Contenants: pas de recyclage véritable sans consigne élargie

Offert par Les Affaires


Édition du 26 Octobre 2019

Contenants: pas de recyclage véritable sans consigne élargie

Offert par Les Affaires


Édition du 26 Octobre 2019

(Photo: 123RF)

CHRONIQUE. Le gouvernement de François Legault aura bientôt l'occasion d'afficher ses vraies couleurs sur le plan de la protection de l'environnement.

Il s'agit du «plan détaillé» sur le recyclage du verre et la réforme de la consigne que son ministre de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, a promis d'annoncer cet automne.

La date de ce dévoilement n'est pas connue, mais cette politique est attendue avec fébrilité autant par les groupes écologistes que par les tenants du statu quo. Selon Québec Solidaire, environ 240 lobbyistes s'activent auprès des ministres, députés, fonctionnaires et autres influenceurs pour freiner les élans écologistes du ministre Charette.

Néanmoins, celui-ci voudra sans doute faire mieux que plusieurs de ses prédécesseurs : Thomas Mulcair, qui a dû battre en retraite sur l'imposition d'une consigne sur les bouteilles d'eau fin 2005 ; Pierre Arcand qui n'a pu faire adopter sa proposition de doubler la consigne sur les boissons gazeuses et énergétiques de 5 cents à 10 cents en juin 2012 ; Yves-François Blanchet, qui a finalement retiré la proposition de M. Arcand en décembre 2012 et David Heurtel, qui a promis en décembre 2014 de moderniser le vieux système de «consigne publique» datant de 1984.

On a aussi au Québec une consigne privée, qui a été créée il y a près de 200 ans par les brasseurs de bière pour récupérer et réutiliser (jusqu'à 15 fois) leurs bouteilles de bière brunes. Avec un taux de réemploi de plus de 95 %, ce système est très écologique, contrairement à la consigne publique. Nul n'est besoin de toucher à ce système que les brasseurs et les détaillants gèrent conjointement.

Système inefficace

La consigne publique est inefficace. Tout d'abord, elle s'applique sur le contenu (la bière et les boissons gazeuses conventionnelles) plutôt que sur le contenant. Elle laisse ainsi de côté toutes les bouteilles et les canettes d'eau, certaines bouteilles et certaines canettes de bière, les boissons gazeuses énergisantes et non conventionnelles et les fameuses bouteilles de vin et de boissons alcooliques.

Autre faiblesse, les consignes qui, de 5, 10 ou 20 cents, selon les formats, sont trop basses pour inciter plus de consommateurs à récupérer certains contenants consignés. En tenant compte de l'inflation depuis 1984, les consignes devraient être aujourd'hui de 9, 18 et 35 cents respectivement. Il est donc sensé de les doubler.

Grande nouvelle, la Société des alcools du Québec, qui a toujours défendu le statu quo, s'est déclarée en août dernier favorable à la consigne sur ses bouteilles, mais en précisant qu'elle ne voulait pas les récupérer. Propriété des Québécois, ne devrait-elle pas comprendre qu'environ 90 % de ses clients veulent une telle consigne ? Est-il besoin de préciser que le Québec et le Manitoba sont les seules provinces à ne pas avoir de consigne sur leurs bouteilles de vin et d'alcool ? En Ontario, celles-ci sont récupérées par les beer stores. On pourrait mieux les récupérer et en recycler le verre.

Le système de «collecte sélective», qu'il serait plus réaliste d'appeler «de collecte pêle-mêle», est un fouillis. Beaucoup de produits qui y sont déposés ne sont pas ou sont peu recyclables et valorisables et sont dirigés vers les dépotoirs. Quant aux contenants qui incorporent plusieurs matières (carton, aluminium, plastique), ils prennent souvent le chemin de pays asiatiques. Pas étonnant que la Chine et les Philippines aient exigé que nous reprenions des conteneurs de ces matières dites contaminées.

