Le conseil d'administration du Groupe TMX a changé son fusil d'épaule et décidé d'appuyer l'offre de rachat de 3,8 milliards $ dont il fait l'objet, une proposition qui ferait passer la propriété de la Bourse de Toronto aux mains d'un groupe de banques, de sociétés d'assurances et de régimes de retraite.
Mais l'offre de rachat du Groupe Maple _ un consortium de 13 institutions financières et régimes de retraite canadiens _ pourrait éprouver de la difficulté à obtenir les approbations réglementaires dont elle a besoin pour se concrétiser.
Les autorités fédérales et provinciales doivent toujours déterminer si la structure de propriété proposée constituerait un monopole qui nuirait aux plus petits opérateurs de la Bourse de Toronto.
Selon le chef de la direction du Groupe TMX, Thomas Kloet, le conseil prévoit maintenant travailler "main dans la main avec nos amis de Maple" pour convaincre les autorités réglementaires du bien-fondé de la proposition pour tous les joueurs des marchés canadiens.
"Cette entente est une excellente voie d'avenir pour les marchés de valeurs mobilières du Canada, pour nous aider du point de vue de la concurrence, tant nationale qu'internationale", a-t-il déclaré lors d'une conférence téléphonique. "Nous sommes impatients d'aller de l'avant."
Le conseil du Groupe TMX avait initialement approuvé, plus tôt cette année, une fusion avec les propriétaires de la Bourse de Londres (London Stock Exchange, ou LSE) et rejeté l'offre du Groupe Maple en invoquant des problèmes de dette, de concurrence et d'exigences réglementaires.
Mais le conseil a commencé a s'intéresser davantage à l'offre de Maple après qu'un nombre insuffisant d'actionnaires eurent accepté la proposition du LSE _ jugeant l'offre de Maple plus généreuse. Les deux parties sont en discussions depuis près de quatre mois.
Dossier étudié à Ottawa et à Québec
Entre-temps, le consortium a présenté sa proposition d'affaires à quatre autorités réglementaires provinciales, ainsi qu'au Bureau de la concurrence du Canada.
L'avenir du TMX est un dossier important non seulement sur Bay Street, mais aussi à Ottawa, où la proposition précédente avec la Bourse de Londres avait soulevé certaines craintes quant au contrôle qu'aurait pu exercer une société étrangère sur une institution canadienne.
Maple devra obtenir certaines approbations réglementaires pour fusionner le propriétaire de la Bourse de Toronto avec le système d'échanges alternatif Alpha et la firme de services de dépôt et de compensation CDS.
Alpha et CSD sont détenus par d'importants joueurs de l'industrie canadienne des valeurs mobilières, dont plusieurs font partie du consortium Maple.
Le ministre des Finances du Québec, Raymond Bachand, a aussi indiqué suivre le dossier avec beaucoup d'intérêt. "Ce qui m'importe, c'est d'avoir un système efficace au Canada et que le Québec, particulièrement sur les produits dérivés _ la Chambre de compensation, ça c'est notre spécialité _ que ce soit développé à Montréal au cours des prochaines années", a-t-il commenté en marge d'une conférence de presse sur un autre thème, à Montréal.
M. Bachand a confirmé qu'avant de se concrétiser, la transaction devrait recevoir l'aval de plusieurs autorités. "Il y aura des audiences de l'Autorités des marchés financiers (du Québec) au cours des prochaines semaines, en novembre, comme il y en aura en Alberta et en Ontario. Alors espérons que l'ensemble se poursuive de façon satisfaisante."
Un modèle qui a "fait ses preuves"
Certaines firmes indépendantes s'inquiètent du rôle que pourront jouer les banques dans la nouvelle entité et se demandent si elles auront toujours un accès efficace et juste aux services nécessaires aux transactions.
Les plus critiques jugent que la transaction créera un monopole virtuel, ce qui pourrait entraîner des hausses de coûts et créer des problèmes au niveau de l'application des réglements et de la transparence.
Luc Bertrand, porte-parole du Groupe Maple, note que le modèle intégré que propose son groupe a déjà connu du succès à l'étranger et peut fonctionner au Canada.
"C'est un modèle d'affaires estimé qui a fait ses preuves qui, nous le croyons tous, peut créer une valeur significative pour le Groupe TMX."
L'ancien patron de la Bourse de Montréal a assuré des firmes indépendantes que les structures d'établissement de prix ne favoriseraient pas les propriétaires des marchés boursiers.
"Nous devons faire rouler cette entreprise de telle sorte qu'elle raffermisse la confiance envers les marchés des capitaux, sans laquelle nous ne pouvons, et ne pourrons, pas réussir", a poursuivi M. Bertrand.
Il croit en outre que que les firmes indépendantes seront un jour d'accord pour dire que la création d'un plus grand groupe boursier au Canada était une "idée géniale".
Les actions du Groupe TMX (TSX:X) s'échangeaient toujours en-dessous du niveau de l'offre de Maple lundi après-midi, ce qui laisse croire que certains investisseurs pourraient être sceptiques quant à la probabilité de voir l'entente recevoir les approbations nécessaires.
Le titre de la société prenait néanmoins 1,44 $ pour se transiger à 43,80 $ à la Bourse de Toronto.
L'offre prévoit que Maple versera 50 $ par action en espèces pour entre 70 et 80 pour cent des actions du Groupe TMX, tandis que le reste des actions sera échangé contre une participation dans Maple.
En présumant que le maximum de 80 pour cent des actions du Groupe TMX seront rachetées en espèces, les anciens actionnaires du Groupe TMX détiendront 27,8 pour cent de Maple.
Date d'expiration reportée de nouveau
Le Groupe Maple est confiant d'obtenir les approbations nécessaires à la transaction d'ici le début de l'an prochain, a indiqué M. Bertrand.
Cependant, le groupe a de nouveau reporté la date d'expiration pour permettre aux actionnaires de leur céder leurs titres, ce qu'ils devaient précédemment faire jusqu'au plus tard lundi. Ils auront désormais jusqu'au 31 janvier pour le faire, une date qui pourrait ensuite être reportée au 30 avril si plus de temps est nécessaire pour obtenir les approbations réglementaires, a précisé M. Bertrand.
Le Groupe TMX est propriétaire de la Bourse de Toronto et de la Bourse de croissance TSXV, ainsi que de la Bourse de Montréal.
Les investisseurs du Groupe Maple comprennent l'Alberta Investment Management Corporation, la Caisse de dépôt et placement du Québec, la Compagnie d'Assurance-Vie Manufacturers (TSX:MFC), la Financière Banque Nationale (TSX:NA), le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec, GMP Capital (TSX:GMP), Marchés financiers Dundee, Marchés mondiaux CIBC (TSX:CM), le Mouvement Desjardins, l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada, du Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario, Scotia Capitaux (TSX:BNS) et des Valeurs mobilières TD (TSX:TD).
Des discussions ont aussi cours avec la Banque Royale (TSX:RY) et la Banque de Montréal (TSX:BMO) pour les intégrer à Maple. Les deux institutions agissaient à titre de conseillers pour la proposition de fusion avec le LSE.
"Les pourparlers avancent bien", a noté à ce sujet M. Bertrand, qui se dit "personnellement confiant" de voir les deux banques se joindre à l'opération.
L'entente avec le conseil de TMX comprend un frais de résiliation de 39 millions $, qui sera déboursé à la société si jamais elle devait ne pas obtenir les approbations réglementaires ou l'appui de ses actionnaires.