Entrevue n°264 : Calvin Chin, fondateur, Transist Impact Labs


Édition du 24 Octobre 2015

Entrevue n°264 : Calvin Chin, fondateur, Transist Impact Labs


Édition du 24 Octobre 2015

Par Diane Bérard

«Pour devenir un vrai leader mondial, la Chine a besoin d'entrepreneurs»- Calvin Chin, fondateur, Transist Impact Labs.

Calvin Chin est l'un des principaux porte-paroles de la relève entrepreneuriale chinoise. Avec la firme d'investissement Transist Impact Labs, il en est à sa deuxième start-up depuis qu'il est rentré au pays de ses parents, il y 11 ans. Dès le lancement de sa première entreprise - la plateforme de sociofinancement Qifang -, le magazine Fast Company a inclus Calvin Chin dans son palmarès des 100 personnes les plus créatives du monde.

Diane Bérard - Vous êtes né aux États-Unis de parents chinois. Pourquoi avez-vous quitté votre vie confortable à la Silicon Valley pour le tumulte de Shanghai ?

Calvin Chin - Nous étions au début des années 2000. Il y avait un buzz extraordinaire autour de la Chine. Mon épouse et moi avons senti le besoin de participer à cette effervescence.

D.B. - Qu'avez-vous trouvé en Chine en 2003 ?

C.C. - J'ai trouvé l'ingrédient essentiel à tout entrepreneur : l'énergie. Il y avait un tel niveau d'optimisme à cette époque, c'était contagieux. Tout le monde avait en tête les moments difficiles que la Chine avait traversés et chacun sentait le vent tourner. Il émanait un désir très fort de faire bouger les choses.

D.B. - Avez-vous émigré en Chine pour devenir entrepreneur ?

C.C. - Je suis déménagé en Chine parce que c'était un moment historique. Il fallait y être. Mais lorsque j'observe ma vie aujourd'hui, je constate qu'il existe un fil rouge. Tout a un sens. Je viens d'une famille d'entrepreneurs. Mes parents avaient un restaurant. Je n'ai jamais dit : «Je vais me lancer en affaires». Mais je crois que c'était dans mon ADN. La Chine a réveillé cette fibre.

D.B. - Qu'avez-vous étudié à l'université?

C.C. - J'ai étudié les arts libéraux. C'est une formation multidisciplinaire qui vous apprend à penser, à développer votre sens critique et à vous adapter à un monde en évolution.

D.B. - Vous avez d'abord été banquier. Que retenez-vous de cette expérience ?

C.C. - C'était stimulant intellectuellement. Mais ce n'est pas parce qu'un métier vous stimule qu'il vous satisfait. Être banquier était un passage obligé pour me permettre de découvrir ce que j'attendais de la vie. J'ai compris qu'il me manquait quelque chose, un sens, un but. J'ai amorcé ma quête en me joignant à une start-up de New York qui m'a envoyé à la Silicon Valley. Et puis, j'avoue que mon passé de banquier m'est plutôt utile présentement pour réussir en tant qu'entrepreneur.

D.B. - Aujourd'hui, à quoi ressemble la vie d'un entrepreneur en Chine ?

C.C. - Elle pose de nombreux défis qui s'ajoutent à ceux de n'importe quel entrepreneur dans le monde. Le marché chinois manque de maturité, les structures ne sont pas au point. De plus, ce marché est fragmenté. Il n'existe pas un seul environnement d'affaires chinois, mais plusieurs. Certains sont dominés par des entreprises d'État, d'autres, par des oligopoles. D'autres encore ont introduit la concurrence. Et que dire du rôle de l'État et de la réglementation que nous avons tous du mal à saisir !

D.B. - Si la vie d'un entrepreneur est si difficile en Chine, pourquoi y demeurez-vous ?

C.C. - Il y a deux façons de voir la Chine contemporaine. On peut regarder soit ses problèmes, soit les occasions qu'elle offre. Je m'attarde aux occasions. La Chine veut jouer un rôle de leader à l'échelle mondiale. Pour y arriver, elle doit s'attaquer à de nombreux enjeux, dont les inégalités sociales, la pollution, la diversification de l'économie, etc. Pour tous ces dossiers, la Chine a besoin d'entrepreneurs.

