Lorsque l'idée d'élargir la 175 (la fameuse " route du parc ") a pris forme, la plupart des gens du Saguenay- Lac-Saint-Jean ont applaudi, mais pas tous. Je me rappelle une étonnante conversation avec un citoyen préoccupé par l'éventualité, selon lui, d'une conséquence inattendue de cette décision réclamée depuis des décennies : oui, on allait permettre un accès plus rapide et plus sécuritaire à la région, mais il serait dorénavant plus facile de la quitter ! On a déjà raconté perdre l'équivalent d'un autocar par jour de Jeannois ou de Saguenéens, souvent des jeunes, déterminés à tenter leur chance plus au sud...
Sur le coup, je m'étais dit : " Quel défaitisme ! " Pour pasticher l'expression, ce citoyen avait le don de transformer une occasion en problème. Son opinion était-elle répandue ? Puis me sont venus en tête bien des noms, de ceux et celles qui s'illustrent dans toutes les sphères d'activité et qui sont précisément issus de la région : des comédiens, des entrepreneurs, des athlètes, des politiciens, des professionnels en tous genres qui font carrière ailleurs tout en demeurant fiers de leur origine.
Ils sont partout ! Avez-vous remarqué ? Au Québec, c'est presqu'un titre de noblesse que de venir du Saguenay ou du Lac. C'est vrai qu'il s'agit là d'un royaume...
On peut alors comprendre cette crainte légitime de voir le flot d'expatriés grandir encore, ce qui suscite au moins deux réflexions.
La première, c'est qu'au-delà de ses immenses richesses naturelles, la première ressource du Saguenay-Lac Saint-Jean est constituée de ses habitants. Têtus, frondeurs autant que fonceurs, pas faciles à intimider. La recette parfaite pour se faire une place au soleil.
La deuxième, c'est que malgré toutes ces qualités, la région doute d'elle-même. Individuellement, les citoyens sont conscients de leurs forces. Collectivement, c'est moins sûr.