Cela faisait trois ans que BCF «flirtait» avec des avocats de Heenan Blaikie. Sa patience a été récompensée, puisqu'une trentaine d'avocats du cabinet maintenant dissous ont traversé la rue Stanley.
«Dès que nous avons appris les problèmes de Heenan Blaikie, il y a trois ans, nous avons commencé à parler à des avocats susceptibles de renforcer nos équipes», affirme P. Mario Charpentier, associé directeur de BCF.
Stephen D. Hart a d'ailleurs quitté Heenan il y a environ deux ans pour rejoindre les rangs de BCF, alors que Claude Paquet, qui vient tout juste d'arriver chez BCF, s'est laissé courtiser pendant plus de trois ans. Et BCF n'a pas fini de magasiner. «Heenan n'est pas le seul cabinet national à avoir des problèmes ; d'autres vont tomber», soutient André Morrissette, associé et président du conseil de BCF, fondé il y a 19 ans.
Les deux hommes refusent de nommer les cabinets qui chancellent, mais ils ont déjà repéré les professionnels qui pourraient ajouter du punch à leurs équipes. MM. Charpentier et Morrissette croient que les problèmes de Heenan et d'autres cabinets proviennent de la course folle des cabinets pour effectuer des mégatransactions internationales.
«Officiellement, les cabinets disent qu'ils se joignent à des cabinets internationaux pour mieux servir leurs clients. C'est faux, les structures internationales servent les intérêts des cabinets, pas de leurs clients», affirme M. Morrissette.
Dans leur quête pour concurrencer les grands cabinets européens et américains, de grands acteurs nationaux ont établi des partenariats avec des cabinets internationaux. Ogilvy Renault est devenue Norton Rose, Fraser Milner est maintenant Dentons, etc.
«À force de chercher la masse critique pour avoir accès aux grandes transactions internationales, Heenan a fini par perdre son âme», estime M. Charpentier.
«Avant, les grands cabinets de Montréal appelaient à Toronto pour faire approuver leurs décisions ; maintenant, ils appellent à New York ou à Londres», dit M. Morrissette.
Rester un cabinet de niche
À l'inverse de ces bureaux nationaux, BCF se vante d'être et de vouloir rester un bureau régional, c'est-à-dire québécois. Avec 215 professionnels (avocats, notaires, syndics, etc.), MM. Charpentier et Morrissette estiment avoir atteint la taille idéale. Si BCF recrute des vedettes d'autres cabinets, certains devront partir. Parce qu'au Québec, un cabinet régional peut difficilement compter plus de professionnels sans augmenter les risques de conflits d'intérêts.
«Aujourd'hui, il faut avoir une niche», croit M. Charpentier, qui définit BCF comme un cabinet mid-market, c'est-à-dire ciblant des transactions de 500 millions de dollars ou moins.
BCF a deux bureaux, à Montréal et à Québec, et il n'est pas question d'en ouvrir d'autres. Pas question non plus, vous l'aurez compris, de s'intégrer à une structure internationale contraignante. «Quand un client a besoin d'un service à l'étranger, je n'ai pas les mains liées par des partenariats et je peux donc choisir le meilleur cabinet dans ce pays», explique M. Charpentier.
Des 30 avocats recrutés chez Heenan, la moitié sont devenus d'office associés de BCF. Ces avocats, de grande réputation, ont sans doute été sollicités par plusieurs cabinets. Pourquoi ont-ils choisi BCF ? Nos deux interlocuteurs énumèrent plusieurs raisons : le fait que ce soit un bureau québécois, avec un centre décisionnel au Québec ; qu'il soit «sans complexe» et «plus entrepreneurial que les grands cabinets» ; qu'il ait «une structure tarifaire respectueuse» des clients.
Comment BCF a réussi à attirer Marcel Aubut
Ils estiment aussi que c'est la flexibilité de BCF qui lui a permis de recruter l'avocat vedette Marcel Aubut. Après avoir reçu un appel de Claude Paquet l'informant que «c'était le temps de parler à Marcel», la direction de BCF n'a fait ni une ni deux et l'a rencontré le 31 janvier, cinq jours avant la dissolution, à l'hôtel Le Crystal Montréal, rue de la Montagne. «Le temps pressait, parce que Marcel avait plusieurs options devant lui», dit M. Morrissette.
De fait, quatre jours plus tard, le mercredi, après plusieurs rencontres et communications entre les deux parties et quelques réunions du conseil de BCF, l'affaire était conclue. «Ça nous a permis de devancer certains cabinets dont les décisions se prennent à l'étranger», lance M. Charpentier.