Ce que vous ne savez pas révèle qui vous êtes


Édition du 12 Novembre 2016

Ce que vous ne savez pas révèle qui vous êtes


Édition du 12 Novembre 2016

Par Robert Dutton

«Je ne savais pas» est souvent la première ligne de défense d'un dirigeant dont l'organisation est prise en défaut. On a berné des consommateurs ? «Je ne savais pas que cette pratique existait... !» Un cadre est accusé de harcèlement envers ses subordonnés ? «Je ne savais pas qu'il avait ce genre de comportement !» On met au jour des pratiques de collusion et de corruption dans l'organisation ? «Je ne savais pas que mon organisation était impliquée dans de telles malversations !»

Parfois, voire souvent, l'affirmation est vraie. Le dirigeant ne savait pas. Il ne peut pas savoir tout ce qui se passe dans son organisation. Ironiquement, le premier dirigeant est fréquemment le dernier à apprendre l'existence de problèmes ou de situations difficiles - ses collaborateurs ont la fâcheuse tendance à ne lui relayer que de bonnes nouvelles.

Le dirigeant aurait-il dû savoir ce qu'il affirme avoir ignoré ? Peut-être que oui, peut-être que non. Ce qui est clair, c'est qu'un dirigeant doit se doter des systèmes et réseaux d'information qui le renseignent sur ce qu'il importe qu'il sache. Et que sur ces choses importantes, il soit en mesure de détecter, en temps utile, les dérives et les problèmes qui nécessiteront son intervention.

«Je ne sais pas», un aveu rare chez le dirigeant

Il est paradoxal que des dirigeants se cachent derrière leur ignorance de certains faits, alors qu'ils pèchent généralement par l'excès contraire : un dirigeant normalement constitué a beaucoup de peine à admettre qu'il «ne sait pas». Avec «c'est ma faute», «je ne sais pas» est une des phrases les plus difficiles à prononcer pour le commun des mortels, a fortiori pour le dirigeant d'une organisation importante.

Il ne faut pas généraliser : les dirigeants ne sont pas si rares à admettre qu'ils ne connaissent pas toutes les subtilités techniques de tous les recoins de leur organisation. À ma connaissance, aucun président de société pharmaceutique ne prétend connaître la chimie derrière chacun de ses produits, et le président de Boeing n'a pas la prétention de savoir fabriquer un 787 de bout en bout.

Mais je ne me souviens pas d'avoir entendu un dirigeant admettre, en commentant ses résultats trimestriels, qu'il ne savait pas pourquoi les ventes stagnaient dans tel ou tel secteur, pourquoi les marges tardaient à s'améliorer dans un autre, etc. Au contraire, lorsqu'ils doivent expliquer la performance financière et opérationnelle de leur entreprise, bonne ou mauvaise, les dirigeants savent toujours. Ils savent pourquoi les choses sont comme elles sont, et comment faire pour qu'elles soient (encore) meilleures. Du moins le prétendent-ils. Les explications sont généralement limpides ; quelquefois nébuleuses, parfois peu crédibles ; elles peuvent manquer de courage, mais les mots «je ne savais pas» n'en font pas partie.

Dis-moi ce que tu choisis d'ignorer...

Comment donc un Monsieur Je-sais-tout devient-il, du jour au lendemain, un Monsieur Je-ne-savais-pas ? En général, parce que la zone du «tout-savoir» correspond à ce que le dirigeant considère comme sa zone de performance.

Chaque chef de la direction trouve certaines choses importantes, d'autres moins. Dans le commerce de détail, on peut connaître tous les soirs ses ventes de la journée - et c'est généralement «important». Dans les services-conseils ou la fabrication à la commande, le dirigeant tient à connaître la valeur et la teneur de son carnet de commandes - deux informations critiques pour la gestion de l'entreprise. Même dans ces zones critiques, le dirigeant ne sait pas «tout». Jamais, pourtant, dira-t-il simplement «je ne sais pas». On entendra plus volontiers des formules comme «nous n'avons pas encore accès à ce niveau de détail, mais nous développons des outils...» En d'autres termes, le dirigeant peut admettre une zone d'ignorance reliée à sa zone de performance, mais sent le besoin de la justifier et exprime son intention de la corriger.

Quand un dirigeant se borne à dire «je ne savais pas» et que sa défense s'arrête là, il nous informe sans le dire que ce qu'il ignorait - malversation, harcèlement, autre comportement répréhensible dans son organisation - ne s'inscrit pas dans sa «zone de performance», donc n'est pas de sa responsabilité. Si, en plus, il ne s'engage pas à faire quoi que ce soit pour corriger cette ignorance, il nous dit en somme que la chose qu'il ignorait n'a, en fait, pas d'importance à ses yeux. Il nous révèle ses valeurs profondes.

Étrangement, ce que nous choisissons de ne pas savoir révèle souvent qui nous sommes vraiment.

Biographie

Pendant plus de 20 ans, il a été président et chef de la direction de Rona. Sous sa gouverne, l'entreprise a connu une croissance soutenue et est devenue le plus important distributeur et détaillant de produits de quincaillerie, de rénovation et de jardinage du Canada. Après avoir accompagné un groupe d'entrepreneurs à l'École d'entrepreneurship de Beauce, Robert Dutton a décidé de se joindre à l'École des dirigeants de HEC Montréal à titre de professeur associé.

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