On est loin du temps où les succursales des banques ressemblaient à un lieu de culte, comme celles de la Banque Royale du Canada ou de la Banque de Montréal, rue Saint-Jacques, à Montréal. La Laurentienne préfère s'inspirer des magasins avant- gardistes pour tirer son épingle du jeu.
" Les banquiers commencent à réaliser qu'ils sont des détaillants et qu'ils doivent se comporter comme tels. Nos clients magasinent dans des boutiques très design et ils s'attendent à ce qu'on les accueillent dans un environnement comparable ", croit Luc Bernard, vice-président exécutif, services financiers aux particuliers et aux PME, de la Banque Laurentienne, en nous présentant le nouveau concept de succursales qu'il lancera officiellement à l'assemblée annuelle de la Banque, le 15 mars.
Déjà, une succursale de Québec et une de LaSalle ont adopté le nouveau design conçu par le cabinet d'architectes et de designers montréalais AEdifica. M. Bernard refuse pour l'instant de préciser combien des 157 succursales de la Banque Laurentienne seront rénovées. Il a toutefois indiqué que les travaux coûtent un million de dollars pour une succursale de 7 000 pi2. Celle de Québec mesure 15 000 pi2 et celle de LaSalle, 8 000.
De 15 à 20 % plus de ventes
Ce nouveau design devrait aussi aider la Laurentienne à recruter. " Les jeunes habitués à des boutiques ultramodernes comme celle d'Apple ne veulent pas travailler dans des succursales au design désuet ", explique M. Bernard.
En outre, un magasin rénové génère de 15 à 20 % plus d'achalandage et de ventes, et ça vaut aussi pour les banques, croit M. Bernard.
M. Bernard prévoit qu'en raison des nouvelles technologies, la part de ses revenus tirés des succursales baissera de 65 à 40 % d'ici 10 ans. Toutefois, loin de lui l'idée de négliger ses succursales.
En 2004, la Banque Laurentienne a lancé son concept boutique avec un espace café, un coin pour les enfants et un design plus moderne. " Dans les cas où il s'agissait d'une ancienne succursale adaptée en nouveau concept, nous avons observé une hausse allant jusqu'à 30 % pour ce qui est du patrimoine sous gestion. Cela varie selon la localisation et le potentiel de croissance du secteur ", indique Manon Stébenne, porte- parole de l'entreprise.
Étant donné que tout bouge très vite dans le commerce de détail, il faut refaire l'exercice. Comme il faudra le recommencer dans quelques années.
Dans les succursales nouvelle mouture, un directeur clients vous accueille dès votre arrivée. À moins que vous ne préfériez vous inscrire vous-même sur une borne interactive, en précisant vos besoins. Pas question de faire la file ; si le conseiller ne peut vous recevoir immédiatement, vous serez dirigé vers un espace lounge avec fauteuils, café et poste Internet. L'employé vous reçoit ensuite dans un petit salon, devant une table à café ; fini le grand bureau qui dressait un mur entre le client et son conseiller. Vous n'aurez plus à regarder les présentations sur le portable de votre conseiller : un écran de 45 pouces est installé dans chaque salon.
" On veut avoir l'air plus dynamique, dit M. Bernard. Nous sommes des détaillants, et nos clients veulent que nous nous inspirions des autres détaillants. "
Les clients apprécient les succursales luxueuses
Les banques canadiennes offrent toutes les mêmes services à peu près aux mêmes prix. L'aménagement des succursales peut être une façon de se démarquer, mais pas n'importe comment, affirme Jean-Charles Chebat, professeur titulaire de la Chaire de gestion des espaces commerciaux et du service à la clientèle à HEC Montréal, qui a étudié l'effet de l'atmosphère dans les succursales bancaires sur la perception des clients.
M. Chebat a analysé trois types de succursales : la traditionnelle, la luxueuse et celle de type boutique, qui comprend par exemple un espace café. Résultat : se contenter d'ajouter un poste Internet et une cafetière n'est pas une bonne idée.
" Nous avons noté peu de différence dans la perception des clients entre la succursale traditionnelle et le type boutique. Il semble que les clients des banques n'apprécient pas le mélange des genres, explique M. Chebat, qui a publié un article sur le sujet dans le Journal of Retailing and Consumer Services. Par contre, il existe une différence de perception notable entre la succursale luxueuse et la traditionnelle [au profit de la première]. "
Bien que les succursales luxueuses aient la cote auprès des clients, M. Chebat ne peut dire si l'investissement est rentable, surtout dans le contexte où les clients visitent de moins en moins souvent les succursales.