Bois d'oeuvre : inventer l'arbre 2.0


Édition du 23 Septembre 2017

Bois d'oeuvre : inventer l'arbre 2.0


Édition du 23 Septembre 2017

Voici 30 ans que l’industrie du bois souffre d’un contexte éprouvant, qui ne fait que s’alourdir. Y ­a-t-il une porte de sortie ? ­ Oui, mais elle passe par une vision différente de l’arbre.

Malgré le conflit du bois d'oeuvre avec les concurrents américains, l'industrie québécoise du bois connaît une belle période, mais elle est particulièrement fragile en raison de ce même conflit. À long terme, la façon de sortir de cette interminable dynamique pernicieuse des droits compensatoires passe par une nouvelle façon de concevoir la matière première de l'arbre. On pourrait parler de l'arbre 2.0.

Depuis 2007, «l'industrie forestière a connu des pertes de l'ordre de centaines de millions de dollars, affirme Michel Vincent, économiste en chef au Conseil de l'industrie forestière du Québec. Ces pertes ont cessé en 2014, poursuit-il, mais sont revenues en 2015, puis 2016 a été profitable. Sur l'ensemble du cycle économique, on est encore en situation de pertes, et il va falloir quelques années de profits pour retrouver la santé financière.»

Aujourd'hui, la reprise du conflit avec les Américains, où les droits compensatoires s'étalent de 13 à 20 % selon les types d'entreprises, risque de handicaper sérieusement l'industrie canadienne, surtout si le haut du cycle économique en cours ne perdure pas.

Victoire légale, défaite commerciale

Pourtant, l'industrie américaine a perdu les quatre offensives précédentes, l'accord qui a résulté de la quatrième ronde, Lumber 4, ayant pris fin en octobre 2015. Or, voici que, depuis le 25 novembre 2016, les Américains reviennent à la charge avec Lumber 5.

Pourquoi ? Le litige s'avère très profitable pour eux. Les Canadiens ont peut-être remporté les batailles légales, mais les victoires commerciales sont allées aux Américains. Une étude de l'Institut économique de Montréal montre que, de 2006 à 2015, les producteurs américains de bois d'oeuvre se sont enrichis de 4,6 milliards de dollars (G $) aux dépens des producteurs canadiens, qui ont perdu 2 G $ en revenus d'exportation, et des consommateurs américains qui, à cause du déficit d'approvisionnement canadien, ont dû payer leur bois 6,4 G $ plus cher.

Pour l'heure, l'industrie canadienne se porte bien. «Le prix du bois est très élevé parce que la demande aux États-Unis est très forte, explique Alain Cloutier, directeur du Centre de recherche sur les matériaux renouvelables à l'Université Laval. Puisque le marché est fort, ajoute-t-il, nos producteurs peuvent absorber le coût des droits et en transférer une partie aux acheteurs américains.»

Cela dit, les producteurs canadiens se retrouvent coincés entre... l'arbre et l'écorce. D'un côté, ils doivent absorber le coût des droits compensatoires ; de l'autre, ils doivent composer depuis 2013 avec un nouveau régime forestier qui a augmenté pour eux le coût du mètre cube de 10 $, une hausse de 15 à 20 %. Ironie du sort, ce régime, qui implique la mise en place d'un système d'enchères exemplaire inspiré de ce qu'on trouve de meilleur aux États-Unis, visait à mettre les producteurs canadiens à l'abri de la menace des droits compensatoires.

Or, choisissant d'ignorer ce régime d'enchères, les Américains continuent de reprocher aux Canadiens de bénéficier d'une subvention gouvernementale puisque les récoltes se font sur des terres qui appartiennent à la Couronne. «Leur mauvaise foi est remarquable», soutient Michel Vincent. Les frais légaux importent peu quand les gains commerciaux se chiffrent dans les milliards.

À cette double compression des profits s'ajoute la situation de base de l'industrie du bois, surtout au Québec : notre cheptel de bois est composé de petits arbres. Les conséquences sur les coûts se déclinent en chapelet : plus petit, notre bois coûte plus cher à récolter et à transporter. Cette petite taille fait en sorte qu'on en tire moins de structures de bois à valeur ajoutée et qu'on se retrouve avec plus de rejets, les copeaux. Par contre, nos résineux affichent une qualité de fibre exceptionnelle, source de leur attrait.

Comme si ce n'était pas assez, le secteur du sciage subit une contrainte qui lui est propre : l'excédent massif de copeaux normalement destinés à l'industrie des pâtes et papiers, en déclin. C'est un boulet attaché aux profits de ce secteur, qui réside au coeur de toute l'industrie. «On ne peut fragiliser le sciage sans fragiliser tous les autres secteurs, car le sciage est la porte d'entrée dans la filière forestière, dit Michel Vincent. Tout le bois coupé prend la direction des scieries.»

Un autre arbre

Voilà 30 ans que l'industrie du bois souffre d'un contexte éprouvant, qui ne fait que s'alourdir. Y a-t-il une issue ? Oui, mais elle passe par une vision différente de l'arbre. «Il faut voir l'arbre d'une autre façon !» lance Pierre Lapointe, président et chef de la direction de FPInnovations. Jusqu'ici, l'épinette, arbre emblématique du bois d'oeuvre, était vue comme une source intarissable du notoire «deux par quatre» de charpente. Aujourd'hui, on constate que sa véritable richesse repose dans les matières premières plus fondamentales, plus riches, plus fertiles : lignine, cellulose, nanocellulose, fibres, CO2 séquestré. Elle réside aussi dans le recours au bois comme macrostructure architecturale.

L'industrie est déjà engagée sur cette «voie d'évasion», ce dont ce dossier rend compte. Une foule de recherches sont en cours pour produire autre chose que des «deux par quatre» et de la pâte à papier. On travaille à faire du biocarburant, de la fibre textile, des nanoproduits aux utilisations commerciales multiples, de la mousse isolante. Au terme de certaines recherches, des avancées commerciales sont en cours. Une initiative exemplaire vient de CelluForce, coentreprise de Domtar et de FPInnovations, qui ouvre de nouveaux marchés à un produit de pointe issu des résineux, la nanocellulose cristalline. Et Résolu, à Thunder Bay, extrait de la cellulose un caoutchouc synthétique.

L'arbre québécois n'a donc plus comme destination unique l'intérieur des murs des résidences américaines. Il s'ouvre à de nombreuses nouvelles applications et de nouveaux marchés : les composites pour structures d'automobile ou d'avion, les puits de forage pétrolier, les biocarburants, les adhésifs inédits. Et une multitude de produits qu'il reste encore à imaginer...

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