Un employeur canadien sur cinq affirme avoir de la difficulté à pourvoir certains postes clés en raison du manque de candidats compétents. Plus exactement : 21 % des 1 916 employeurs sondés au pays par Manpower peinent à recruter.
" Les talents que les entreprises recherchent sont plus spécifiques. Cette spécificité recherchée, ce sont les compétences supplémentaires qui agissent comme catalyseur des aptitudes techniques, par exemple la capacité d'apprendre, de résoudre des problèmes et l'esprit critique", explique Jeffrey Joerres, pdg de Manpower, à qui nous avons parlé en marge du 13e Congrès mondial des ressources humaines, qui a eu lieu récemment à Montréal.
En dépit du contexte économique post-récessionniste qui a gonflé le nombre de chercheurs d'emploi, la pénurie notoire de talents persiste dans plusieurs pays et secteurs d'activité. La problématique n'est donc pas le nombre de candidats potentiels. Les résultats de l'étude de Manpower montrent qu'il s'agit d'un phénomène de " disparité des talents " : l'incapacité de trouver les bonnes compétentes au bon endroit, au bon moment.
Une aisance relative
Par exemple, les entreprises sont à la recherche de comptables flexibles et agiles, qui ont de l'expérience en juricomptabilité ou en restructuration de dettes et qui sont à l'aise dans un environnement multiculturel. " Il y a donc beaucoup de candidats, mais peu de personnes possèdent les talents spécifiques que les employeurs recherchent. De là le concept d'écart de talent ", ajoute M. Joerres.
Au-delà des connaissances techniques, la compétence la plus recherchée chez les cadres et les leaders d'affaires est la capacité d'apprendre, et de faire preuve d'humilité et d'emphatie dans ce processus d'apprentissage, selon le pdg de Manpower. " Être un leader aujourd'hui consiste davantage à servir qu'à se faire servir. Un changement est survenu qui a fait en sorte que vous n'êtes pas au sommet de cette chaîne alimentaire, en fait vous êtes presque au bas de celle-ci. "
Talents et stratégies d'affaires sont liés
Le personnel compétent s'impose comme le différenciateur concurrentiel clé pour les entreprises, selon M. Joerres. Les employeurs doivent être en mesure de générer le talent requis pour soutenir leurs objectifs à long terme.
Toutefois, Manpower révèle aussi que près du quart des employeurs reconnaissent que leur stratégie en matière de main-d'oeuvre n'appuie pas leur stratégie d'affaires, ou qu'ils ne savent pas si c'est le cas.
" Les entreprises ont des stratégies d'affaires bien articulées, qui s'étendent sur trois, cinq ou sept ans. Mais elles n'ont pas franchi l'étape supplémentaire, qui consiste à tenir compte de l'écart entre leurs objectifs et le personnel dont elles disposent pour les atteindre. "
Selon M. Joerres, une analyse disciplinée de cette inadéquation est essentielle, car " ce sont les talents dont vous disposez pour mettre en application votre stratégie qui définiront votre habileté à réaliser votre stratégie d'affaires. "
L'époque où il était facile d'embaucher rapidement lorsqu'un besoin se faisait sentir est bel et bien révolue, estime le pdg. C'est pourquoi il prône la nécessité d'une stratégie solide en matière de main-d'oeuvre qui va au-devant des besoins. Une telle démarche consiste à cerner les écarts entre capacité et objectifs. Il n'y a ensuite que deux façons de les combler, dit M. Joerres : développer à l'intérieur et embaucher à l'extérieur.
" Mais les entreprises ne prennent conscience de ces écarts que trop tard, déplore M. Joerres.