La demande domestique des marchés émergents constitue le principal moteur de croissance dont les investisseurs devraient tenter de profiter.
C'est ce qu'a soutenu Arjun Divecha, président du conseil de la firme d'investissements GMO à l'occasion de la Conférence de Montréal du Forum économique international des Amériques, lundi.
D'après lui, les investisseurs ont avantage à profiter des tendances démographiques qui touchent ces pays. En effet, dans plusieurs marchés émergents, le ratio de dépendance, soit la proportion de personnes en âge d'être dépendant d'autrui, comme à l'enfance ou durant la vieillesse, tend à diminuer. Résultat : ces gens dans la force de l'âge sont particulièrement enclins à dépenser.
Ce ne sont toutefois pas tous les gens dans la force de l'âge qui accroissent leurs dépenses. Selon son évaluation, les populations des pays où le produit intérieur brut par habitant se situe dans une fourchette de 3000 $ US à 10 000 $ US sont les plus susceptibles de se mettre à épargner moins et dépenser davantage leurs avoirs.
« Quand les gens pauvres deviennent plus riches, la première chose qu'ils font est d'épargner plus. Mais quand ils atteignent un niveau plus élevé de revenu, le taux d'épargne atteint un sommet et se met à diminuer : tu te sens plus riche, tu n'as pas à épargner autant. Cette fourchette idéale se situe lorsque le PIB se chiffre de 3000 $ US à 10 000 $ US et 41 % des marchés émergents s'y retrouvent », observe-t-il.
Les tendances cumulées de la démographie et de l'enrichissement des marchés émergents devraient stimuler la demande domestique de ces pays, ce qui constitue une occasion d'investissement.
Pour profiter de l'industrie de la consommation de base, Arjun Divecha suggère par exemple d'investir d'abord dans les distributeurs locaux dont le réseau est déjà établi et qui sont profitables. Selon lui, si Walmart voulait s'établir en Inde, elle peinerait à se bâtir un tel réseau qui serait profitable. C'est pourquoi le géant de la distribution tentera de croître par acquisition dans ces pays, fait-il mention.
Pour profiter de la croissance dans les marchés émergents, Arjun Divecha n'est pas en faveur de miser sur les exportateurs ou sur les producteurs de ressources naturelles. « Les exportateurs dépendent de la croissance mondiale et ce qui se passe aux États-Unis, en Europe ou au Japon. Or, il est difficile de s'imaginer qu'il y aura une forte croissance dans ces pays d'ici cinq ou 10 ans. Ils ne sont donc pas si attrayants. De côté des producteurs de commodités, leur performance dépend du prix des commodités. Selon nous, il est difficile de prédire le prix des commodités », souligne-t-il.
Diluer le risque
Par ailleurs, les marchés émergents constituent une occasion de diversifier les actifs des clients, a fait valoir Philippe Maystadt, président de la Banque européenne d'investissement. En effet, les marchés émergents sont de moins en moins vulnérables aux fluctuations des économies développées.
« Les marchés émergents ont développé une certaine résilience. Celle-ci provient à la fois de la demande domestique qui leur permettent de développer leur propre momentum que des échanges entre les pays émergents eux-mêmes », a-t-il déclaré.
Cette résilience a contribué à l'accroissement des rentrées de fonds dans les pays émergents. Or, ces injections sont à la fois une bénédiction et une malédiction, selon Philippe Maystadt. D'une part, ils permettent une source importante de flux financiers et d'échanges commerciaux. Cependant, ils amènent notamment de l'inflation et fragilisent le système financier domestique en le rendant vulnérable à une chute rapide à court terme, comme celle survenue en 2008.
Il reste que, d'après lui, l'investissement dans des actifs productifs comme les infrastructures routières ou portuaires par exemple demeure positif à long terme, permettant au pays de diminuer ses coûts d'exportation ou d'importation aux profits des commerçants.
BRIC
Les panélistes ont aussi souligné certains enjeux qui touchent certains pays du BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine). Représentant quelque 40 % du PIB de l'Amérique latine, le Brésil est une occasion puisque la nation profite de la forte demande mondiale en commodités et que d'une demande domestique florissante en raison du développement du crédit, selon Eduardo Loyo, associé et économiste en chef chez BTG Pactual.
Quant à la Chine, dont la population commence à ressentir les effets de la politique d'un enfant par famille, Arjun Divecha ne s'inquiète pas outre mesure d'un manque de main-d'œuvre qui limiterait sa croissance. D'après lui, l'urbanisation de l'est du pays stimulée par d'importants mouvements migratoires devrait compenser le vieillissement de sa population.
Il demeure également optimiste quant aux risques de bulle immobilière. Selon Arjun Divecha, le faible endettement public laisse au gouvernement chinois la marge de manœuvre pour un éventuel sauvetage.
La proportion supérieure d'hommes par rapport aux femmes en Inde et en Chine présente enfin des occasions selon Simon Ogus, directeur général et fondateur de DSG Asia Chine. D'après lui, les industries militaire, de la pornographie et celle qui vise la clientèle gaie profiteront de ce déséquilibre.