Échec du nationalisme minier en Australie


Édition du 07 Décembre 2013

Échec du nationalisme minier en Australie


Édition du 07 Décembre 2013

Par Suzanne Dansereau

Photo: Christian Sprogoe

Dans l'industrie minière, on parle de «nationalisme lié aux ressources» lorsqu'un gouvernement modifie son régime minier en période de cycle haussier, dans l'espoir de maximiser les revenus tirés de l'exploitation des ressources minérales. Une tendance qui s'est répandue partout sur la planète ces dernières années, y compris en Australie. Lors du récent débat sur les redevances minières au Québec, on a beaucoup cité l'exemple de ce pays. Mais voilà qu'il projette de faire marche arrière.

En 2010, le gouvernement travailliste de ce pays a voulu imposer une taxe de 40 % sur ce qu'il appelait les «superprofits» des sociétés minières. Or, trois ans plus tard, on apprend que la loi sera abolie par le nouveau gouvernement libéral.

L'Australie, pays riche en ressources naturelles - son fer alimente les aciéries du voisin chinois - où logent les géants RioTinto et BHP Billiton, a été l'une des premières autorités du monde à augmenter ses taxes en plein boom minier. À l'époque, l'État fédéral prévoyait récupérer 22,5 milliards de dollars en revenus additionnels sur quatre ans.

Mais trois ans plus tard, l'éléphant a accouché d'une souris. Pour la première demi-année de son entrée en vigueur, la taxe n'a généré que 200 millions de dollars, un montant qui, au terme de l'année fiscale, atteindra probablement 500 M$, calcule Phil Hogwood, responsable de la pratique minière chez Deloitte en Australie. C'est 10 fois moins que prévu.

«Incertitude mondiale, volatilité des prix, force du dollar australien» : voilà comment on explique que la taxe ait si peu rapporté. Mais l'histoire est plus complexe.

Car, entre ce qui a été proposé avant les élections de mai 2010 et ce qui a finalement été adopté en 2012, il y a toute une différence.

En août par exemple, on apprenait que Rio Tinto, la plus grande et la plus profitable minière d'Australie, n'avait pas payé un sou d'impôt minier en 2012. En fait, elle a même reçu un remboursement de 74 M$.

L'histoire de l'Australie illustre deux choses : la puissance du lobby minier et la difficulté de mettre en pratique le nationalisme lié aux ressources.

Ce qui s'est passé

Durant la campagne électorale de 2010, l'industrie a dépensé 22 M$ en publicité pour défaire la proposition du premier ministre, Kevin Rudd. Après l'élection, qui s'est traduite par un gouvernement minoritaire, M. Rudd a été remplacé par son équipière Julie Gillard, qui a rencontré l'industrie pour adoucir le projet.

Ainsi, la Resource Super Profits Tax (RSTP) - qui avait reçu l'appui du mouvement syndical et du Parti vert - a été remplacée par la Mineral Resources Rent Tax (MRRT). La ponction de 40 % sur les superprofits a été réduite à 30 % et assortie d'un allègement qui l'a de facto abaissée à 22,5 %.

Les minières déjà en exploitation ont eu une allocation spéciale pour les dédommager de leurs investissements passés. Cette allocation pouvait être calculée non pas sur leurs coûts historiques, mais sur la «juste valeur» des investissements, un prix beaucoup plus élevé, compte tenu du sommet minier.

On a également haussé de 50 à 75 M$ le seuil de profits à partir duquel les minières allaient être imposées.

Avec ces changements, ce n'était plus 22,5 G$ qu'on pensait récolter, mais 6 G$ en quatre ans.

Nochane Rousseau, responsable de la pratique minière de PWC à Montréal et auteur d'une étude comparant le régime minier québécois au régime australien.

Taxe révoquée

C'était avant que le nouveau gouvernement libéral, élu en septembre, n'annonce, en octobre, que la taxe sera révoquée en 2014. Non seulement parce qu'elle n'a pas eu les résultats escomptés et qu'elle pénalisait trop, à son avis, les minières déjà touchées par la conjoncture mondiale, mais aussi parce qu'elle était trop compliquée à appliquer, explique Nochane Rousseau, responsable de la pratique minière de PWC à Montréal et auteur d'une étude comparant le régime minier québécois au régime australien.

«En raison de la façon dont elle a été structurée, la MRRT est devenue un énorme fardeau pour les fonctionnaires, explique-t-il. Je vous donne un exemple : il était très complexe pour eux de vérifier quelle était la "juste valeur" des investissements faits par les minières. De plus, pour chaque étape de taxation, il fallait faire une étude économique de prix de transfert pour soutenir un rendement raisonnable. Bref, la taxe était d'une complexité administrative incroyable, tant pour le gouvernement que pour les minières.»

Phil Hogwood, de Deloitte, estime que cette histoire ne serait pas arrivée si le gouvernement travailliste avait consulté l'industrie afin de trouver une solution gagnante pour les deux parties au lieu de pondre une taxe «qui a voulu faire déguerpir l'industrie» et qui a ensuite été amendée, avec la conséquence qu'elle est non applicable. «Au bout du compte, dit-il, ce n'est pas le montant de la hausse qui fait le plus mal aux minières, mais l'incertitude dans la réglementation et la façon dont elle sera appliquée.»

Mi-figue mi-raisin, Nochane Rousseau estime que les seuls à tirer un réel profit de cette taxe ont été les firmes comptables comme la sienne, qui ont été embauchées par les minières pour les aider à structurer leur fiscalité.

«Lorsque les impôts miniers sont motivés par des raisons politiques, c'est voué à l'échec», conclut-il.

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