D.B. - Parlez-nous de votre première entreprise, Qifang.

C.C. - Je l'ai démarrée avec des partenaires en 2007. Nous cherchions comment mettre notre réseau, nos ressources et notre expertise à profit pour créer quelque chose de positif pour la Chine. Nous avons travaillé à partir d'un problème concret, le partage inégal de la richesse. Nous avons lancé une plateforme de prêts participatifs qui permettait aux citoyens plus aisés de financer les études supérieures des citoyens moins favorisés. Le prêt moyen était de 1 000 $ - le coût d'une année d'université -, remboursable sur une période de trois à cinq ans. À cette époque, les plateformes comme Kiva et Lending Club commençaient à gagner en popularité. Nous avons rencontré ces entrepreneurs pour comprendre leur modèle.

D.B. - Le financement participatif était-il légal en Chine en 2007 ?

C.C. - Comme plusieurs activités en Chine, ce n'était ni légal ni illégal.

D.B. - Qifang a cessé ses activités. Pourquoi ?

C.C. - Nous avions repéré un besoin véritable. Mais nous sommes arrivés trop tôt, le marché n'était pas prêt. La finance en ligne n'était pas assez organisée. Et puis, il y a eu la crise financière. L'aventure Qifang a duré trois ans. Au cours de cette période, nous avons effectué 3 000 prêts.

D.B. - Qu'avez-vous appris de cette expérience ?

C.C. - Nous avons manqué de concentration. Nous nous sommes éparpillés. Nous avions décelé un réel besoin, plusieurs personnes voulaient travailler avec nous. On nous proposait constamment de nouvelles idées plus ou moins liées à notre modèle d'entreprise. Par exemple, on voulait Qifang dans d'autres régions. C'était trop tôt. Nous avons perdu du temps à envisager la diversification géographique. Nous aurions dû nous concentrer sur une clientèle - les étudiants universitaires ou collégiaux, ou l'éducation permanente - et une seule région. À force de nous éparpiller, nous ne profitions pas de l'effet multiplicateur de nos apprentissages.

D.B. - En 2010, vous avez démarré une firme d'investissement, Transist Impact Labs. Dans quel type d'entreprises investissez-vous ?

C.C. - Transist investit dans les entreprises dont le modèle aura un impact positif sur la société. Depuis 2010, nous avons procédé à 30 investissements dans des sociétés chinoises et américaines. Notre investissement maximal atteint 500 000 $ US. Nous évaluerons avec plaisir les sociétés canadiennes qui viendront nous voir.

D.B. - Transist est-elle aussi un accélérateur ?

C.C. - Oui. Pour ce dossier, nous collaborons avec la Fondation Shell. Notre accélérateur s'adresse aux start-up chinoises qui s'intéressent aux énergies du futur. Certaines start-up sont installées dans les locaux de l'incubateur, d'autres pas. Transist investit dans ces entreprises en plus de leur donner accès à des subventions de la fondation Shell.

D.B. - Transist accueille des «entrepreneurs en résidence». De quoi s'agit-il ?

C.C. - Nous voulons encourager l'entrepreneuriat à toutes les étapes. Nous finançons les entreprises qui ont une équipe et un produit défini. Nous contribuons à accélérer les projets de celles qui ont besoin d'un coup de pouce. Et nous accueillons les entrepreneurs qui ont une idée, mais pas d'équipe ni de plan d'affaires. Ce sont nos «entrepreneurs en résidence». Nous en avons accueilli cinq depuis 2010.

D.B. - Comme entrepreneur, que souhaitez-vous pour la Chine ?

C.C. - Le pays est passé du «fabriqué en Chine» au «dessiné en Chine». Il faut maintenant qu'il adopte le label «créé en Chine». Il faut devenir des innovateurs.

Suivez Diane Bérard sur Twitter @diane_berard

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