L'élément manquant de votre portefeuille: votre emploi

Publié le 01/02/2009 à 00:00

L'élément manquant de votre portefeuille: votre emploi

Publié le 01/02/2009 à 00:00

La méthode utilisée par les conseillers financiers pour évaluer votre profil d'investisseur ne tient pas compte de votre actif principal : votre carrière. Celle-ci pourrait bousculer votre portefeuille.

Lorsqu'il a rencontré son conseiller financier en septembre dernier, Nicolas s'est fait poser toutes sortes de questions : son âge, son revenu, l'état de ses placements... Pour évaluer son degré de tolérance au risque, cet enseignant de 31 ans dans un cégep montréalais a dû remplir un questionnaire où il a lui-même déterminé s'il pouvait accepter des pertes importantes en retour d'un meilleur rendement potentiel. Il a ensuite discuté quelques minutes avec son conseiller, pour permettre à ce dernier de mieux connaître sa personnalité. Au bout du compte, son conseiller et lui sont convenus d'orienter son portefeuille vers une répartition de 60 % des actifs en actions dans divers fonds communs et de 40 % en obligations gouvernementales et en obligations de sociétés diverses.

Si vous avez vous-même rencontré un conseiller récemment, il y a de fortes chances que vous ayez subi le même interrogatoire, que vous soyez agent immobilier, gérant d'un restaurant ou fonctionnaire au gouvernement fédéral. Personne n'y échappe. C'est à l'aide d'informations portant notamment sur votre âge, votre personnalité et votre revenu que l'on détermine la meilleure répartition possible de votre épargne. Si vous croyez pouvoir dormir en paix à la suite de cet exercice, détrompez-vous, assure un nouveau courant de pensée né aux États-Unis.

Car, pour établir votre profil d'investisseur, cette méthode néglige l'élément crucial de votre situation financière : votre carrière, ou ce que des spécialistes de la recherche financière appellent "votre capital humain" (à ne pas confondre avec le capital humain d'une entreprise, qui est sa main-d'oeuvre).

Or, disent de plus en plus de spécialistes, notre capital humain doit être considéré comme un actif, au même titre, par exemple, que des actions canadiennes ou des obligations. "Il y a de cela quelques années, nous avons eu une rencontre avec plusieurs grands noms de la finance, et nous nous sommes aperçus, en cherchant à quel titre financier correspondait le travail d'un individu, qu'il pouvait être comparé à une obligation de pacotille (junk bond)", dit Thomas Idzorek, directeur de recherche chez Ibbotson Associates, la firme de recherche financière américaine à l'origine de cette nouvelle approche. Une obligation de pacotille est un titre financier qui procure un rendement régulier, mais qui présente un risque plus élevé de défaut de paiement qu'une obligation de qualité supérieure.

Pourquoi comparer votre travail à une obligation de pacotille ? Parce que si votre carrière est réussie et que vos revenus sont réguliers, vous vous apparentez à une obligation ordinaire. Et quand les choses dégénèrent, vos revenus deviennent plus volatils, et vous ressemblez davantage à une action. Exactement comme un junk bond.

Votre carrière ressemble à un investissement plus ou moins risqué dans un secteur défini, et pas n'importe lequel : c'est le plus important de votre vie. "Pour la majorité des ménages, le capital humain est l'avoir principal", souligne Peng Chen, président d'Ibbotson Associates.

Votre carrière et vos placements forment un tout

Cette façon de voir les choses change radicalement la façon dont on concevra la répartition d'actifs de son portefeuille. Pour équilibrer le risque et diversifier les avoirs de façon convenable, un fonctionnaire qui jouit d'un revenu stable et d'une certaine sécurité d'emploi ne devrait pas avoir la même composition de portefeuille qu'un travailleur du secteur de l'énergie, dont l'emploi dépend du prix du pétrole, ou qu'un travailleur du secteur financier, dont le salaire est lié à l'évolution des cours de la Bourse.

Indépendamment de leur âge et des revenus qu'ils génèrent, ces trois personnes devraient avoir une composition de portefeuille différente, dit Peng Chen : "Il est important que les investisseurs déterminent à quel genre de placement ils apparentent leur carrière : est-il plus ou moins risqué ?"

