MISE À JOUR. LE DOSSIER A ÉVOLUÉ DEPUIS LE MOMENT OÙ L'ARTICLE A ÉTÉ ÉCRIT. LE SYNDICAT DE LA COPROPRIÉTÉ A CONFIRMÉ À LESAFFAIRES.COM QUE TOUS LES PROBLÈMES OCCASIONNÉS PAR LE CONTRACTEUR DONT IL EST QUESTION DANS CET ARTICLE ONT ÉTÉ RÉGLÉS. Depuis 2009, les constructeurs de condos «Anthony» Thanh Phong Nguyen et Thanh Loan Tran ont de gros problèmes d’argent. Et ils entraînent des dizaines de victimes collatérales dans leurs déboires. Des copropriétaires d’un projet bâclé ont ses créanciers aux trousses. Des sous-traitants se résignent à perdre jusqu’à 60% de leurs créances et des financiers sont en cour pour se faire rembourser.
Au 1500, rue Poirier, dans l’arrondissement Saint-Laurent, quatre copropriétaires de son projet Espace Rouge se battent pour éviter qu’un financier ne saisisse leurs trois unités. Presque tous les occupants du 1500, rue Poirier doivent se résoudre à payer des dizaines de milliers de dollars des dettes de son entreprise à ses sous-traitants.
Les deux autres chantiers que dirigeait Anthony Nguyen sont ruinés. Au 31, rue Saint-Jacques, dans le Vieux-Montréal, il aménageait des copropriétés dans un édifice historique protégé, construit en 1888. Mais l’immeuble a flambé comme un fétu de paille le 8 novembre. Le violent incendie a même forcé les journalistes du quotidien La Presse, voisin du site, à aller travailler dans une salle d’urgence.
Les pompiers ont confié une enquête aux incendies criminels, mais «rien ne confirme qu’il y a eu d’acte criminel de commis», dit Marie-Hélène Ladouceur, porte-parole de la police de Montréal. L’incendie aurait été causé par des équipements de chauffage au propane et se serait propagé jusqu’au toit par le puits d’ascenseur.
Rue Saint-Hubert, dans Villeray, Anthony Nguyen a connu d’autres graves problèmes: son projet de la Terrasse Élysée s’est effondré en 2011. L’assureur a refusé de payer les indemnités de son entreprise, Construction PLKJ, parce que la licence de son sous-traitant constructeur n’était pas en règle et que les plans de structure n’avaient pas été signés par un professionnel autorisé. Finalement, un créancier, HMT Holdings inc., reprend le projet et tâche de le mener à terme.
Lisez notre dossier complet sur le problème des hypothèques légales dans la copropriété au Québec dans l'édition du 22 juin du journal Les Affaires.
«Quand ça va mal, ça va mal»
«Quand ça va mal, ça va mal»
Questionné par LesAffaires.com sur tous ses déboires, Anthony Nguyen a peu d’explications à fournir. «Quand ça va mal, ça va mal, c’est tout!» dit-il.
Selon lui, ses problèmes ont véritablement commencé quand son projet de la rue Saint-Hubert s’est effondré. «Les assurances ne payaient pas, et tout le monde a commencé à paniquer», dit-il. Il blâme particulièrement deux de ses financiers qui ont rappelé leurs prêts de construction à l’époque: le gynécologue George Hager et la Corporation de prêts hypothécaires Ace, en partie détenue par le député libéral fédéral Irwin Cotler. «Une gang de fous!» selon lui.
En fait, selon les registres fonciers, les problèmes semblent plutôt avoir commencé en 2009, quand Revenu Québec a enregistré une hypothèque légale de 86 129 $ sur des propriétés personnelles d’Anthony Nguyen, rues Berri et Saint-Denis.
Quant aux problèmes qu’il a connus dans le Vieux-Montréal, il refuse d’en parler: «Ce n’est pas de vos affaires, dit-il. Il y a eu un sinistre.»
