L'accentuation des tensions politiques dans le monde arabe a freiné le mouvement haussier des taux, observent les spécialistes d'Études économiques Desjardins.
« Les inquiétudes liées à la situation en Libye ont calmé quelque peu l'optimisme débordant des investisseurs, et le maintien de plusieurs risques devrait limiter les hausses supplémentaires des taux obligataires à court terme », écrit François Dupuis, vice-président et économie en chef au Mouvement Desjardins.
Selon lui, les obligations fédérales constituent une valeur refuge. « Il peut sembler surprenant à première vue qu'un risque de flambée des cours pétroliers favorise le marché obligataire. Cependant, cela peut être justifié si l'on craint qu'une poussée trop rapide des prix de l'énergie n'affecte la confiance et le revenu disponible des ménages au point d'assombrir les perspectives économiques », ajoute-t-il.
À moins que l'insurrection gagne les grands producteurs de pétroles comme l'Arabie saoudite, la situation n'aurait toutefois pas d'impact positif à long terme sur les tires à revenu fixe, croit François Dupuis. « La conséquence la plus probable demeure une hausse modérée des cours pétroliers qui gonflera encore les pressions inflationnistes internationales », fait-il mention.
Même si les tensions dans le monde arabe brouillent les cartes temporairement, la hausse de l'inflation et la fin de la détente quantitative de la Réserve fédérale américaine entraînent graduellement les obligations dans un marché baisser, selon divers économistes.
Ainsi, la remontée des taux obligataires américains devrait ainsi continuer en bonne partie en raison de la hausse des perspectives concernant la croissance économique et de l'inflation. Un autre risque favorisant une poussée des taux d'intérêt est la crise de la dette souveraine en Europe, selon Avery Shenfeld, économiste chez Marchés mondiaux CIBC.
« Dans la zone euro, l'économie est trop moribonde, ce qui résulte par un aplanissement des revenus des gouvernements, une hausse de leurs déficits et de leur dette. Cela amène une hausse des taux d'intérêt réels à cause du risque de crédit », écrit-elle dans un rapport publié lundi.
Cette progression des taux obligataires américains sera toutefois lente, selon elle. « Le rythme modéré de hausse du rendement obligataire s'explique par l'approche graduelle de la Fed dans le durcissement de sa politique monétaire, une sortie graduelle des investisseurs hors de valeurs refuges que sont les obligations gouvernementales et une anticipation de l'inflation », lit-on dans le rapport.
Dans ce contexte, la Banque Nationale Groupe financier estime que la Fed ne devrait ni prolonger ses rachats de bons du Trésor au-delà de ce qui a déjà été annoncé pour le deuxième programme de détente quantitative, ni les cesser avant d'avoir atteint les 600 G$ décidés en novembre.
« Nous pensons que cette perspective aura pour effet de faire passer le taux des bons du Trésor de trois mois à 1,22 % dans un an et à 2,42 % dans deux ans. Pour les Treasuries de dix ans, nous anticipons toujours un taux d'environ 4,17 % vers la fin de 2011 », fait mention Paul-André Pinsonnault, économiste pour le compte de Banque Nationale Groupe financier, dans un document diffusé vendredi.
Les obligations canadiennes désavantagées
La remontée plus rapide des taux d'intérêt au Canada devrait désavantager les obligations canadiennes, selon Études économiques Desjardins.
« Nous prévoyons que la Banque du Canada recommencera à remonter son taux directeur dès sa rencontre du 31 mai et que la cible des fonds à un jour pourrait atteindre 2,00 % en fin de 2011. Ce creusement important de l'écart avec le taux directeur américain risque de désavantager légèrement les titres obligataires canadiens », mentionne-t-elle dans un rapport.
Après avoir suggéré à ses clients de surpondérer les obligations provinciales le mois dernier, la Banque Nationale Groupe financier recommande maintenant prendre des bénéfices à l'approche du dépôt des budgets.
« Comme nous prévoyons un certain tassement des économies de la plupart des provinces, les ministres des Finances devront faire preuve de rigueur pour que leurs budgets répondent aux attentes des investisseurs, qui souhaitent une amélioration des situations budgétaires à court et à moyen terme », écrit Paul-André Pinsonnault.
Puisque les profits des entreprises devraient croître en 2011, la Banque Nationale Groupe financier recommande d'utiliser le produit des ventes d'obligations des provinces pour acheter des obligations du Trésor fédéral et de sociétés dans des proportions égales.