Le portrait de la famille Brookfield


Édition du 09 Décembre 2020

Le portrait de la famille Brookfield


Édition du 09 Décembre 2020

Par Dominique Beauchamp

(Photo: 123RF)

La lignée de ­Brookfield est nombreuse. Les occasions mondiales sont si abondantes dans les placements alternatifs que ­Brookfield ­Asset ­Management ne cesse de grandir. La société mère séduit les financiers par ses énormes capitaux et ses compétences, mais ses quatre rejetons offrent des spécialités à tous les types d’investisseurs. Les voici.


Brookfield ­Asset ­Management: le vaisseau amiral est le favori du groupe

BAM.A : 53,00 $
Gain en 2020 : +5,9 %
Valeur boursière : 79,7 G$
Dividende : 1,18 %

Avec un actif total de 575 milliards de dollars (G$), le pionnier des actifs alternatifs a déjà beaucoup profité de l’explosion de l’investissement dans l’immobilier, l’infrastructure, l’énergie renouvelable et les fonds privés.

Brookfield Asset Management s’estime néanmoins bien nantie, avec des liquidités disponibles de 76 G $, pour sauter sur les occasions qui se multiplieront après la pandémie. Le gestionnaire amorce en plus une nouvelle ronde pour récolter des capitaux externes qu’il pourra réinvestir.

Déjà prisé par bien des investisseurs institutionnels, le groupe ajoute trois spécialités complémentaires pour faire croître son actif, ses honoraires et ses gains d’investissements pour les prochaines décennies.

Le nouveau fonds Brookfield Global Transition, le premier d’une série, attire le plus d’attention parce qu’il vise à accélérer la transition des entreprises et des gouvernements vers une économie plus verte, et à générer de bons rendements tout en ayant un effet mesurable sur l’environnement.

Brookfield enverra aussi bientôt en Bourse une nouvelle entité de réassurance. Elle distribuera à ses actionnaires un dividende en actions représentant une fraction du titre de Brookfield Asset Management Reinsurance Partners. Une fois rassemblées, les actions fractionnées auront la même valeur que le titre de la société mère, ce qu’on appelle une opération d’actions couplées (paired shares).

Éventuellement, la filiale aura la taille voulue pour être essaimée comme d’autres avant elle, entrevoit Steve Belisle, gestionnaire à Manuvie.

Établie aux Bermudes, Brookfield Asset Management Reinsurance Partners réassurera les rentes fixes offertes par les assureurs et mettra ainsi à profit sa gestion de titres de dettes à haut risque. L’objectif : réaliser un rendement supérieur aux obligations futures des rentes souscrites.

« Évaluée à 500 millions de dollars (M$), la nouvelle société ne bouge pas l’aiguille d’un groupe aussi vaste, mais c’est une corde de plus à son arc », évoque Ratko Velin, gestionnaire chez Préfontaine Capital.

La troisième spécialité concerne le rachat de propriétés immobilières et d’infrastructures individuelles que revendent d’autres investisseurs privés. Brookfield évalue déjà 13 G$ d’actifs et évoque un potentiel de 50 G$ à plus long terme.

Cet accès privilégié aux occasions d’investissement et aux capitaux institutionnels est ce qui fait du vaisseau amiral un favori de bien des financiers.

Barry Schwartz, président de Baskin Financial, préfère Brookfield à ses quatre filiales parce que les hauts dirigeants y sont engagés financièrement. C’est aussi en haut de la pyramide que s’orchestre l’ingénierie financière. « Les rejetons lui versent un tribut sous forme d’honoraires et de dividendes qui augmentent en fonction de la valeur boursière des filiales », précise-t-il.

Chez Préfontaine Capital, Brookfield est un placement à long terme dans tous les portefeuilles, indique son président Stéphane Préfontaine. Le groupe transactionnel a atteint une telle envergure qu’il est difficile à suivre, convient le spécialiste de la famille Brokfield pour Préfontaine Capital, le gestionnaire Ratko Velin. Toutefois, le long parcours « d’excellents rendements » financiers et l’expérience du groupe en tant qu’opérateur compensent amplement cette grande complexité, ajoute-t-il.

« Un investissement dans la société mère donne accès à toutes les stratégies au moment où les fonds souverains, les caisses de retraite, les assureurs et autres grands fonds allouent de plus en plus d’actifs aux placements alternatifs afin de capter les rendements que ne peuvent plus leur donner les titres à revenus fixes », fait valoir Ratko Velin.

