Un budget sauve-qui-peut dans un contexte ingrat

Publié le 26/03/2021 à 11:55

Un budget sauve-qui-peut dans un contexte ingrat

Publié le 26/03/2021 à 11:55

Eric Girard

Le ministre des Finances du Québec, Eric Girard (Photo: La Presse Canadienne)

BUDGET PROVINCIAL. Sans la pandémie, le budget 2021-2022 du gouvernement Legault aurait pu être flamboyant.

Avec des dépenses, cette année, de 2,9 milliards de dollars (G$) pour vaincre la pandémie, renforcer les services pour les aînés et rehausser les soins, le ministre Eric Girard s’en est tiré avec un budget que l’on peut qualifier de conservateur sur le plan fiscal tout en étant innovateur sur le plan économique.

 

Tous les détails sur le 3e budget du gouvernement Legault

 

Au total, ce sont 16 G$ qui auront été dépensés entre 2020-2021 (6,6G$) et 2025-2026 pour passer à travers la crise sanitaire, rehausser les services de santé et améliorer les soins aux aînés.

Mais tout n’a pas été perdu, puisque le budget renferme quand même de bonnes nouvelles, entre autres pour stimuler la reprise de l’économie et ajouter ici et là des mesures spécifiques, notamment en éducation, pour le soutien des personnes vulnérables, pour la formation et la requalification de la main-d’œuvre et pour le logement abordable.

Le ministre s’est résigné à inscrire un déficit de 12,3 G$ pour 2021-2022, lequel sera suivi de plusieurs autres de moindre ampleur d’ici 2027-2028. Cette série de déficits, qui incluent des soldes budgétaires négatifs dits «structuraux» allant de 1,3 G$ en 2023-2024 à 6,5 G$ en 2027-2028, devra être résorbée après les élections prévues en octobre 2022.

Pour le moment, aucune mesure de redressement de ces déficits structuraux, n’a été prévue au budget. «Chaque chose en son temps», a répondu le ministre quand on lui a demandé comment il allait les éliminer. Le ministre ne l’a pas dit, mais il pourrait puiser éventuellement dans le Fonds des générations, que le gouvernement continuera d’alimenter au rythme de 3 à 4 G$ par année. D’ici là, on devra légiférer pour porter de cinq ans à sept ans la période maximale de remboursement du déficit de 15 G$ enregistré pour l’exercice 2020-2021 en vertu de la Loi sur l’équilibre budgétaire.

 

Priorité à l’économie

C’est la relance de l’économie et la transition industrielle qui ont le plus bénéficié de la générosité du ministre des Finances. En incluant les 1,26 G$ qui seront dépensés pour accroître l’accès à Internet dans certaines régions, le développement économique bénéficiera de crédits de 4 G$ en six ans, dont 1,6 G$ en 2021-2022.

On prévoit une réduction de 347 M$ en cinq ans de l’impôt sur les profits des PME pour égaliser son taux au niveau de celui de l’Ontario (à 3,2 %), une aide de 290 M$ pour stimuler le virage technologique des entreprises, des congés fiscaux de 117 M$ pour appuyer les grands projets d’investissement, une somme de 95 M$ pour le déploiement d’une stratégie aérospatiale, une aide de 35 M$ à l’industrie de l’aluminium, un soutien de 30 M$ pour les producteurs de boissons alcooliques, un montant de 15 M$ pour développer la filière batterie, des subventions de 22 M$ pour mettre en valeur des minéraux stratégiques et une somme de 20 M$ pour le déploiement des zones d’innovation.

Plusieurs industries qui sont présentes en région recevront de l’aide. C’est le cas de l’industrie forestière, du tourisme, du transport aérien et interurbain. On aidera aussi les centres-villes. Les sommes ne sont pas gigantesques, mais elles encourageront les entreprises à investir elles aussi.

La formation et la requalification de la main-d’œuvre et l’intégration des immigrants ont aussi retenu l’attention du gouvernement. Le logement abordable, où les besoins sont criants, devrait recevoir plus de 400 M$ en six ans. Mais beaucoup de travail reste à faire pour optimiser les conditions de réalisation de tels projets. Les industries culturelles (100 M$) et la protection du patrimoine seront également aidées.

 

La santé et l’éducation

Plusieurs des nouveaux crédits relatifs à la santé s’inscrivent dans le prolongement des mesures déjà prises à cause de la pandémie. En font partie l’ajout de ressources humaines et le rehaussement des salaires. On prévoit aussi d’accroître l’offre de services publics en soins à domicile, un meilleur accès aux soins de première ligne, de l’aide financière pour les aînés, un rehaussement des crédits pour la santé mentale, la prévention du suicide, le soutien aux femmes victimes de violence conjugale, l’aide aux jeunes en difficulté et la prévention de l’itinérance.

Les crédits budgétaires sont augmentés, plutôt modestement, dès l’exercice 2021-2022 en raison des besoins pressants de certaines clientèles vulnérables, mais on n’a pas prévu de les accroître par la suite, ce qui pourrait s’avérer insuffisant compte tenu du vieillissement de la population et des problèmes sociaux de plus en aigus qui se manifestent.

En éducation, des crédits de 573 M$ en cinq ans serviront à soutenir la réussite éducative (tutorat, aides diverses), à favoriser l’accès aux services de garde (nouvelles places, formation d’éducatrices) et à soutenir la mobilisation du personnel des écoles.

En enseignement supérieur, on annonce des crédits de 669 M$ en cinq ans, notamment pour aider les étudiants, dont un montant de 100 $ pour chacune des sessions de l’automne 2020 et de l’hiver 2021 et un congé d’intérêt temporaire sur les prêts, ainsi que pour déployer des solutions numériques, favoriser la persévérance et la diplomation, former plus d’infirmières et attirer et retenir plus d’étudiants en technologies de l’information.

D’autres crédits sont alloués pour encourager la pratique des sports, soutenir la santé mentale des étudiants, favoriser l’attraction et la rétention d’étudiants étrangers et soutenir l’intégration professionnelle des jeunes.

 

Optimisme excessif ?

Le budget du ministre Girard repose sur une victoire sur la pandémie et des taux de croissance réelle du PIB de 4,2% et de 4,0% respectivement en 2021 et 2022.

À plus long terme, la croissance économique sera aussi favorisée par des dépenses d’infrastructures colossales de 135 G$ de 2021 à 2031, lesquelles ont été accrues de 4,5 G$. Celles-ci touchent tous les secteurs de l’économie, soit les routes, le transport collectif, les universités, les cégeps, les établissements de santé, les maisons des aînés et les écoles. Près de 60% de ces dépenses doivent être faites au cours des cinq prochaines années, grâce notamment à l’allègement des processus grâce à l’adoption d’une loi à cette fin.

L’ensemble de ces projets est colligé dans le Plan québécois des infrastructures, qui peut être consulté par internet. Sauf exception, le plan budgétaire n’a pas dévoilé les échéanciers de projets spécifiques, laissant pantois certains maires qui avaient rêvé d’en savoir davantage sur les projets qu’ils caressent.

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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