La nouvelle hypocrisie

Publié le 01/03/2009 à 00:00

La nouvelle hypocrisie

Publié le 01/03/2009 à 00:00

Je siège souvent à des conseils d'administration ou à des comités de gestion où la langue de bois est à l'honneur. À écouter ces échanges empreints de fausse courtoisie et de lieux communs, je me demande de quoi les dirigeants ont peur pour ne rien oser dire lorsqu'on les interroge. "On fait attention, il faut être politically correct", me répond-on habituellement.

Cette réponse n'est pas satisfaisante. Est-il politically correct de retenir de l'information qui devrait être communiquée ? De n'en livrer que des bribes ? À ce point, il est légitime de se demander : le politically correct invoqué est-il une nouvelle manière de mentir ou une autre façon de manipuler l'opinion ?

La Caisse de dépôt et placement du Québec (CDP) a récemment offert de nombreux exemples de ce que peut être la langue de bois lorsqu'on la manie à répétition. Quels sont les rendements de la Caisse ? "Impossible de le savoir", nous réplique-t-on. Le PDG reviendra-t-il de son congé de maladie ? "On ne peut pas dire, on ne commente pas ce genre de nouvelles." Pourquoi le remplacement du PDG prendra-t-il six mois ? "C'est un processus complexe", nous dit-on encore... Ces réponses ne veulent pas dire grand-chose. Elles n'éclairent pas. Elles sont vides.

Que faut-il en penser ? Les dirigeants de la Caisse sont-ils politically correct, ou cherchent-ils tout simplement à ne pas rendre de comptes ou à ne pas dévoiler la situation réelle de la gestion de la Caisse ?

Afin de tenter de répondre à cette question, il est utile de préciser ce qu'est et ce que n'est pas le concept de politically correct ou, pour le dire en français, la rectitude morale.

Le terme "rectitude" est emprunté au latin rectitio, c'est-à-dire "direction en ligne droite". Au sens moral, le mot rectitude a été repris afin de désigner la qualité d'une personne qui ne dévie pas de la bonne voie. Depuis quelques années, la notion de rectitude a perdu de son lustre et de sa valeur en s'éloignant de son sens initial, alors qu'elle désigne trop souvent l'usage de termes ou de mots "acceptables en société", sans pour autant y adjoindre la sincérité nécessaire à sa nature.

Plutôt que de refléter une réelle droiture, le politically correct est réduit à une forme d'hypocrisie que l'on désire "acceptable". Il s'agit alors d'une sorte de mensonge ou de manipulation. L'hypocrisie, c'est lorsqu'une personne déguise ses pensées ou ses opinions, ou qu'elle retient de l'information afin que "ça passe mieux"... Sur le plan de l'éthique, l'hypocrisie, la manipulation et le mensonge ne sauraient être acceptables ; ils ne le seront jamais.

Toutes les réponses fournies par la direction de la Caisse aux nombreuses questions posées au fil des derniers mois ont eu l'air toutes faites ; elles tentaient à tout prix d'éviter de dire ce qui devait être dit.

Par conséquent, les gens d'affaires et les citoyens ne peuvent pas savoir ce qui se passe réellement. Ce genre d'attitude est injustifiable de la part d'une institution publique ; elle empêche les partenaires et les citoyens de se faire une opinion valable et crée une incertitude qui, en temps de crise économique, mine le capital de confiance envers l'institution. Ce n'est pas la meilleure manière d'actualiser les valeurs d'éthique et de transparence qui sont, selon les documents de la Caisse, les siennes depuis 1965.

Afin d'éviter la langue de bois dans une discussion, si vous croyez que "cela va sans dire", sachez que cela ira encore mieux en le disant.

rene.villemure@ethique.net

René Villemure est éthicien. Il est aussi le fondateur de l'Institut québécois d'éthique appliquée. Il conseille les dirigeants des grandes sociétés publiques et privées en matière de gestion éthique et de gouvernance éthique.

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