Il a fallu que Louise Richer soit conviée à prononcer une conférence à l’événement Femmes Leaders, en mai, pour qu’elle prenne conscience de sa qualité d’entrepreneure et de gestionnaire. Et pourtant. L’humoriste et comédienne a créé de toutes pièces l’École nationale de l’humour, l’a défendue contre tous ceux – nombreux – qui remettaient son existence en question et en a fait une institution reconnue, respectée… et sérieuse.
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Aujourd’hui, plus personne ne conteste la pertinence de l’école qu’elle dirige depuis 26 ans et d’où est issue la crème des humoristes et créateurs, dont Martin Matte, Louis-José Houde, Cathy Gauthier, François Morency, Laurent Paquin et Louis Morissette. Quelque 81 % des diplômés en création ou en écriture humoristique travaillent dans le domaine, sur la scène bien sûr, mais aussi en publicité, au cinéma, à la télévision, à la radio, dans l’imprimé et en enseignement.
Bien plus qu’un établissement d’enseignement, l’École est devenue sous la gouverne de Louise Richer un chef de file de la réflexion sur l’humour dans la société. « L’humour est un miroir de la société, une composante identitaire, un lubrifiant social », dit celle que l’on surnomme « la marraine de l’humour ». Elle a créé en 2011 l’Observatoire de l’humour qui réunit des universitaires et des praticiens, dont la mission consiste à archiver le patrimoine humoristique et à apporter un éclairage sociologique, scientifique, historique et féministe sur l’humour.
L’humour en affaires
Pour Louise Richer, l’humour est aussi un puissant outil de communication et de créativité qui peut jouer un rôle stratégique dans un contexte d’affaires. « Il améliore la diffusion et la pénétration des messages. Il facilite la résolution de problèmes. Il favorise l’émergence des idées. Il suscite l’engagement, brise les tensions, diminue les résistances au changement. »
L’École offre des formations en entreprise sur la créativité, les pouvoirs de l’humour. Elle a aussi réalisé pour la Société de l’assurance automobile du Québec une série (cpasdesfarces) de sept capsules Web sur la sécurité routière (alcool au volant, vitesse, textos, etc.). Et elle est en discussion avec une grande entreprise pour concevoir des vidéos sur la santé et sécurité au travail.
« Jusqu’ici, nous avons surtout répondu aux demandes, mais nous passerons bientôt à l’offensive », explique celle qui, à 61 ans, vient d’entreprendre le prestigieux EMBA McGill – HEC Montréal, notamment pour mettre au point un plan de développement des services aux entreprises. « Nous faisons des miracles avec presque rien, mais ça ne peut plus durer, ajoute-t-elle. Il faut diversifier et augmenter nos revenus. »
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Difficile de croire que l’École fonctionne avec cinq employés permanents et un maigre budget annuel de 1,2 million de dollars ; le tiers provient de financement public (ministère de la Culture et des Communications et Patrimoine canadien) et le reste, de revenus autonomes et de dons.
En plus de développer les services aux entreprises, Louise Richer mise sur la générosité de celles-ci. Les dons représentent 15 % des revenus de l’École et proviennent presque tous d’entreprises de l’industrie culturelle, comme les radiodiffuseurs et les boîtes de production. « Les gens d’affaires des autres domaines soutiennent le théâtre, la danse, le cinéma, l’art contemporain. Pourquoi pas l’humour ? L’École nationale de l’humour est une belle réalisation québécoise. »
La personnalité qui l’inspire
Monique Simard, l’ancienne vice-présidente de la CSN, aujourd’hui présidente de la Société de développement des entreprises culturelles du Québec. C’est une battante qui bouscule et qui n’a pas la langue de bois, mais qui fait aussi évoluer les pensées.
Son plus grand défi
Convaincre les gens de la nécessité d’une école de l’humour. Ce n’était pas une idée saugrenue, comme plusieurs le prétendaient à l’époque. Je travaillais alors aux Lundis des Ha ! Ha ! et j’étais à même de constater combien les humoristes avaient besoin de soutien et d’accompagnement. Les dix premières années de l’École, j’ai constamment dû prendre mon bâton de pèlerin pour défendre sa légitimité. Puis, le succès de nos finissants a fini par parler pour nous. Mais il y a 12 ans encore, j’ai dû justifier la subvention de 650 000 $ reçue pour aménager nos locaux. On disait que l’argent était donné à une école de bouffons !
Le projet qui l’anime
Travailler pour le futur en bonifiant les services aux entreprises. J’ai décroché une bourse pour m’inscrire au EMBA Mc-Gill – HEC Montréal, et ce programme m’aidera à y arriver. Je comprendrai mieux les enjeux des entreprises et je pourrai mettre l’École sous le microscope. Ce MBA me force à arrêter pour réfléchir et développer des stratégies. Comme gestionnaire, on a trop peu de temps pour ça !
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