BLOGUE. Il est illusoire de tenter d’investir dans les entreprises que l’on considère comme des cibles potentielles d’OPA (offre publique d'achat). Même si notre raisonnement peut être très bon et que l’on réussit à identifier quelques entreprises, il faut parfois attendre des années avant que notre raisonnement soit récompensé par une OPA.
Néanmoins, certaines entreprises sont plus susceptibles d’être achetées que d’autres. À mon avis, les critères qui augmentent cette probabilité sont les suivants :
1- Une évaluation attrayante. Les acheteurs potentiels sont évidemment très au fait du prix à payer pour une entreprise convoitée. La majorité des entreprises publiques tentent de rendre leurs acquisitions rentables dès la première journée ou au moins à l’intérieur d’une période d’un an ou deux. Les banques d’affaires dont la stratégie sera de revendre l’entreprise achetée quelques années plus tard tentent de payer le moins cher possible afin de maximiser leur éventuel profit.
2- Un bilan solide. L’acquéreur finance généralement une acquisition principalement par la dette, surtout ces jours-ci alors que cette dernière coûte très peu cher. L’achat d’une cible dont le bilan est peu endetté, voire qui détient beaucoup d’encaisse, peut aisément être financé par la dette, ce qui rend l’acquisition beaucoup moins dispendieuse pour l’acquéreur.
3- Une taille raisonnable. Il est relativement facile de financer l’acquisition d’une entreprise telle Astral qui coûtera près de 3,0 milliards $ à Bell. Par contre, les très grandes entreprises sont beaucoup moins susceptibles d'être achetées. Il est difficile de croire qu’une entreprise comme Apple dont la valeur boursière approche les 550 milliards $ pourrait être achetée. Mêmes constats pour GE ou Wal-Mart.
4- Une position concurrentielle attrayante ou un atout stratégique. En mettant la main sur Astral, Bell se donne les outils pour augmenter sensiblement le contenu télévisuel qu’elle pourra offrir à ses clients. Une entreprise en acquiert une autre pour accéder à un nouveau marché, pour mettre la main sur une nouvelle technologie, pour compléter son offre de produits ou de service ou pour s’intégrer verticalement.
5- Un contrôle dispersé ou des actionnaires de contrôle motivés. Il est plus facile de mettre la main sur une entreprise dont aucun actionnaire ne détient le contrôle des votes. Lorsque c’est le cas, le manque de relève peut devenir un catalyseur d'une vente – c’est probablement un des facteurs qui a poussé M. Greenberg à accepter de vendre Astral.
De futures cibles d’OPA?
Cela dit, d'autres entreprises canadiennes pourraient-elles suivre l’exemple d’Astral? Voilà un exercice purement théorique, mais j’en entrevois quelques-unes :
Reitmans. La société est la plus grande chaîne canadienne de boutiques de vêtements pour femmes avec une présence pan-canadienne et des bannières reconnues. Le secteur est déprimé présentement alors que le marché canadien devient de plus en plus concurrentiel avec l’entrée récente de plusieurs joueurs étrangers. Reitmans demeure pourtant très rentable et en excellente santé financière avec un bilan qui affiche une encaisse nette de 218,7 M$. De plus, M. Jeremy Reitman, principal actionnaire et détenteur des actions multi-votantes de la société, est aujourd’hui âgé de 66 ans et nous n’entrevoyons pas de relève immédiate.
Atrium Innovations. La faible évaluation de ce titre, le fait qu’aucun actionnaire ne détienne un pourcentage élevé de ses actions et sa position concurrentielle attrayante dans le marché des suppléments alimentaires en font selon moi une cible possible d’OPA.
Home Capital Group. Cette (relativement) petite institution financière se concentre dans le créneau des hypothèques résidentielles pour les emprunteurs qui ne sont pas acceptés par les grandes banques canadiennes. Ce créneau est en forte croissance depuis de nombreuses années et Home Capital a su se démarquer par ses politiques de prêts conservatrices. Compte tenu de l’évaluation du titre moins élevée que celles des grandes banques canadiennes, et de sa croissance et de sa rentabilité plus élevées, je crois que Home Capital pourrait attirer une des banques canadiennes, surtout dans un contexte où la croissance des prêts se fait plus problématique au Canada.
Les conditions actuelles sont à mon avis très propices aux OPA. D’une part, la faible croissance économique mondiale force les entreprises à lorgner les acquisitions pour poursuivre leur croissance. D’autre part, la plupart des entreprises sont présentement à la fois très rentables et en excellente santé financière. En outre, les évaluations boursières demeurent raisonnables alors que le coût de la dette est très bas. On peut donc s’attendre à d’autres OPA telles que celle d’Astral au cours des prochains mois.
Philippe Le Blanc, CFA, MBA
Des portefeuilles sous la gestion de COTE 100 possèdent des actions d’Astral, d’Atrium Innovations, de Home Capital Goup et de Reitmans.
À propos de ce blogue : Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 et éditeur de la Lettre financière COTE 100.