Examinons d'abord les "obligations" à faible risque. Nicolas est professeur au cégep depuis une dizaine d'années et a une sécurité d'emploi quasi assurée, en plus de pouvoir compter sur un régime de pension à prestations déterminées. D'après l'approche développée par Ibbotson Associates, il devrait pouvoir opter pour un portefeuille plus risqué qu'un travailleur dont le secteur est plus cyclique, car le risque qu'il perde son emploi est minime.

La possibilité qu'il obtienne une augmentation de salaire importante est aussi plus improbable que s'il était consultant et qu'il dépendait de contrats pour vivre, ce qui rend plus souhaitable une exposition à des titres à haut rendement potentiel.

À l'opposé, un courtier en valeurs mobilières devrait s'abstenir d'investir lui-même dans des titres financiers et limiter son exposition au marché boursier, s'il touche déjà des primes de fin d'année et s'il est payé à commission. Son travail s'apparente souvent davantage à une action volatile qu'à une obligation. Si la Bourse s'effondre, il pourra se rabattre sur des titres sûrs.

De la même manière, un travailleur du secteur pétrolier devrait fuir les actions de sociétés énergétiques pour éviter une surpondération dans un même secteur. Un concepteur de jeux vidéo ne devrait pas avoir d'actions technologiques dans son portefeuille, et opter pour une surpondération dans des titres d'entreprises plus traditionnelles. Une baisse du secteur technologique ne lui fera pas perdre une trop grande partie de ses avoirs.

"Malheureusement, beaucoup de conseillers financiers ne se concentrent que sur les caractéristiques intrinsèques des placements qu'ils recommandent et sur le portefeuille de leurs clients", déplore Peng Chen. Trop souvent, le portefeuille est considéré en lui-même, sans égard au travail de l'investisseur. Peng Chen reconnaît tout de même que la notion de capital humain a commencé à faire son chemin dans le monde du placement depuis quelques années.

Encore marginale

Bien qu'elle soit peu utilisée, cette méthode reste encore marginale dans les milieux du conseil financier québécois, estime Hélène Gagné, gestionnaire de portefeuille et associée chez PWL Capital qui a écrit des livres sur la retraite, dont Maximisez votre capital retraite : "La plupart des conseillers financiers ne font pas encore le lien entre le travail d'une personne et la façon dont on alloue les ressources", affirme-t-elle.

Selon Hélène Gagné, les résultats sont souvent identiques quand on soumet un questionnaire pour évaluer la tolérance au risque. Dans certains cas, on recommandera 70 % d'actions et 30 % d'obligations plutôt que 60 % d'actions et 40 % d'obligations, mais sans dépasser ces pourcentages : "Il faut avoir une perspective plus globale et plus personnalisée", reconnaît-elle.

La valeur actuelle des revenus n'est donc pas si importante, selon la planificatrice financière : "La personne qui étudie à l'université, même si elle gagne peu d'argent, peut avoir un portefeuille plus risqué qu'un jeune qui a les mêmes revenus mais dont les perspectives d'avenir sont plus restreintes, par exemple."

Pen Cheng n'hésite pas non plus à conseiller à un jeune dont la carrière est précaire d'investir tout de suite dans les obligations plutôt que dans les actions, de façon à équilibrer le risque à chaque moment de sa vie.

Une personne qui a un emploi peu stable ou qui évolue dans un secteur en difficulté devrait aussi conserver beaucoup plus d'argent liquide que celle qui est assurée de garder son emploi, qui peut, elle, n'avoir que très peu de liquidités. On s'éloigne de la règle classique selon laquelle on doit garder trois mois de salaire en argent comptant pour adopter une approche plus personnalisée.

Cette façon de voir les choses entre aussi en conflit avec un désir naturel de l'être humain d'investir dans ce qu'il connaît le mieux. Un danger, selon Hélène Gagné : "Les gens investiront avec confiance dans leur secteur de travail, mais devront faire attention au risque de concentration".

Si elle est encore méconnue - bien des experts que nous avons consultés ont avoué ne pas en avoir entendu parler -, cette approche pourrait gagner en popularité dans les années à venir : "Nous sommes allés au Canada récemment. La réception des conseillers est en général très bonne", affirme Peng Chen.

Alors, ne soyez pas étonné si un jour on vous dit que votre carrière est un "junk bond".

jean-francois.cloutier@transcontinental.ca

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