Deux grosses banques américaines, J.P. Morgan et Goldman Sachs, placent aussi Brookfield dans leurs meilleures idées. L’analyste Alexander Blostein, de Goldman Sachs, s’attend à ce que l’actif en gestion croisse de 13 % par année, d’ici 2023. Son collègue Kenneth Worthington, de J.P. Morgan, prévoit que les fonds de 50 G$ US que le groupe récoltera au cours des deux prochaines années ajouteront environ 700 M$ aux revenus.

Brookfield s’est structurée et diversifiée de façon à « gagner » dans n’importe quelle circonstance, observe Steve Belisle, de Manuvie. Si une baisse des taux diminue ses coûts d’emprunt, une hausse des taux provenant d’une meilleure économie donne plus de valeur aux actifs dont les rendements sont indexés à l’inflation, donne-t-il en exemple.

« Le principal risque au modèle d’affaires serait une remontée prononcée des taux à long terme, mais même dans un tel scénario, Brookfield dispose de différentes stratégies pour en atténuer l’impact », explique le gestionnaire. Steve Belisle est par contre nettement moins certain que les dirigeants que les centres commerciaux et les tours de bureaux de la filiale Brookfied Property Partners, qui représentent la part du lion (42 %) de l’actif du groupe, se révéleront aussi rentables qu’auparavant après la pandémie. « L’action de Brookfield était très attrayante au printemps, sous 40 $. Au cours actuel, le titre est moins intéressant, mais il est carrément cher au-dessus de 55 $ », dit-il.

 

Brookfield ­Property ­Partners

Filiale à 56 %
BPY : 19,62 $
Recul en 2020 : -17,3 %
Valeur boursière : 18,2 G$
Dividende : 8,8 % 

Le propriétaire mondial de tours de bureaux et de centres commerciaux est probablement la filiale qui divise le plus les financiers.

Aux yeux de ­Steve ­Belisle, de ­Manuvie, l’achat record (27,5 G$ ­US), en 2018, du deuxième propriétaire américain de centres commerciaux ­General ­Growth ­Properties pourrait se révéler un « flop monumental ». Les problèmes structurels des centres commerciaux précèdent la pandémie, ­dit-il. « ­Il est vrai que ­Brookfield a les moyens de repositionner les centres d’achat et même de racheter des locataires en difficulté, mais ça exige d’énormes capitaux qui pourraient affaiblir les rendements », ­renchérit-il.

Le gestionnaire de portefeuille doute aussi que les tours de bureaux retrouvent tous leurs locataires après la pandémie alors que ­Brookfield mise sur un retour complet à la normale.

Ce n’est pas pour rien que le cours du titre est tombé à 44 % de la valeur comptable de ses actifs, au troisième trimestre. Cette dépréciation a d’ailleurs incité la société mère à racheter 1 G$ d’actions de son rejeton au cours des derniers mois.

Chez ­Préfontaine ­Capital, les gestionnaires ont aussi ajouté au printemps des actions de ­Brookfield ­Property à bon prix pour certains clients à la recherche de revenus.

L’immobilier reste la plus « grande compétence » du groupe et bénéficie d’un accès sans pareil aux meilleurs actifs et au financement hypothécaire, fait valoir ­Ratko ­Velin. Cette filiale est mieux connue pour ses tours et ses centres commerciaux prestigieux, mais elle possède aussi des complexes résidentiels, des hôtels, des centres de logistique, des résidences pour étudiants, des maisons préfabriquées et des entrepôts ­libre-service.

 

Brookfield Renewable ­Partners

Filiale à 51 %
BEP.U : 78,56 $
Gain en 2020 : +63,4 %
Valeur boursière : 24,4 G$
Dividende : 2,91 %

La réputation du géant mondial de l’énergie renouvelable n’est plus à faire. Après tout, la société fondée en 1899 a fait ses premiers pas dans le secteur de l’électricité au ­Brésil il y a plus de 120 ans.

Aujourd’hui, son empreinte s’étend de l’Amérique à l’Asie en passant par l’Europe. Des actifs aussi diversifiés qui génèrent des flux de trésorerie réguliers sont impossibles à répliquer pour la plupart des investisseurs, fait valoir ­Steve ­Belisle, gestionnaire de portefeuille de ­Manuvie.

Le fournisseur d’énergie solaire, éolienne, hydroélectrique et thermique dispose de liquidités de 3 G$ et de capitaux externes qui lui permettent de considérer un flot constant de projets d’expansion et d’acquisitions. Plusieurs analystes voient notamment d’un bon œil le potentiel d’un premier investissement imminent dans un projet éolien en haute mer en ­Pologne, qui pourrait servir de tremplin dans ce créneau.

