Analyse: des conseils pour passer la crise

Publié le 26/09/2008 à 00:00

Analyse: des conseils pour passer la crise

Publié le 26/09/2008 à 00:00

Par Dominique Beauchamp

Pour éviter une catastrophe financière qui se répercuterait sur l'économie, les autorités américaines ont sorti l'artillerie lourde : selon Merrill Lynch, leurs mesures d'aide pourraient atteindre 1 600 milliards de dollars américains. Les sommes perdues dans la chute des Bourses et des prix des denrées cette année - et celles qui seront nécessaires pour sortir les marchés financiers de la pire crise depuis la dépression des années 1930 - défient l'imagination.

Pour y voir plus clair dans un climat de forte volatilité, Les Affaires a consulté trois experts qui avaient prévu la crise du crédit. Ils expliquent comment ils voient la suite des événements et suggèrent des stratégies de placement dont les investisseurs peuvent s'inspirer pour raffiner leur approche.

Stratégie 1 : Visez une bonne répartition de l'actif

Clément Gignac, économiste en chef et stratège, de la Financière Banque Nationale
"En tant qu'économiste, je prévois une récession jusqu'au printemps 2009, mais en tant que stratège, j'estime que le potentiel baissier a diminué, car la Bourse américaine a déjà perdu 25 % depuis son sommet d'octobre, soit la chute moyenne connue au cours des sept récessions depuis 50 ans."

Puisque l'intervention des autorités américaines évitera que la crise financière ne dégénère en crise économique mondiale, on peut maintenant imaginer que les indices des Bourses canadienne et américaine seront plus élevés d'ici 12, 24 ou 36 mois, affirme Clément Gignac.

"L'ouragan financier perd de son intensité aux États-Unis, car les autorités sont intervenues à temps. Je ne prétends pas que le plancher soit atteint, mais les actions n'ont jamais été aussi attrayantes depuis trois ans", dit-il.

Si le marché résidentiel américain se stabilise et que le prix du pétrole recule encore, la récession américaine ne durera pas plus de 12 mois. Or, la Bourse américaine décolle habituellement quatre à six mois avant la fin d'une récession.

Toutefois, la remontée boursière sera sans doute moins forte que le rebond de 25 à 30 % observé lors des reprises précédentes, car l'accès plus difficile aux capitaux et la purge des endettements excessifs freineront l'économie mondiale pendant deux ou trois ans.

"Puisqu'elle tire la moitié de sa valeur des ressources, et que les prix des ressources dépendent de la vigueur de l'économie mondiale, la Bourse canadienne affichera un moins bon rendement que la Bourse américaine, contrairement à ce qui s'est produit au cours des six dernières années", explique M. Gignac.

Rassuré par les mesures prises par les autorités pour éviter une liquidation de toutes sortes de placements, M. Gignac se tient prêt à augmenter la pondération qu'il accorde aux actions au-delà du seuil neutre de 55 % pour la première fois en trois ans, dans son portefeuille modèle. Avant d'agir, il attend les conditions du dernier plan du Trésor américain visant à acheter pour 700 milliards de dollars américains (G$ US) de prêts hypothécaires, et les dernières données sur les prix des maisons.

Pour s'assurer d'avoir un portefeuille bien diversifié dans différents secteurs, M. Gignac préconise une approche nord-américaine.

Il complète ainsi son portefeuille canadien en y intégrant des secteurs mieux représentés à la Bourse américaine, comme ceux de la consommation essentielle et discrétionnaire, de la technologie et de l'industrie pharmaceutique.

Ses préférences vont aux secteurs susceptibles de profiter de l'éventuelle reprise économique nord-américaine : les banques, les assureurs, les sociétés financières diversifiées, les médias et les détaillants, les fabricants de pièces d'autos, les transporteurs ferroviaires, les fournisseurs aérospatiaux, de services de télécommunications et de technologie.

Stratégie 2 : Misez sur les valeurs sûres et les secteurs essentiels

 David Rosenberg, économiste en chef, Amérique du Nord, de Merrill Lynch pense que "la déflation est la principale menace qui pèse sur les prochaines années, puisque l'accès au crédit diminue, freinant l'activité économique et la consommation, et que le désendettement des institutions les oblige à vendre des éléments d'actif."

David Rosenberg croit que l'ampleur de la chute des prix des maisons et de la crise du crédit changera les habitudes des investisseurs et des consommateurs pour longtemps.
Les investisseurs fuiront le risque, ce qui favorisera les grandes Bourses du monde, les obligations de première qualité, les titres de premier ordre et les secteurs les moins tributaires de la conjoncture économique.

Cela se fera au détriment des marchés émergents, des obligations de pacotille, des titres à petite capitalisation et des segments plus spéculatifs de la Bourse.

