux en boîte aux services numériques. Le jeu étant toujours en ligne, comment pouvons-nous assurer que celui qui a commencé à jouer à un jeu aujourd’hui s’y adonnera toujours dans un an ? L’innovation doit continuer une fois que le jeu est en ligne. Nous devons améliorer encore davantage cette boucle de rétroaction afin de pouvoir continuer de perfectionner le processus et le jeu.

La technologie joue un rôle croissant dans tous les secteurs. Si vous n’aviez qu’un seul conseil à donner à un chef de l’information, quel serait-il ?

Au fond, nous avons affaire au public. Dans les entreprises technologiques, il est facile de se laisser envoûter par les technologies et de perdre de vue le fait que ce sont des individus qui les créent et les utilisent. Pour nous, le public est la force créatrice des nouveaux jeux et services, tout comme il l’est pour les nouvelles technologies que les autres entreprises développent dans d’autres secteurs.

La communication est absolument essentielle. Je crois qu’au cours des dix dernières années, la plupart des chefs de l’information ont œuvré dans des organisations de plus en plus dispersées. C’est pourquoi la communication constitue le fondement absolu de l’alignement des objectifs et permet de nous assurer de maintenir le cap. La technologie est au final le catalyseur de cette communication. Elle est vraiment indispensable pour comprendre qu’en fin de compte ce sont des êtres humains qui accomplissent le travail.

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