Lac-Mégantic : légalité ou responsabilité ?

Publié le 10/07/2013 à 15:33, mis à jour le 11/10/2013 à 14:37

Lac-Mégantic : légalité ou responsabilité ?

Publié le 10/07/2013 à 15:33, mis à jour le 11/10/2013 à 14:37

ÉDITORIAL - Vous l’avez vu dire que sa compagnie avait ses responsabilités, mais qu’elle n’était pas la seule à blâmer. Il a peut-être raison, mais c’est très difficile d’être le moindrement sympathique à la cause du grand patron de Montreal, Maine & Atlantic Railway (MMA), Edward Burkhardt.

Répétons : les enquêtes diront si on peut identifier des coupables. Même si tout le monde ici est tenté de tirer ses propres conclusions.

Ce qu’on peut faire dès maintenant, c’est de départager entre légalité et responsabilité des entreprises.

MMA avait l’autorisation d’exploiter ses trains avec un seul employé. Nous aimerions bien savoir ce que les patrons de MMA ont raconté aux fonctionnaires fédéraux pour arracher cette autorisation, accordée dans deux cas seulement au pays. Qui se trouvent par ailleurs être parmi les plus petits exploitants ferroviaires.

Qu’importe, si c’est permis, c’est donc légal. Disons que c’est correct.

Admettons aussi que ce soit correct d’accepter de faire rouler des convois qui pèsent des centaines de tonnes sur des chemins de fer mal entretenus.

Admettons aussi que c’est tout à fait correct, pour respecter sa capacité de payer, qu’une compagnie achète du matériel d’occasion, qu’elle répare avec des pièces usagées. Si c’est usagé, cela ne veut pas dire que ce n’est plus bon. Même si les autres sociétés ferroviaires doivent bien avoir des raisons de vendre ces locomotives et ces wagons. Rien d’illégal là-dedans.

Quand on immobilise le train pour un changement de garde, on devrait le placer sur la voie d’évitement. Ainsi, s’il se met à rouler, un dérailleur arrête sa course. Mais si on laisse le convoi sur la voie principale, cela n’est pas illégal. C’est ce qui est arrivé dans le cas de la tragédie de Lac-Mégantic.

Il n’est pas illégal non plus de laisser les locomotives avec le moteur en marche, les portes non verrouillées et sans surveillance.

Ne parlons même pas des freins sur les locomotives et les wagons. C’est au cœur de l’enquête. Mais si, parlons-en juste un peu. Si on comprend bien, le conducteur du train a la responsabilité de déterminer le nombre de wagons sur lesquels il appliquera les freins manuels. Si c’est plus ou moins que nécessaire, cela ne semble pas plus ou moins légal.

Vous voyez, à priori, il ne semble pas y avoir de gestes illégaux. Rien de flagrant en tout cas.

Il y a au moins une question et un problème.

La question, assez élémentaire : les lois sont-elles suffisamment strictes? Sous-question : les autorisations exceptionnelles comme celle accordée à MMA sont-elles justifiables? Autre sous-question : comment le gouvernement fédéral arrive-t-il à faire respecter les lois en employant le même nombre d’inspecteurs qu’il y a 10 ans, alors que le volume de transport par rail a bondi?

Le problème : les entreprises ne sont pas seulement responsables d’appliquer les lois au minimum du minimum. Au-delà des lois et règlements, elles sont responsables d’agir dans l’intérêt des communautés, de leurs employés, de l’environnement.

On peut toujours se cacher derrière la loi et les pratiques généralement acceptées, cela ne nous soustrait pas à nos responsabilités. C’est une affaire de jugement, souvent de gros bon sens. Surtout une question d’éthique et de respect.

Les lois ne prévoient pas tout, même si elles pourraient parfois être plus strictes et mieux appliquées. Au-delà, la notion de responsabilité sociale des entreprises doit primer. L’équipe de direction doit en faire sa priorité.

C’est plus difficile à réaliser lorsqu’il n’y a qu’un seul pilote à bord.

 

*Stéphane Lavallée, éditeur du journal Les Affaires, est originaire de Lac-Mégantic. Il est sur place.

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