Le verre est la bête noire des centres de tri parce qu'il contamine d'autres matières et qu'il est lui-même parfois contaminé par des matières infusibles, comme la porcelaine, la céramique, etc. C'est ce qui explique qu'Owens Corning, la seule entreprise qui fond du verre au Québec pour en faire des bouteilles, ne veut pas de verre provenant de nos bacs bleus ou verts. Résultat, le verre provenant des centres de tri est peu valorisé et souvent dirigé vers les centres d'enfouissement.

Toutefois, une initiative en cours, le plan Verre l'innovation, qui est soutenue par Éco Entreprises Québec, un consortium de sociétés qui s'opposent à une réforme de la consigne, vise à démontrer que l'on peut produire des granulats de verre pur au Québec. Cinq centres de tri participent à cette démonstration. Québec devra examiner attentivement les résultats de cette expérience.

Solution incomplète

Cette initiative ne règle toutefois pas le problème fondamental de la récupération et surtout du recyclage des contenants non consignés et dont personne ne veut. C'est le cas notamment des bouteilles (50 millions par an) qui viennent des restaurants, des hôtels et des commerces, qui ne sont pas couverts par la collecte municipale, et des contenants de verre, de plastique, d'aluminium, etc., qui échappent aussi à cette collecte.

C'est ce qui explique que la consigne est vue comme le meilleur système de récupération de certains contenants de matières recyclables par de nombreux pays. Par ailleurs, il est intéressant que des groupes de citoyens et des municipalités expérimentent actuellement avec succès l'usage de dépôts pour récupérer du verre. Puisque le verre des bouteilles et des autres contenants que l'on y dépose n'est pas contaminé, celui-ci trouve preneur dans le marché. Il est facile d'imaginer que cette façon de faire gagnerait grandement en efficacité si elle était généralisée dans les villes et organisée en réseau.

Il est évident que l'on peut faire beaucoup mieux en matière de récupération des matières recyclables si l'on s'ouvre à la créativité, une force des Québécois. Il y a certes un coût pour parvenir à une meilleure récupération des contenants, mais, outre l'impact très favorable sur le plan du développement durable, il y a des retombées économiques évidentes à tirer d'une meilleure valorisation des matières recyclables. On n'arrive pas à une réduction sensible des gaz à effet de serre sans l'acceptation de certaines contraintes.

Le ministre Charette a une chance inégalée de faire mieux que ses prédécesseurs. Alors que les citoyens se sentent de plus en plus interpellés par l'urgence climatique et qu'ils adhèrent en grand nombre à l'élargissement de la consigne, son gouvernement bénéficie d'un fort appui de la population. Compte tenu du lobbying intense des tenants du statu quo, une réforme profonde de la consigne requerra néanmoins une bonne dose de courage. Mais après tous les échecs des gouvernements précédents, le gouvernement Legault marquerait des points à passer à l'action.

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J’aime

Étant donné que la forêt est un important vecteur de captation de ­CO2  et que des promoteurs obtiennent parfois indûment des crédits compensatoires de carbone pour des arbres qui ne survivent pas, ­Québec songe à créer son propre protocole de suivi et de validation des plantations d’arbres donnant droit à ces avantages. Les grandes entreprises polluantes pourraient plus facilement s’en procurer. De plus, ces crédits pourraient aussi être vendus sur le marché de la ­Western ­Climate ­Initiative, un regroupement d’États américains et de provinces.

Je n’aime pas

Il est très décevant qu’après les brèches de sécurité relatives à la protection des données personnelles survenues chez ­Desjardins, ­Capital ­One, ­Equifax et ­TransUnion, aucun chef d’un parti politique fédéral ne se soit engagé à remplacer le numéro d’assurance sociale comme principal moyen d’authentification des ­Canadiens. Il faut espérer que le nouveau premier ministre fasse étudier rapidement la mise en place d’un système d’identité numérique, comme le font déjà plusieurs pays.

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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