Fatigué de voir sa cabane à sucre cambriolée pendant les périodes creuses, Jean-Guy Laroche demande à son neveu Yan Gagnon, qui étudie en ingénierie, de l'aider à trouver une solution qui mettra fin au manège des intrus. La difficulté ? Il n'y a pas d'électricité dans cette partie de la forêt des Bois-Francs.
Le jeune homme développe un détecteur de mouvement à piles qui prend des photos. Il installe le tout dans une boîte étanche à l'eau. " C'était un système très rustique ! " se rappelle Sébastien Gagnon, le frère de l'inventeur.
Rapidement, un premier voleur est identifié. L'oncle est si emballé qu'il encourage son neveu à exploiter cette trouvaille, lui disant qu'il y a sûrement plusieurs propriétaires de chalet qui se font cambrioler pendant leur absence. Yan Gagnon se laisse convaincre et persuade Sébastien, qui étudie en actuariat et en administration, de se joindre à lui dans l'aventure du détecteur de mouvement à piles.
Les deux entrepreneurs, âgés respectivement de 23 et 22 ans à l'époque, décrochent deux bourses offertes par l'école où ils étudient : 10 000 $ du Centre de l'entrepreneurship technologique de l'École de technologie supérieure de Montréal (ÉTS) et 2 000 $ de l'UQAM. GG Telecom voit le jour en 2004 à Victoriaville, la région natale des jeunes hommes.
Les frères assurent eux-même la production et le démarchage des magasins de sécurité. Ils décident de poursuivre leur formation le soir pour pouvoir travailler le jour et les fins de semaine.
Un salon rentable
GG Telecom connaît son premier vrai succès au Salon Chalets et Maisons de campagne de Montréal. Arrivés avec 30 détecteurs en stock, les frères Gagnon repartent avec un carnet de commandes garni. " Les clients nous payaient même une partie à l'avance ", se rappelle Sébastien Gagnon.
Les jeunes entrepreneurs ont besoin d'emprunter 100 000 $ pour faire progresser leur affaire, mais leur banque refuse de s'engager. " Personne ne voulait nous prêter. On avait seulement nos prêts et bourses ", raconte Sébastien Gagnon, devenu vice-président de GG Telecom. Finalement, la Banque de développement du Canada (BDC) leur prête 50 000 $... à près de 12%!Leur propre banque finira par leur accorder un crédit, deux ans plus tard. " Elle a été convaincue par les états financiers et les ratios. Nous avions des commandes et investi tout notre avoir dans la compagnie : ça prouvait qu'on y croyait. " Durant quatre ans, tous les revenus sont réinvestis dans le développement de la PME.
Un parrain bienveillant
Yan et Sébastien réussissent par leurs efforts à trouver un appui, celui de l'entrepreneur Jean-Guy Furois qu'ils ont rencontré à une présentation de jeunes entreprises à des investisseurs. M. Furois est séduit par l'idée des jeunes hommes et décide de les aider dans leurs démarches.
Leur nouveau parrain les encourage à s'investir davantage pour promouvoir leur produit leur disant qu'un jour, les ventes seront au rendez-vous. " Dors dans ton char et mange des sandwichs ", recommande-t-il à Sébastien Gagnon, pour que la tournée des détaillants du Québec lui coûte le moins cher possible. Faut dire que l'entreprise commence et que ses moyens sont très limités.
M. Furois les parraine dans leur aventure entrepreneuriale pendant plusieurs mois. Le trio garde contact mais le contexte est moins formel : tous trois vont maintenant à la pêche.
Le Spypoint connaît un tel succès que des amateurs de chasse approchent GG Telecom. Ils souhaitent utiliser le détecteur pour connaître les déplacements du gibier. Les deux frères répondent présent. " Cela a été la cerise sur le sundae ", se rappelle Sébastien Gagnon. La cerise ne tarde pas à devenir aussi grosse que le sundae : 50 % des détecteurs sont désormais distribués dans les magasins de chasse.
L'entreprise de Victoriaville se tourne aussi vers l'exportation grâce au soutien du ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation (MDEIE). La PME présente ses produits dans des foires commerciales aux États-Unis et en Allemagne, où plusieurs distributeurs se montrent intéressés à commercialiser le détecteur de mouvement. " Ce type d'exposition doit être très bien sélectionné, car il en existe des centaines. En ciblant les plus gros, nous avons été en mesure de signer plusieurs contrats très intéressants ", souligne Sébastien Gagnon.
GG Telecom emploie aujourd'hui 24 personnes et la direction préfère ne pas dévoiler ses revenus, se bornant à dire qu'elle écoule près de 50 000 détecteurs de mouvement par an dans une trentaine de pays, dont 20 % en Europe.