Quand les résidus des uns deviennent les intrants des autres

Offert par Les Affaires


Édition du 06 Août 2015

Quand les résidus des uns deviennent les intrants des autres

Offert par Les Affaires


Édition du 06 Août 2015

Échanger des résidus matériels ou énergétiques entre entreprises industrielles est une manière concrète de réduire la quantité de déchets et de polluants et d’optimiser l’utilisation des ressources. C’est aussi un moyen de faire rimer écologie avec profit.

L’entreprise se départissant de ses rebuts réduit ses coûts d’enfouissement ou environnementaux, et celle qui les reçoit, ses coûts d’approvisionnement.

Lentement mais sûrement, cette formule fait son chemin au Québec. « Nous ne sommes qu’au début d’un mouvement, mais les choses s’accélèrent », constate Frédéric Bouchard, président et cofondateur de Second Cycle, une entreprise qui fournit conseils et solutions clés en main pour trouver et mettre en place des débouchés pour les résidus des entreprises.

Une observation que partage Jennifer Pinna, chargée de projet au Centre de transfert technologique en écologie industrielle (CTTEI) de Sorel-Tracy. « Le téléphone sonne beaucoup, dit-elle. Les entreprises sont davantage convaincues de la rentabilité économique de l’écologie industrielle [dont les synergies sont une application concrète] et moins frileuses pour changer leurs pratiques. »

Dans certains cas se développent des symbioses industrielles, c’est-à-dire un réseau d’entreprises reliées entre elles par des synergies. La première à avoir vu le jour en 2008 au Québec est celle de la Société du parc industriel et portuaire de Bécancour, qui enregistre une dizaine de synergies pour la présence d’environ le même nombre d’entreprises industrielles.

Un contexte favorable

Cette évolution est le résultat d’une plus grande sensibilisation des acteurs industriels, de la progression de la culture de la collaboration entre les entreprises, mais également d’un contexte qui rend les synergies industrielles particulièrement avantageuses.

« L’économie n’a pas retrouvé son plein régime depuis 2008. Les prix des matières premières sont volatils, la demande mondiale pour les ressources croît, et leur exploitation nécessite de plus en plus d’énergie et se heurte à des problèmes d’acceptabilité sociale, avance Daniel Normandin, directeur exécutif de l’Institut de l’environnement, du développement durable et de l’économie circulaire, qui regroupe l’Université de Montréal, HEC Montréal et l’École Polytechnique.

« Améliorer l’efficacité des ressources circulant déjà dans le marché devient donc nécessaire pour garantir le niveau de bien-être avec moins de ressources », ajoute-t-il.

Si récupérer de la vapeur d’une entreprise voisine ou des restes de plastique à incorporer dans un produit recyclé paraît simple sur le papier, la réalité est plus compliquée.

Sur le plan technique, il s’agit de faire concorder l’offre avec la demande, de trouver le bon débouché pour chaque résidu et inversement.

Coopsom, la coopérative de solidarité de la Matawinie, fabrique des allume-feux et des bûches écologiques à partir de cire usagée et de sciure de bois. L’idéal est de se servir de résidus de cire provenant d’usines textiles, mais le problème est que cette industrie se réduit comme peau de chagrin en Amérique du Nord. « Nous avons testé d’autres cires, mais sans succès pour le moment, car elles collaient aux machines », explique Jean-Marie Bélanger, directeur général de la Coopsom, qui estime à 25 % l’économie réalisée par le recours à de la cire usagée.

Parfois, les coûts d’achat d’un équipement pour traiter le résidu avant son recyclage, les coûts de transport entre les deux entreprises ou de recertification nécessaire font avorter des projets de synergie, par manque de rentabilité économique.

Des coûts d’enfouissement encore bas

Des coûts qui pèsent d’autant plus dans la balance que l’enfouissement des déchets est souvent la solution la moins chère pour les entreprises. Car les coûts d’enfouissement sont bas au Québec. « En Angleterre, l’explosion des redevances d’enfouissement a davantage permis d’encourager le recyclage, souligne M. Bouchard. Là-bas, leur montant s’élève à 80 £ la tonne, soit près de 160 $, par rapport à une cinquantaine de dollars ici. » Une situation également dénoncée par M. Normandin, qui regrette plus largement le manque d’incitatifs financiers et fiscaux pour les entreprises. « Les politiques actuelles favorisent le gaspillage, déplore-t-il. L’extraction des ressources est subventionnée, alors qu’au contraire il faudrait taxer l’utilisation de matières premières vierges. »

Pour relever ces défis et arrêter de voir des ballots de rebut être envoyés en Chine plutôt que d’être exploités par des manufacturiers locaux, les entreprises ont besoin d’accompagnement dans leur transition verte. Même si ces dernières peuvent établir des synergies sans aide extérieure, l’appui d’organisations – comme le CTTEI, Second Cycle ou les sociétés de développement économique et de parcs industriels ayant fait le choix de participer à ce mouvement – permet de donner une impulsion au nombre de symbioses industrielles.

Un guide pour créer une symbiose industrielle

Pour soutenir la création de projets de symbiose industrielle, le CTTEI a lancé, en 2013, une plateforme regroupant les six projets qu’il suit et un guide de création d’une symbiose industrielle. « Notre approche est de miser sur la force du territoire, dit Mme Pinna. Il faut un leadership régional et un porteur de projet qui va embaucher un animateur pour aller dans les entreprises voir ce qui entre et ce qui sort, et ainsi constituer une base de données pour mailler l’offre des uns avec les besoins des autres. » Plus l’inventaire des possibles synergies est exhaustif, plus les chances de voir son rôle d’entremetteur être couronné de succès sont élevées !

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