La Bourse de Montréal a un problème. Elle a vendu des contrats à terme pour une denrée qui n'a jamais été créée : des crédits canadiens de gaz à effet de serre.
Ces produits financiers ressemblent aux " futures " négociés sur le pétrole : on fixe tout de suite le prix d'une denrée livrée plus tard. L'acheteur fait le pari que son prix montera et qu'il est à son avantage d'en geler le coût.
Si c'est facile pour l'or noir - n'importe quel courtier peut trouver la marchandise et la livrer une fois le contrat arrivé à terme -, ce n'est pas le cas des crédits de gaz à effet de serre (GES), car le gouvernement canadien n'a jamais honoré sa signature du protocole de Kyoto.
Ces contrats arriveront à échéance en 2011, aux mois de mars et juin. En attendant, le vice-président principal, Marchés financiers de la Bourse de Montréal, se casse la tête. Quel prix payer aux investisseurs les ayant achetés ?
" On a six mois pour trouver une solution. Je ne sais pas encore comment on va régler ça ", a dit Claude Cyr, rencontré à la conférence sur le marché du carbone, organisée par Les Affaires.
Les sommes en jeu sont modestes. Le Marché climatique de Montréal (MCeX) - une coentreprise avec le Chicago Climate Exchange, dirigée par le Groupe TMX, propriétaire de la Bourse de Montréal - a négocié 269 contrats portant chacun sur la livraison de crédits pour 100 tonnes de GES depuis mai 2008. Au plus fort du marché, à l'automne 2008, ces contrats valaient un maigre 356 425 $. Bientôt, ils ne vaudront plus rien.
Le MCeX remet ça
Malgré les déboires du Marché climatique, la Bourse de Montréal songe sérieusement à lancer un autre produit de contrats à terme concernant les GES, dit M. Cyr. Cette fois-ci, ils seraient associés aux crédits émis par les membres de la Western Climate Initiative (WCI).
Cette organisation - qui comprend sept États américains et quatre provinces canadiennes, dont la Californie, le Québec et l'Ontario - ont décidé de ne pas attendre les gouvernements fédéraux plus longtemps. La Bourse de Montréal veut mettre sa technologie et son savoir-faire en matière d'échanges de produits dérivés à leur service.
En 2011, dans les juridictions membres de la WCI, toutes les installations qui émettent annuellement 10 000 tonnes de GES et plus d'équivalent CO2 (éq. CO2) devront les déclarer dans un registre. Quant aux usines émettant 25 000 tonnes d'éq. CO2 et plus, elles se verront attribuer un plafond d'émissions en 2012 et devront dès lors commencer à les réduire... ou à acheter des crédits si elles n'y arrivent pas.
Pour permettre les échanges de crédits, les ministères de l'Environnement devront choisir une institution capable de mettre au point une plateforme d'échanges et un marché dérivé de contrats à terme pour en revendre et en racheter. La Bourse de Montréal voudrait que toutes les juridictions membres la choisissent, y compris la Californie, avec ses 36,5 millions d'habitants, et les autres États américains du regroupement.
L'Ontario est ouvert à l'idée. " Aucune décision n'a été prise, dit Kate Jordan, une porte-parole du ministère de l'Environnement à Toronto. L'institution que nous choisirons devra être en mesure de faire de la négociation de valeurs mobilières et être réglementée. "
Plusieurs membres de la WCI ont déjà légiféré pour concrétiser leur entrée dans ce marché nord-américain. C'est le cas du Québec, qui veut diminuer ses émissions de 20 % sous le niveau de 1990, d'ici 2020.
En moyenne, les États et les provinces membres - qui rassemblent près de 85 millions d'habitants - devront diminuer leurs émissions de 15 % sous le niveau de 2005, d'ici 2020.