Les PDG se cachent pour pleurer


Édition du 28 Octobre 2017

Les PDG se cachent pour pleurer


Édition du 28 Octobre 2017

Par Matthieu Charest

[Photo : 123rf.com]

Sujet sensible, voire tabou, les maladies mentales frappent une frange importante d'individus dans nos sociétés. Une catégorie en souffre encore plus que la moyenne : les entrepreneurs, révèlent plusieurs experts. Comme quoi la ligne entre le succès, le génie en affaires et la « folie » est bien mince.

Des chercheurs de l'Université de Californie ont réalisé un sondage qui a révélé que 49 % des entrepreneurs interrogés étaient aux prises avec au moins un trouble mental : dépression, trouble anxieux, TDAH, bipolarité, déficit de l'attention, dépendance, etc. De plus, environ le tiers des entrepreneurs en présentaient au moins deux. En comparaison, « seulement » 32 % des adultes américains ont rapporté vivre avec un trouble mental diagnostiqué.

Selon le professeur en psychologie Michael A. Freeman et sa collègue Sheri Johnson, de l'Université de Californie à San Francisco, il existe « un lien très fort entre l'entrepreneuriat et les troubles mentaux ». Cela posé, le « pourquoi » demeure nébuleux. Est-ce génétique ou est-ce que l'entrepreneur tend à développer des troubles mentaux au fil du temps ? Les chercheurs se posent encore la question.

La santé mentale et l'entrepreneuriat, c'était le thème de l'ultime épisode de la première saison de Les Dérangeants, émission de radio numérique consacrée à l'entrepreneuriat et coproduite par Les Affaires.

Selon l'entrepreneur Étienne Crevier, membre des Dérangeants, « les entrepreneurs sont par nature des gens positifs. Nous sommes, je pense, plus aptes à prendre des risques, mais les conséquences de la prise de risques, le stress, nous la vivons de la même manière que tout le monde », a-t-il dit.

Bref, selon le PDG de BiogeniQ, les entrepreneurs ont tendance à prendre plus de risques, à se jeter de l'avion sans peur, sans parachute, mais la chute est aussi douloureuse pour eux que pour quiconque.

Le stress « choisi »

Le stress inhérent à l'entrepreneuriat, « au moins, nous, nous l'avons choisi, contrairement à nos employés, a dit Carlo Coccaro, de Math et Mots Monde et d'Aidersonenfant.com. Le stress, c'est vraiment un moteur. Ça fait partie du quotidien mais, parfois, ça te frappe en plein visage. »

Même choisi, le stress nuit gravement à la santé, a révélé un article publié dans Les Échos : « Vu comme un challenge et générant de la satisfaction au travail, le stress choisi est cependant tout aussi pathogène. Un chef d'entreprise sur deux estime avoir des journées stressantes, voire extrêmement stressantes. C'est leur moteur, c'est ce qui les fait avancer. Pourtant, il n'y a pas de bon stress. Le stress choisi impacte tout autant la santé. »

N'empêche que c'est impossible d'échapper complètement au stress. Même qu'il faut parfois le cacher, a expliqué Carlo Coccaro. « On ne veut pas montrer notre stress ou notre fatigue à nos employés et à nos partenaires. Je ne suis pas certain que ça plairait beaucoup aux investisseurs. Parfois, il faut mettre un masque. C'est une force, mais ce n'est pas la réalité. Ça ne doit pas devenir une façade. »

Je me sens souvent seul, a-t-il avoué, mais « j'ai peut-être trop d'orgueil pour aller voir un psy, et je me demande si je saurais y aller à temps. Je pense que tout le monde gagnerait à aller voir un psychologue. »

Nos deux autres Dérangeants l'ont fait, ce pas. Ils sont allés consulter. Et ils le recommandent à tout le monde. « J'ai vécu des tonnes d'émotions avec le rachat de mon entreprise, a raconté Marie-Claude Duquette, de Les Imprimés Triton. Je suis allée chercher de l'aide avant d'arracher la tête de ma mère, à qui je rachetais l'entreprise. » En fait, a-t-elle dit, « comme entrepreneure, tu fais face à de gros enjeux. Je suggère à tout le monde d'aller chercher de l'aide. Pour ma part, j'ai eu un moment plus difficile et je suis allée voir un psychologue. En somme, oui, il y a l'entrepreneur, mais il ne faut pas oublier la personne derrière. »

Selon Étienne Crevier, il faut être solide pour se lancer en affaires. « J'ai fait une thérapie ; je suis partisan de l'idée d'aller chercher de l'aide, d'aller consulter. En rétrospective, je pense que j'ai vécu une période de trouble dépressif non diagnostiquée. J'étais incapable de dormir, a-t-il confié. J'ai déjà pris une journée de "santé mentale" parce que ça n'allait pas. Être capable de le faire, quand tu as une équipe solide, ça fait toute la différence. Des fois, ça prend une coupure. »

Pour nos lecteurs qui sont aux prises avec des problèmes de santé mentale ou qui connaissent une personne ayant besoin de soutien, plusieurs ressources existent comme les centres de prévention du suicide (1 866 277-3553) ou l'organisme Revivre, qui vient en aide aux gens souffrant d'anxiété, de dépression ou de trouble bipolaire (1 866 738-4873).

- Avec la collaboration de Benoîte Labrosse

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