Aujourd’hui, Anthony Nguyen se bat en cour pour éviter de rembourser George Haber. Son avocat, Éric De Louya, plaide qu’il n’a pas à rembourser le prêteur, puisque PLKJ lui aurait construit une maison en échange du soi-disant prêt, ce que George Haber nie en cour.
Projet sinistré
Projet sinistré
Pendant ce temps, rue Poirier, des dizaines de défauts de construction et de dommages doivent encore être réparés. En graves difficultés financières, PLKJ a bâclé le projet. L’Association provinciale des constructeurs du Québec achève de faire corriger une première réclamation : 450 000 $ pour des problèmes de plomberie, de ventilation, de chauffage et isolation déficients, d’ascenseurs, de planchers, d’issues non conformes, de séparations coupe-feu… Le syndicat de copropriété vient de faire une deuxième réclamation pour des problèmes de plomberie, d’électricité, d’isolation et de finition intérieure.
En plein hiver 2011, Hydro-Québec a coupé l’électricité dans les condos invendus de la rue Poirier. Ils appartenaient toujours à PLKJ… qui ne payait pas ses factures. Avec le froid, des tuyaux ont éclaté et l’immeuble a été inondé : 248 000 $ de dommages.
En outre, les copropriétaires reçoivent des hypothèques légales des sous-traitants de PLKJ. Les problèmes du constructeur ont coûté des dizaines de milliers de dollars à ses sous-traitants, comme l’explique Les Affaires dans un dossier de l’édition du 22 juin sur les hypothèques légales dans la copropriété. Plus d’une vingtaine d’entrepreneurs en construction et cinq prêteurs ont enregistré des garanties sur ses unités et ses constructions pour se faire rembourser.
Certains recours font cependant sourciller les copropriétaires qui les reçoivent. Comme celle qu’Hélène Lashmar a reçue du Groupe Alcon d’Ali Bakkar. Cette entreprise a longtemps eu la même adresse que PLKJ. Et Ali Bakkar est aussi président d’AZ Construction, qui construisait l’immeuble de Saint-Hubert sans permis avant son effondrement.
Alcon a réclamé pas moins de 272 000 $ à Hélène Lashmar, soit sa créance au complet pour des travaux dans l’ensemble de l’immeuble. Son avocat a fait annuler la garantie. «C’est totalement illégal de mettre une dette au complet sur mon dos», dit-elle. Ali Bakkar n’a pas rappelé LesAffaires.com.
Financé par la notaire
Financé par la notaire
Plusieurs autres faits troublant font sourciller copropriétaires, sous-traitants et financiers qui subissent les problèmes d’Anthony Nguyen, dont ses relations avec la notaire Thi Ngoc Nguyen.
L’officier légal a signé la déclaration de copropriété et une grande partie des actes de vente entre le constructeur et les copropriétaires, ainsi que certains actes hypothécaires avec les prêteurs de PLKJ. Mais elle est aussi elle-même créancière de l’entreprise : en 2009 et 2011, elle a enregistré trois garanties totalisant 700 000 $ sur des propriétés du constructeur.
Contrairement aux autres financiers d’Anthony Nguyen, elle n’a cependant enregistré aucune hypothèque légale contre lui.
Sans se prononcer sur ce cas précis, le président de la Chambre des notaires est catégorique: un officier légal qui se met dans cette situation est clairement en conflit d’intérêts. «C’est un bris d’impartialité assez important», dit Jean Lambert. Dans un tel cas, la notaire «se place dans une situation où il n’aura pas tout le désintéressement que sa situation exige».
Les copropriétaires reprochent aussi à Thi Ngoc Nguyen de ne pas les avoir prévenus que des problèmes risquaient de survenir dans ce projet non complété. Certains ont même acheté des copropriétés qui étaient déjà grevées par des hypothèques légales de construction.
Hélène Lashmar a d’ailleurs porté plainte contre Thi Ngoc Nguyen devant la Chambre des notaires. Mais en juin 2012, le syndic de l’organisme a refusé d’enquêter, faute de preuves.
Thi Ngoc Nguyen n’a pas rappelé LesAffaires.com.