Nouveaux barrages hydroélectriques: des coûts environnementaux «trop élevés»

Publié le 06/09/2022 à 16:47

Nouveaux barrages hydroélectriques: des coûts environnementaux «trop élevés»

Publié le 06/09/2022 à 16:47

Par La Presse Canadienne

François Legault a annoncé mardi matin qu’il demanderait à Hydro-Québec d’étudier la possibilité de construire de nouveaux barrages hydroélectriques. (Photo: La Presse Canadienne)

François Legault a annoncé mardi matin qu’il demanderait à Hydro-Québec d’étudier la possibilité de construire de nouveaux barrages hydro-électriques, mais des observateurs croient que le coût environnemental lié à la construction de telles installations est trop élevé et qu’il faut davantage miser sur l’énergie éolienne.

La construction d’un nouveau barrage hydro-électrique, qui peut prendre jusqu’à 15 ans, coûterait des milliards de dollars.

«Les prochains barrages coûteraient cher, beaucoup plus cher que l’éolien, et n’apporteraient pas un stockage qui pourrait justifier cela», a indiqué Normand Mousseau, chercheur à l’Institut de l’énergie Trottier de Polytechnique Montréal.

Selon l’Association québécoise de la production d’énergie renouvelable (AQPER), à 6,3 cents le kilowattheure, les projets éoliens coûtent moins cher que certains projets hydroélectriques.

«Du point de vue technique, on sait qu’on est capable de le faire», a souligné M. Mousseau à La Presse Canadienne, mais c’est plutôt au niveau de l’acceptabilité sociale et des conséquences environnementales que le gouvernement pourrait se heurter à une forte opposition.

«L’intérêt des barrages hydroélectriques, c’est la capacité de stockage d’électricité, donc les réservoirs. Aujourd’hui, l’enjeu, c’est que c’est assez difficile de faire de grands réservoirs au Québec parce que le territoire est relativement plat, donc il faut inonder des grandes superficies», a précisé le chercheur à l’Institut de l’énergie Trottier.

Il a donné l’exemple de la construction de la centrale La Grande-1, située près de l’embouchure de La Grande Rivière à Radisson.

«C’est près de 10 000 km2 là qui sont inondés. C’est difficile d’imaginer qu’on pourrait faire la même chose aujourd’hui.»

Les travaux de cette centrale, qui ont débuté dans les années 1970, avaient provoqué le déménagement d’un village cri, et bouleversé le mode de vie de cette première nation présente sur le territoire de la Baie James.

Des Innus répondent: «Jamais».

Lors de son annonce mardi matin, le chef caquiste François Legault n’a pas précisé dans quelle région les nouveaux barrages pourraient être intégrés, mais il a indiqué qu’il faudrait «s’entendre avec les communautés autochtones et inuites».

On ignore donc sur quelles rivières les barrages pourraient être construits, mais dans son plan stratégique 2009-2013, Hydro-Québec avait prévu la construction de six barrages hydroélectriques sur la rivière Magpie, sur la Côte-Nord.

La Presse Canadienne a demandé au chef de la communauté innue d’Ekuanitshit, en Minganie, Jean-Charles Piétacho, s’il acceptait de discuter avec le gouvernement si la rivière Magpie était identifiée par Hydro-Québec pour la construction de barrages.

Par le biais d’une agence de relations publiques, il a offert une réponse courte, mais précise: «Jamais!».

La Presse Canadienne a tenté d’obtenir une entrevue avec un représentant d’Hydro-Québec après la déclaration de François Legault, mais le producteur d’énergie a refusé en faisant valoir son «devoir de réserve en période de campagne électorale».

Toutefois, le porte-parole Maxence Huard-Lefebvre a précisé ceci: «On parle d’évaluer le potentiel hydroélectrique, mais il est beaucoup trop tôt pour parler de régions ou de rivières en particulier».

Si on se fie au plus récent plan stratégique de la société d’État, celui de 2022-2026, Hydro-Québec n’a pas fermé la porte à la construction de nouveaux barrages.

«Nous poursuivrons notre évaluation, de concert avec les collectivités locales et les communautés autochtones concernées, des sites qui présentent le meilleur potentiel de développement de capacité hydroélectrique», peut-on lire dans le document.

Miser sur l’éolien

Selon le rapport de l’Institut de l’énergie Trottier de Polytechnique Montréal, intitulé Une perspective stratégique pour le secteur de l’électricité dans le centre et l’est du Canada, publié la semaine dernière, dans un contexte où le Québec se dirige vers un manque important d’électricité disponible pour répondre aux différents besoins générés par la transition énergétique, la province devrait plutôt mettre sur la construction de nouveaux parcs éoliens.

François Legault reconnaît le potentiel de l’énergie éolienne et son utilité dans la voie de la carboneutralité.

En conférence de presse mardi, il a souligné son coût «très compétitif» et le fait que les parcs éoliens se construisent «très rapidement».

Le premier ministre sortant mandatait d’ailleurs Hydro-Québec de développer 3000 mégawatts d’énergie éolienne.

Mais l’idée de construire également de nouveaux barrages est très mal perçue par certains écologistes.

«L’acceptabilité sociale des barrages, elle, n’est plus acquise aujourd’hui parce que ça a transformé ainsi les milieux de vie», a souligné en entrevue André Bélanger, de la Fondation Rivières.

«C’est comme s’il [François Legault] manquait d’imagination et qu’il voulait revenir à la Baie-James. Ce type de projet, c’est fini, on est ailleurs aujourd’hui, et maintenant ça doit passer principalement par l’éolien.»

Efficacité énergétique

La Fondation Rivières propose également de mettre davantage l'accent sur l’efficacité énergétique pour réduire nos besoins et atteindre les cibles climatiques.

D’ici 2030, l’objectif d’Hydro-Québec est de récupérer environ 8 térawattheures en «favorisant une utilisation plus judicieuse de l’énergie», ce qui implique des solutions comme des thermostats intelligents, mais aussi des changements de comportements à l’échelle collective.

«Sur une production de 200 térawattheures au Québec, puis on dit qu’on est capable d’aller chercher 8 térawattheures d’efficacité, c’est 4% de la production, ce n’est vraiment pas beaucoup en efficacité», a fait valoir André Bélanger qui conserverait une cible beaucoup plus ambitieuse.

La Société pour la nature et les parcs (SNAP Québec) s’oppose également à la construction de nouveaux barrages.

«La vision d’un Québec devenant la batterie de l’Amérique du Nord représente un risque énorme pour la protection de notre territoire et de la biodiversité. Le Québec peut intégrer à son réseau davantage de production éolienne et solaire avant de penser à harnacher d’autres rivières», a indiqué le directeur général de SNAP Québec, Alain Branchaud.

La Coalition avenir Québec souhaite qu’Hydro-Québec entame les études concernant de nouveaux barrages «le plus tôt possible pour évaluer les besoins et les possibilités, surtout dans le contexte où nous souhaitons accélérer l’électrification de notre économie et atteindre la carboneutralité en 2050».

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