Français: une proposition du MÉDAC rejetée en bloc par les actionnaires

Publié le 26/04/2022 à 08:21

Français: une proposition du MÉDAC rejetée en bloc par les actionnaires

Publié le 26/04/2022 à 08:21

Par La Presse Canadienne

Le groupe de démocratie actionnariale aimerait que les sociétés québécoises inscrivent formellement le statut officiel du français à leurs statuts et règlements. (Photo: La Presse Canadienne)

Tandis que le débat sur la place du français dans les hautes sphères des entreprises québécoises soulève des vagues depuis plusieurs mois, le Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC) peine à convaincre les grandes sociétés québécoises et leurs actionnaires de protéger le statut officiel du français au sein des entreprises. 

Le groupe de démocratie actionnariale aimerait que les sociétés québécoises inscrivent formellement le statut officiel du français à leurs statuts et règlements. Dans toutes les assemblées des actionnaires où elle a été présentée, la proposition du MÉDAC a obtenu moins de 2% de votes favorables. 

L’opposition des actionnaires ne reflète pas l’importance de cet enjeu, déplore le directeur du MÉDAC, Willie Gagnon. Il souligne que la question fait réagir autant le «commun des mortels» que les décideurs politiques. «Si c’était un sujet qui n’est pas important, on ne se ferait pas casser les oreilles avec ça dans les médias tous les deux ou trois mois, réagit-il en entrevue. C’est un sujet très important.»

Avec sa proposition, le MÉDAC voulait éviter «d’autres psychodrames» sur la langue, dit M. Gagnon. En reconnaissant le statut officiel du français, on permettrait d’éviter les situations où une entreprise québécoise se retrouve sans administrateur maîtrisant le français ou les cas où une assemblée des actionnaires se déroule uniquement en anglais, donne-t-il en exemple. 

 

Opposition des entreprises

Le MÉDAC a fait cette proposition aux grandes sociétés québécoises cotées en Bourse qu’il détient en portefeuille, comme la Banque Nationale, CGI, Metro ou la Banque Laurentienne. À chaque occasion, leurs conseils d’administration ont tous recommandé aux actionnaires de voter contre la proposition. 

L’argument le plus souvent présenté était que la société était déjà régie par la Charte de la langue française — ou qu’elle appliquait ses dispositions dans les cas où l’entreprise était de juridiction fédérale — et qu’il n’était donc pas nécessaire d’ajouter la proposition du MÉDAC à ses règlements. La portée juridique de la proposition du MÉDAC soulevait également des questions. 

M. Gagnon estime qu’il y a une différence entre respecter la jurisprudence entourant la Charte de la langue française et l’esprit de la loi. L’esprit de la loi est de favoriser l’utilisation générale du français au sein des entreprises, interprète-t-il. Confirmer le caractère officiel du français à leur statut se serait inscrit dans cet esprit, selon lui. 

Avec leur argumentaire, les sociétés québécoises ont manqué l’occasion d’envoyer le message qu’elles ont le français à cœur, croit Ivan Tchotourian, professeur de l’Université Laval spécialisé dans la gouvernance. «Pour le message, ça pourrait être intéressant d’en faire un petit peu plus que de simplement faire de la conformité légale. C’est bien de respecter la loi, mais vous avez le droit d’y donner une petite saveur sociale et de montrer que vous en faites un peu plus.»

Pour sa part, la Caisse de dépôt et placement du Québec a jugé préférable de voter contre la proposition du MÉDAC lorsqu’elle devait se prononcer sur la question. Si elle a fait connaître son désaccord avec certaines pratiques linguistiques, comme l’absence d’administrateur francophone au sein du conseil d’administration du Canadien National (CN), l’institution choisit d’autres moyens que la proposition du MÉDAC pour défendre le français.

«Dans le cadre de notre engagement actionnarial, nous avons eu des échanges avec différentes sociétés (dont celles visées par la proposition du MEDAC), au cours desquels nous avons communiqué nos attentes et notre engagement envers le français, commente le porte-parole de la Caisse, Maxime Chagnon. C’est ensuite à chacune d’elles de voir à son application, dans le respect des lois et à tous les niveaux de l’organisation. Nous n’hésiterons pas à poursuivre le dialogue au besoin.»

M. Tchotourian est surpris de voir que la Caisse n’avait pas appuyé la proposition du MÉDAC.

«C’est quand même un prolongement de l’État québécois. On sait que le gouvernement essaie de défendre la langue française. J’ai quand même été étonné de voir la position de la Caisse. 

«Je pense que les gens du milieu n’ont peut-être pas compris le message envoyé par la Caisse, ajoute-t-il. J’ai trouvé que la Caisse avait été maladroite, en termes de message.»

La Caisse est un contributeur financier du MÉDAC et les deux organisations communiquent régulièrement, souligne M. Gagnon. «Même si la Caisse n’est pas d’accord avec nous, on peut envoyer des propositions et ils peuvent l’appuyer ou non, une fois que c’est le temps de voter.»

 

Un autre angle d’attaque

Le MÉDAC n’aura pas le choix de trouver un autre angle d’attaque pour défendre le français au sein des sociétés québécoises. Quand un actionnaire obtient moins de 3% de votes favorables, il ne peut plus soumettre la même proposition au vote l’année suivante. «Évidemment, avec de tels scores, on ne peut pas revenir avec une proposition comme celle-là», admet M. Gagnon. 

Le groupe envisage différentes avenues pour défendre la langue de Molière, notamment une proposition qui demanderait aux sociétés de préciser si les hauts dirigeants et administrateurs maîtrisent le français. «C’est un problème qui est grave, on n’a pas de données sur les langues maîtrisées par les personnes.»

Il est difficile de vérifier si un conseil d’administration compte des membres maîtrisant le français, constate M. Gagnon. «Cette information devrait être publique et dévoilée par les entreprises», plaide-t-il. 

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