Par contre, après un énorme bond en 2020, l’évaluation élevée du titre refroidit l’enthousiasme de certains analystes. Sa vaste expérience en tant qu’opérateur de projets complexes et en tant qu’acquéreur opportuniste justifie une ­plus-value, mais au cours actuel, « l’évaluation (23 fois les fonds générés par l’exploitation prévus en 2022) dépasse largement un multiple plus approprié de 17 fois », indique ­Robert ­Hope, de ­Banque ­Scotia.

Bill ­Cabel, de ­Desjardins ­Marché des capitaux, juge aussi que l’évaluation est riche, surtout que ­Brookfield distribue une proportion assez élevée (87 % en 2021) des fonds que génère son exploitation.

 

Brookfield ­Infrastructure ­Partners

Filiale à 28 %
BIP.U : 64,59 $
Gain en 2020 : +11,6 %
Valeur boursière : 26,8 G$
Dividende : 3,9 %

Cette filiale offre un large éventail d’actifs qui inclut un chemin de fer régional aux ­États-Unis, des terminaux portuaires en ­Australie et en ­Grande-Bretagne, des autoroutes à péage ainsi que le réseau de télécommunications ­TDF en ­France.

La société est donc la mieux positionnée du groupe pour bénéficier de la reprise mondiale l’an prochain, qui devrait relever le rendement que lui procurent ses infrastructures.

Frédéric ­Bastien, de ­Raymond ­James, s’attend à ce que ses flux de trésorerie croissent plus vite que son industrie en 2021. La meilleure conjoncture facilite aussi la revente prévue de 1,5 G$ ­US d’actifs plus mûrs. Brookfield ­Infrastructure prévoit réinvestir ces capitaux frais à meilleur escient.

Cette stratégie de « recyclage » a mené à l’achat de 135 000 tours cellulaires en ­Inde et de 42 % de ­Cheniere ­Energy, qui exploite le premier terminal d’exportation de gaz liquide en ­Louisiane, au troisième trimestre.

Enfin, la pandémie pourrait déclencher un nouveau cycle de transactions pour ­Brookfield parce que les gouvernements et les entreprises vendront des actifs afin de réduire leur endettement. La société lorgne notamment des aéroports, indique ­Robert ­Hope, de ­TD ­Valeurs mobilières.

Le titre est un « bon véhicule pour les amateurs d’infrastructures patients dans le contexte économique actuel », fait valoir ­Naji ­Baydoun, d’Industrielle ­Alliance ­Valeurs mobilières. La majorité de ses flux monétaires sont réglementés ou contractuels ce qui procure une croissance visible de 6 % à 9 % des fonds générés par l’exploitation.

Comme sa consœur ­Brookfield ­Renewable, la filiale d’infrastructures vise une croissance annuelle de 5 % à 9 % de son dividende.

 

Brookfield Business ­Partners

Filiale à 63 %
BBU.U : 67,90 $
Recul en 2020 : -9,3 %
Valeur boursière : 7,1 G$
Dividende : 0,7 %

Entré en ­Bourse en mai 2016, le bras d’investissement privé est le ­dernier-né et le plus méconnu des rejetons. Sa petite taille est encore un désavantage en ­Bourse, mais ­Geoffrey ­Kwan, de ­RBC ­Marchés des capitaux, y voit justement un potentiel inexploité si la société fait ses preuves comme ses consœurs.

Ses actifs disparates rendent sa valeur plus difficile à estimer, mais le placement privé est une spécialité recherchée pour ses rendements sur le capital investi de l’ordre de 15 % à 20 %, expliquent les analystes consultés.

Le rendement du titre repose sur l’amélioration des bénéfices et la mise en valeur des neuf entreprises en portefeuille qui seront éventuellement revendues. Le capital récolté peut alors être réinvesti dans de nouvelles candidates.

Le spécialiste des services aux centrales nucléaires ­Westinghouse offre le meilleur potentiel de rendement puisqu’il représente le quart de la valeur d’actif net de la société, indique ­Nik ­Priebe, de ­Marchés des capitaux ­CIBC. Acquis en 2018 à sa sortie de la protection de la faillite, ­Westinghouse a redressé son bénéfice de 50 % depuis.

Comme le reste du groupe, le fonds d’investissement est un acquéreur actif. La dernière transaction en lice est le rachat pour 1,2 G$ US de la part de 43 % qu’il ne détient pas déjà dans l’assureur hypothécaire ­Genworth ­MI ­Canada. Brookfield veut optimiser la structure de capital et relever le rendement des placements de l’assureur, précise ­Nik ­Priebe.

L’analyste prévient toutefois que dans ce type de placement, l’investisseur doit accepter de voir les rendements grugés, en partie, par les honoraires de performance que prélève la société en commandite.

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