Pommes pourries ? Il faut s'occuper du baril !


Édition du 17 Juin 2017

Pommes pourries ? Il faut s'occuper du baril !


Édition du 17 Juin 2017

Par Robert Dutton

[Photo: 123rf]

Vous découvrez qu'un de vos employés fraude l'entreprise que vous dirigez. Depuis quelques mois, il détourne des fonds en falsifiant des documents. Pire encore, vous constatez qu'un groupe de vos travailleurs se rend coupable de collusion et de corruption pour obtenir des contrats. Avec des employés de vos concurrents, ils se partagent un marché à prix gonflés et versent des pots-de-vin aux acheteurs de vos clients pour s'assurer qu'ils ne se posent pas trop de questions. Vous documentez votre découverte, vous démasquez les travailleurs concernés, puis vous les congédiez. Les pommes pourries sont écartées de l'organisation. Problème réglé ?

Pas sûr. Il est fort possible que le pépin ne concerne pas seulement quelques pommes, mais bien le baril entier. Bref, qu'il s'agisse d'un problème de gestion de l'entreprise.

Je ne nie pas que les sociopathes existent, mais la très grande majorité des comportements inacceptables en entreprise sont le fait de gens qui sont habituellement honnêtes. Et qui, même lorsqu'ils adoptent des pratiques inadmissibles, rationalisent leur comportement et continuent de se percevoir comme foncièrement intègres. Par exemple, demandez à quiconque travaille au noir ou à quiconque paie des individus sous la table si ces conduites sont malhonnêtes ; vous verrez que peu d'entre eux se considèrent comme des fraudeurs. Pourtant, ils fraudent le fisc allègrement.

Les comportements non éthiques émergent dans un contexte, et ce contexte est un produit de la gestion de l'entreprise.

D'abord, ne pas nuire

La moralité n'est pas binaire, avec les innocents d'un côté et les coupables de l'autre. Ni noirs ni blancs, les choix éthiques se déclinent généralement en une infinité de teintes de gris. L'environnement, la culture et les circonstances peuvent faire dériver quelqu'un du gris pâle au gris foncé.

Avant même de «favoriser» les comportements éthiques, les dirigeants doivent éviter de les encourager involontairement. Nombre d'entreprises publient de beaux codes de conduite, qui prônent la vertu et découragent le vice. Cependant, du même souffle, elles mettent sur pied des systèmes de rémunération, de bonification et de promotion exclusivement axés sur la performance financière : ventes, marges, productivité. Ces systèmes peuvent être basés sur des quotas ou des seuils déclencheurs de primes. C'est bien de vouloir fixer des objectifs stimulants, mais les objectifs «trop» stimulants peuvent générer et justifier des comportements inappropriés. Cela peut déboucher sur une comptabilité créative, au détriment des actionnaires, ou contaminer tous les niveaux d'une organisation, comme ç'a été le cas des employés de la banque Wells Fargo, qui inventaient des comptes bancaires et des cartes de crédit (pour de vrais clients) dans le seul but de satisfaire des quotas de ventes irréalistes.

Cette prudence quant aux effets secondaires des systèmes de bonification a un corollaire : au même titre que les habiletés techniques, le leadership et autres qualités attendues d'un nouvel employé ou d'un nouveau cadre, l'éthique doit avoir une place prépondérante au cours d'un entretien d'embauche, d'une part pour «sentir» à quel genre d'employé on a affaire, d'autre part pour envoyer d'emblée le message que «chez nous, l'éthique est une valeur centrale». Après tout, les fameuses pommes pourries ont bien été embauchées par quelqu'un.

Valoriser les comportements éthiques

En 1991, dans un article publié par le Wall Street Journal, Peter Drucker a écrit : «Pour changer les habitudes et les comportements, il faut changer les distinctions et les récompenses [...] tout le reste n'est que verbiage [...]. Dès que [les employés] constateront que l'organisation récompense les comportements appropriés, ils l'accepteront.»

Quand j'étais président de RONA, l'adhésion aux valeurs de l'entreprise et, plus encore, leur promotion faisaient systématiquement partie de l'évaluation annuelle des cadres. Elles entraient dans la détermination de la prime annuelle. Le comportement éthique et la promotion d'un comportement éthique chez les collègues et les subordonnés doivent intervenir dans l'évaluation d'un employé et dans la décision de le promouvoir ou non - au même titre que l'esprit d'équipe, le leadership, l'esprit d'innovation, etc.

Nombre d'entreprises soulignent les performances de leurs employés : records de ventes, records de production, meilleure suggestion du mois et autres réalisations sont soulignées de diverses façons. Les récompenses vont de l'affichage de la photo de l'employée du mois à des vacances de luxe payées pour elle et sa famille, en passant par un reportage dans le journal de l'entreprise ou une lettre de reconnaissance signée de la main du président.

Trop peu d'entreprises soulignent les comportements éthiques ou la contribution d'un employé à la promotion de l'éthique dans son milieu - quand elles ne punissent pas carrément ces comportements. Si un employé avertit ses supérieurs d'un problème d'émissions polluantes à une usine et demande d'interrompre l'exploitation pour réparer la fuite, est-il récompensé ? Si un nouvel employé refuse de graisser la patte à des gens pour obtenir des contrats comme son prédécesseur le faisait, et si, de ce fait, l'entreprise perd un contrat, le travailleur en question sera-t-il récompensé ou puni ?

Bien plus que les codes de conduite, ce sont les décisions prises dans des situations très concrètes qui vont déterminer l'atmosphère du baril - et le nombre de pommes pourries qu'il contiendra.

Biographie

Pendant plus de 20 ans, il a été président et chef de la direction de Rona. Sous sa gouverne, l'entreprise a connu une croissance soutenue et est devenue le plus important distributeur et détaillant de produits de quincaillerie, de rénovation et de jardinage du Canada. Après avoir accompagné un groupe d'entrepreneurs à

l'École d'entrepreneurship de Beauce, Robert Dutton a décidé de se joindre à l'École des dirigeants de HEC Montréal à titre de professeur associé.

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