Le portefeuille 60/40 n'est pas mort

Offert par Les affaires plus


Édition de Octobre 2022

Le portefeuille 60/40 n'est pas mort

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Édition de Octobre 2022

Yanick Desnoyers, vice-président et économiste principal chez Addenda Capital (Photo: courtoisie)

CLASSE D'ACTIF. Le portefeuille 60% actions et 40% obligations ne semble plus aussi efficace pour diversifier l’épargne des investisseurs. Est-ce le temps d’ajouter des placements alternatifs tels que les actifs privés et réels? Attention, disent les experts.

On l’a bien vu ces derniers mois. Quand les mauvaises nouvelles s’accumulent, les marchés boursiers et obligataires peuvent baisser simultanément, il n’y a plus de valeurs refuges. L’avantage de détenir un portefeuille bien diversifié, qui permet de réduire le risque tout en augmentant le rendement espéré de nos placements, semble s’amenuiser. 

Faut-il le rappeler: l’inflation a atteint des sommets en 40 ans, les banques centrales montent rapidement leur taux directeur, sans oublier les tensions géopolitiques et les problèmes liés aux chaînes d’approvisionnement perturbées par l’invasion russe en Ukraine. Les restrictions anti-COVID qui se poursuivent en Chine et la crise immobilière qui sévit là-bas ajoutent aussi à ce sombre tableau.

« Cette avalanche de facteurs défavorables aux marchés a fait dégringoler simultanément les cours des actions et des obligations, rendant inopérante la diversification des risques dans un portefeuille équilibré », souligne Roger Aliaga-Díaz, économiste en chef, Amériques, et chef de la construction de portefeuilles chez Vanguard. Une recherche publiée cet été par son équipe («Comme le phénix, le portefeuille 60/40 prendra de nouveau son essor», 7 juillet 2022) nous rappelle qu’il n’est pas si inhabituel de voir des baisses coordonnées de ces deux catégories d’actifs. 

Aux États-Unis, entre février 1976 et avril 2022, les rendements mensuels nominaux totaux des actions (indice S&P500) et des obligations de qualité (indice Bloomberg US Aggregate Bond) ont été simultanément négatifs près de 15% du temps. Cela représente en moyenne un mois de baisse tous les sept mois environ. En revanche, la situation est moins courante si on observe un horizon annuel. Au cours de ces 46 années, les investisseurs n’ont jamais subi de pertes pendant trois années consécutives dans ces deux classes d’actifs, observe-t-on. 

Dans le cas d’un portefeuille 60% actions et 40% obligations, les reculs simultanés sont un peu plus fréquents puisque les rendements des actions sont plus volatils et leur pondération plus grande dans la répartition d’actifs. Les rendements annuels ont été négatifs 14% du temps environ, soit une fois tous les sept ans en moyenne, constate la recherche de Vanguard. Et cette analyse tient la route pour le Canada. 

« L’ajout d’obligations canadiennes de qualité dans un portefeuille d’obligations mondiales fera contrepoids aux actions canadiennes et internationales, explique Bilal Hasanjee, stratège principal placements, Vanguard Canada. Dans un environnement de hausses de taux, si on a un horizon de placement plus long que la duration des obligations dans notre portefeuille, les rendements plus élevés vont rehausser le rendement total du portefeuille. » La duration est la moyenne pondérée de la durée des différents titres obligataire. 

« Selon nous, une répartition 60% actions /40% obligations demeure un point de référence fiable si notre stratégie de portefeuille vise à réaliser une croissance modérée », commente Roger Aliaga-Díaz. Ce qui importe davantage, c’est de parvenir à bâtir un portefeuille adéquatement diversifié qui va considérer la tolérance au risque et l’horizon de placement de l’investisseur (voir encadré).  

 

Revoir son allocation d’actifs?

« Chacun doit tenir compte de sa réalité financière avant d’établir l’allocation d’actifs qui lui convient. Combien d’années me séparent de la retraite? Ai-je ou non accès à un fonds de pension? On veut bien comprendre notre tolérance au risque afin de déterminer quelle baisse maximale des marchés on est prêt à tolérer en cas d’imprévus financiers », remarque Pierre-Philippe Ste-Marie, chercheur invité de Bodhi Research Group, une entreprise de consultation indépendante de Toronto, spécialisée en sélection de gestionnaires en investissements alternatifs.

Les connaissances en placement sont également primordiales. « On ne veut pas ajouter des classes d’actifs si on ne saisit pas bien les instruments financiers ou les stratégies dans lesquelles on investit », dit-il. Pensons à des produits complexes tels que les obligations à rendement réel ou les actions privilégiées.

Plusieurs sociétés d’investissement vantent les mérites des placements alternatifs comme les marchés privés afin d’augmenter les rendements ajustés au risque et profiter des faibles corrélations avec les actifs traditionnels. Il peut s’agir d’investissement dans l’agriculture (terres agricoles et forêts), les infrastructures, l’immobilier, le crédit ou le placement privé. « Mais remplacer une partie de la portion obligataire d’un portefeuille demeure risquée. Il n’y a pas de solution miracle aux défis auxquels sont confrontés les investisseurs cette année », met en garde Dan Hallett, analyste et directeur de la recherche à HighView Financial Group. Certains de ces produits intègrent une composante de risque lié au marché des actions comme les prêts ou les placements privés, ce qui n’est pas le cas des obligations de première qualité.

