Une filiale canadienne s'expose à subir un jugement rendu à l'étranger contre sa société mère


Édition du 14 Novembre 2015

Une filiale canadienne s'expose à subir un jugement rendu à l'étranger contre sa société mère


Édition du 14 Novembre 2015

Dans un jugement attendu, la Cour suprême du Canada concluait récemment que les tribunaux canadiens ont la compétence d'exécuter contre Chevron Canada un jugement rendu en Équateur à l'encontre de Chevron Corporation.

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Il s'agit d'un nouveau rebondissement dans une saga qui oppose, depuis plus de 20 ans, 47 demandeurs représentant environ 30 000 villageois autochtones de la région de Lago Agrio, en Équateur, à Chevron Corporation. Depuis 1993, les demandeurs tentent d'obtenir réparation pour les dommages environnementaux importants qu'aurait causés l'exploitation pétrolière de Texaco (acquise depuis par Chevron Corporation). En 2011, Chevron Corporation a été condamnée, en Équateur, à payer 9,5 milliards de dollars américains en dommages.

Toutefois, Chevron Corporation n'a aucun actif dans ce pays. Devant le refus de payer de la multinationale américaine, les demandeurs tentent de faire reconnaître ce jugement dans des pays où Chevron possède des actifs, notamment en Ontario, contre Chevron Canada. Cette dernière, une filiale au septième degré de Chevron Corporation, possède des stations d'essence et des participations dans les projets Duvernay Shale et Kitimat LNG en Colombie-Britannique, et des parts dans Athabasca Oil Sands en Alberta ainsi que dans Hibernia et Hibernia South Extension à Terre-Neuve.

Une tradition de courtoisie

«La question n'est pas de savoir si Chevron Canada devra payer l'amende décrétée en Équateur à l'encontre de Chevron Corporation, mais de décider si les tribunaux ontariens ont la compétence pour entendre cette affaire et faire appliquer le jugement», précise Malcolm Ruby, avocat associé chez Gowlings, à Toronto.

La question est nouvelle en raison du fait que Chevron Corporation n'a aucun actif en son nom au Canada. Quant à Chevron Canada, elle n'est aucunement visée par le jugement de la cour équatorienne. Les deux entités soutiennent que les tribunaux ontariens n'ont pas la compétence de faire appliquer ce jugement.

Or, tous les juges qui ont entendu cette cause, depuis celui de première instance jusqu'à ceux de la Cour suprême du Canada, ont indiqué que les demandeurs peuvent tenter de faire appliquer ce jugement en Ontario. «La barre pour autoriser l'application d'un jugement étranger au Canada est placée très bas», dit Me Ruby.

Selon la Cour suprême, les demandeurs n'ont pas à prouver un lien réel et substantiel entre le litige et le tribunal canadien, puisqu'il ne s'agit pas de refaire le procès, mais d'appliquer un jugement déjà rendu. Le simple fait que Chevron Canada ait reçu signification de la demande en justice à ses bureaux de Mississauga en Ontario suffit à rendre les tribunaux ontariens compétents. De la même manière, le fait que Chevron Corporation soit mentionnée à titre de débiteur étranger dans la demande en justice est suffisant. «Dans les pays appliquant la common law, et même au Québec, il y a une tradition de courtoisie judiciaire, laquelle amène les tribunaux à faciliter l'application d'un jugement émis à l'étranger, à condition que le tribunal l'ayant émis soit compétent,» explique Malcolm Ruby.

Procédures frauduleuses ?

Les défendeurs pourront désormais présenter d'autres arguments pour faire casser ce jugement, par exemple en démontrant que des procédures frauduleuses ont entouré la décision du tribunal équatorien.

En mars 2014, un tribunal américain jugeait que la victoire des demandeurs en Équateur avait été obtenue frauduleusement. Un juge équatorien se serait vu offrir un pot-de-vin de 500 000 $, et sa décision aurait été écrite par... les avocats des demandeurs. Alan Lenczner, avocat des demandeurs au Canada, a soutenu depuis que les preuves de fraude avancées dans le jugement américain sont suspectes et qu'un tribunal canadien pourrait rendre un verdict différent.

Cette cause n'a donc pas fini de faire parler et pourrait même faire l'objet d'un film. En effet, Brad Pitt a acquis récemment les droits d'adaptation du livre Law of the Jungle, portant sur le sujet. Au rythme où vont les choses, ce pourrait bien être une trilogie...

Enjeux juridiques

Série 6 de 6. Cette série mensuelle présente des jugements qui font jurisprudence dans le monde des affaires.

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