Francine Guay se souvient encore de la réaction des banquiers lors de la première année d'existence de Moules Industriels, une entreprise de fabrication de pièces automobiles qu'elle a créée à parts égales avec son conjoint Claude Houle en 1984, à Sherbrooke. «Chaque fois que je visitais une institution financière, les conseillers me demandaient poliment de revenir les voir... en compagnie de M. Houle», rapporte l'entrepreneure. Avec le temps, les banquiers ont fini par changer d'attitude et saisir que c'est elle qui s'occupait des finances.
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Cette anecdote la fait sourire aujourd'hui. Mais elle rappelle combien la notion de secteurs d'activité réservés aux hommes ou aux femmes était bel et bien une réalité tangible il n'y a pas si longtemps. «Et bien qu'on souhaiterait dire le contraire, cette notion persiste toujours dans certains domaines», soulève Louis Jacques Filion, professeur titulaire de la Chaire d'entrepreneuriat Rogers-J.-A.-Bombardier à HEC Montréal.
«Cela dit, l'évolution de notre société contribue à faire disparaître les barrières entre les sexes en milieu entrepreneurial», poursuit le professeur Filion.
Quatre questions fondamentales
Jean-François Lalonde, professeur adjoint au Département de management de l'Université de Sherbrooke, partage le même avis. «Il existe encore des secteurs d'activité féminins et masculins en entrepreneuriat. Il faut toutefois préciser que le choix du secteur relève davantage des intérêts personnels de l'entrepreneur que d'une discrimination en fonction des sexes», précise l'enseignant. M. Lalonde est également administrateur et directeur pour la région du Québec du Conseil canadien de la PME.
Que le futur entrepreneur soit un homme ou une femme, poursuit M. Lalonde, cette personne doit se poser quatre questions fondamentales avant de se lancer en affaires : qui est-elle ? qu'aime-t-elle ? que connaît-elle ? et qui connaît-elle ?
«Les réponses obtenues vont guider les futurs entrepreneurs vers des secteurs d'activité pour lesquels ils ont développé ou développeront plus d'affinités», ajoute Jacques Baronet, professeur titulaire responsable du management à la Faculté d'administration de l'Université de Sherbrooke. Par conséquent, il est fréquent de voir les entrepreneures se tourner vers des secteurs d'activité dans le domaine des services, observe M. Baronet.
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Un partenaire pour élargir le spectre
Auteure du livre Vie de femme dans un métier d'hommes, l'architecte et urbaniste Marie-Louise Roy a l'occasion de fréquenter régulièrement des entrepreneures au sein de ses réseaux d'activité. Elle constate que la majorité de celles-ci évoluent effectivement dans le domaine des services. Une caractéristique qu'elle associe aux femmes qui se sont lancées seules en affaires.
«Ces femmes voudront, la plupart du temps, créer une entreprise qui répond d'abord à leurs besoins personnels et familiaux», note Mme Roy. Elle cite en exemple les boutiques pour bébés, la fabrication de barres tendres sans noix... Plusieurs de ces femmes, dit-elle, ont noté qu'il manquait un produit sur le marché pouvant leur venir en aide ou aider leurs enfants.
Par ailleurs, les femmes qui ont un partenaire d'affaires ont tendance à élargir le spectre du choix de leur secteur d'activité, poursuit Mme Roy. Les cas de Lena Swennen (voir p. 20) et de Francine Guay en font la démonstration. Ces femmes, toutes deux présidentes d'une entreprise industrielle, avouent qu'elles auraient pu fonder n'importe quel type de sociétés avec leur conjoint. «C'était avant tout un projet de couple», maintient Francine Guay.
Pour le professeur Lalonde, Lena Swennen et Francine Guay, qui ont hérité du volet administratif, ne font qu'illustrer une tendance observée dans les entreprises relevant de secteurs d'activité plus complexes. «Les entreprises, notamment dans les secteurs technologiques et scientifiques, sont propices aux partenariats d'affaires. Ce sont des entreprises où l'on retrouve généralement deux associés, dont un présente un profil administratif et l'autre, un profil plus technique», explique M. Lalonde.
Enfin, il ne faudrait pas oublier la catégorie des entrepreneures «Obélix», insiste l'architecte Marie-Louise Roy. Une catégorie qui inclut, entre autres les cas de relève en entreprise. Ces entrepreneures sont, dit-elle, tombées dans la «potion magique» dès leur jeune âge. «Elles ont grandi dans un environnement qui les ont exposées à des carrières, sans voir de barrière entre les sexes. Qu'elles se lancent en affaires seules ou avec un partenaire, ce sont leurs expériences de vie qui les influencent à choisir un secteur d'activité conventionnel ou non», conclut Mme Roy.
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Entreprendre au féminin
Dans cette grande série, qui paraît toutes les deux semaines, nous vous présentons le parcours d'entrepreneures de tous horizons, nous examinons des enjeux liés à l'entrepreneuriat féminin, et nous donnons la parole à de grandes personnalités féminines du milieu des affaires québécois.
Présenté par Desjardins, avec la collaboration de Femmessor, la Caisse de dépôt et placement du Québec et PwC