Il est vrai que ces instruments peuvent améliorer la diversification d’un portefeuille, mais ils ne conviennent pas à tous les investisseurs. « Le défi pour un particulier réside dans les frais élevés de ces stratégies qui visent habituellement une clientèle institutionnelle, mais aussi dans la compréhension de la qualité du produit offert à l’investisseur », ajoute-t-il. Il faut que le conseiller en placement ou le spécialiste des marchés financiers avec qui on traite fasse les vérifications nécessaires et surtout, ait l’expertise pour le faire. Il y a également moins de produits offerts aux investisseurs au détail, comme des fonds communs de placement et des fonds négociés en Bourse. Il y a aussi une prime de liquidité associée à ces produits qui les rend attrayants, mais qui complexifie les choses lorsqu’on veut sortir de la transaction. Ce sont des investissements qu’on veut détenir à long terme. 

 

Récession en vue

Plusieurs évoquent les changements structurels dans nos économies comme la pénurie de main-d’œuvre ou la décarbonation qui pourraient maintenir l’inflation élevée. « Cela ne veut pas dire qu’il n’y a plus d’élan cyclique. On verra encore des récessions et les taux vont redescendre un jour bien que le creux des taux d’intérêt des banques centrales ne soit peut-être plus près de 0% en raison de ces facteurs structurels », observe Yanick Desnoyers, vice-président et économiste principal chez Addenda Capital.

« L’inflation persistante au Canada, notamment dans le secteur des services, devrait pousser la Banque du Canada à poursuivre ses hausses de taux, ce qui n’est pas une bonne nouvelle à court terme pour le marché obligataire », dit-il.

Ce dernier n’entrevoit pas de récession avant 2024 vu les liquidités élevées dans le compte des ménages et leur moins grande sensibilité aux mouvements des taux d’intérêt. Selon Yanick Desnoyers, quelques mois avant d’entrer en récession, on devrait voir une chute boursière de quelque 15 à 20 points de pourcentage en raison d’une baisse des profits des entreprises.

Les détenteurs d’obligations vont alors profiter de la diminution des taux et la corrélation faible entre les obligations et les actions devrait effectuer son travail. « Ceux qui achètent une obligation de qualité avec une échéance de 10 ans autour de 3,50% risquent d’être gagnants à moyen terme si une récession survient d’ici 24 mois. On pourrait voir, avant cela, des taux un peu plus hauts, mais on ne perdra pas », ajoute l’économiste.

« Tenter de vendre et racheter des obligations dans un environnement de hausses de taux n’est pas une stratégie gagnante. Et sortir du marché des actions est aussi un jeu dangereux vu les rebonds boursiers de plus en plus rapides », souligne Bilal Hasanjee. Le portefeuille balancé (ex. : 60/40) a déjà a connu des moments difficiles dans le passé, mais a toujours récompensé les investisseurs qui ont eu la discipline de s’en tenir à leur stratégie.

 

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L’importance du rééquilibrage

Diversifier adéquatement son portefeuille permet d’atténuer les risques et d’accroître les rendements composés. Mais pour réaliser pleinement les avantages de la diversification, il faut aussi rééquilibrer le portefeuille vers ses pondérations cibles (ex : 60% actions, 40% obligations). En d’autres mots, on achète et on vend des titres afin de conserver les proportions souhaitées dans chaque catégorie d’actifs. « Si les portefeuilles ne sont pas rééquilibrés, la répartition dérivera graduellement vers l’actif au meilleur rendement, qui est généralement l’actif le plus risqué. Ainsi, la volatilité d’un portefeuille qui n’est pas rééquilibré augmentera probablement au fil du temps, et ce portefeuille ne bénéficiera pas de l’effet d’une plus faible volatilité sur les rendements composés », soulignent les fiches d’information pour professionnels CFA publiées par CFA Montréal. Il existe plusieurs méthodes de rééquilibrage. La plus simple est celle qui suit un calendrier et se fait à des intervalles réguliers (mensuellement, trimestriellement, semestriellement ou annuellement). Des recherches démontrent que le rééquilibrage semestriel ou même annuel mène à de meilleurs rendements qu’un rééquilibrage mensuel, selon CFA Montréal. Certains vont par ailleurs préférer faire un rééquilibrage automatique si on s’écarte trop d’une fourchette (Ex.: 55% à 65% dans un portefeuille 60/40). On achèterait des actions (en vendant des obligations) si une chute des marchés fait passer la proportion en actions sous la barre de 55% et on vendrait des actions si on excède 65% (pour acheter des obligations). On se trouve donc à racheter des titres à bas prix et à vendre ceux qui ont le plus progressé.

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