"Les lendemains de la crise inciteront les investisseurs de tout genre à revenir à la sécurité des titres de première qualité", indique M. Rosenberg.

Les maisons ayant perdu leur rôle de tirelire en raison de la chute de leur valeur, les consommateurs américains se désendettent pour la première fois en 25 ans et sont plus économes. Le chômage augmente et les revenus disponibles des ménages ne croissent plus, ce qui atténue l'effet positif de la baisse du pétrole. Or, les consommateurs américains représentent 70 % de l'activité économique aux États-Unis, rappelle M. Rosenberg.

Ce retour à la prudence bénéficiera aux fabricants de produits de consommation essentielle, aux détaillants et aux restaurants à bas prix, et aux sociétés pharmaceutiques, au détriment de la consommation discrétionnaire.

La stabilité des revenus et des fonds autogénérés des industries plus essentielles regagnera de la valeur aux yeux des investisseurs.

"Entre le champ de mines que représente le secteur bancaire et la grande volatilité des ressources naturelles, les industries plus stables seront un îlot de calme relatif", note l'économiste de Merrill Lynch.

Puisque le crédit sera plus difficile à obtenir, les investisseurs devraient privilégier les entreprises qui n'en ont pas besoin. Outre les secteurs peu risqués mentionnés plus haut, celui de la technologie répond aussi à ce critère puisque plusieurs entreprises ont des milliards de dollars d'encaisse à leur bilan.

En tant que refuge, l'or fait aussi partie du tableau des actifs que privilégie M. Rosenberg. Depuis quelque temps, l'or s'apprécie d'ailleurs par rapport à plusieurs devises, et la demande de pièces et de lingots d'or augmente dans plusieurs pays.

Stratégie 3 : Misez sur l'or et le pétrole

Eric Sprott, président de Sprott Asset Management est d'avis que "la perte de confiance dans divers placements, des actions aux fonds monétaires en passant par les titres de dettes, soutiendra la valeur des éléments d'actif corporels tels que l'or."

Malgré la chute de 28 % de son Fonds d'actions canadiennes et de 39 % de son Fonds d'or et de métaux précieux en 2008, Eric Sprott, président de Sprott Asset Management, reste fidèle à ses deux principaux paris, l'or et le pétrole.

Les prix de ces deux denrées ont souffert d'une fuite des investisseurs professionnels, obligés de vendre des placements rapidement pour colmater des pertes dans leur portefeuille ou pour faire face à des demandes de capital de la part de clients ou de banquiers, dit-il.

M. Sprott est persuadé qu'à long terme, l'or bénéficiera de la perte de confiance à l'égard de toutes sortes de placements - les actions, les obligations d'entreprises, les fonds monétaires et même les devises - qui s'installera après la crise du crédit.

L'or s'est apprécié de 7 % depuis le début de l'année, alors que l'indice américain S&P 500 a perdu 19 % de sa valeur.

Quelque 11 000 G$ US ont été perdus dans les Bourses mondiales depuis le début du mouvement baissier. Le gouvernement américain pourrait devoir emprunter 1 000 G$ US pour financer son plan de sauvetage.

"De telles sommes montrent que ce n'est pas une crise comme les autres. Dans ces circonstances, l'or redeviendra la valeur refuge pour ceux qui perdront confiance dans la valeur des devises comme celle des États-Unis", fait valoir Eric Sprott.

La valeur de l'or augmentera à mesure que les investisseurs réaliseront que le désendettement des institutions et des fonds d'investissement entraînera la vente, sur une longue période, de nombreux placements et éléments d'actif dont la valeur se dépréciera.

Même le gouvernement américain finira par revendre les éléments d'actif qu'il a pris en charge dans ses divers plans de sauvetage. "On peut penser que les acheteurs offriront bien peu pour ces éléments d'actif, car ils savent que le gouvernement devra s'en défaire par la suite", explique-t-il.

M. Sprott est tout aussi convaincu que le prix du pétrole restera plus élevé que ne le prévoient les investisseurs.

Oui, un ralentissement économique peut diminuer la demande énergétique à court terme, mais le prix du pétrole dépend aussi de ce qu'il en coûte pour en extraire davantage. Or, ces coûts augmentent, comme en témoigne l'explosion de 50 %, à 24 milliards de dollars, du coût du projet de sables bitumineux Fort Hills, en Alberta.

Pour que l'exploitation de nouvelles sources de carburant soit rentable, le prix du pétrole devra rester ferme, dit-il. Et si le pétrole tient bon, les autres sources d'énergie devraient suivre le mouvement. Les fonds de Sprott ont d'ailleurs des placements dans le charbon.

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