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En arrêt de travail. OK, et après?

Par Olivier Schmouker

Publié le 31/01/2014 à 06:09

L'un des membres de votre équipe s'est absenté du bureau durant de longs mois à la suite d'un arrêt de travail en lien avec une maladie. À cause d'un cancer, d'un burnout, ou encore d'autre chose. Et voilà que le médecin vous avertit que cet employé est maintenant suffisamment remis pour revenir au travail. Que faire? Oui, que faire pour lui assurer un bon retour au travail?


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Trop souvent, les managers sont pris de court lorsqu'une telle annonce survient. Ils se trouvent démunis, ne sachant pas vraiment quoi faire – et quoi ne pas faire! – pour favoriser une réintégration en douceur. La plupart du temps, le retour est progressif – quelques jours par semaine –, sur ordre du médecin, et on croise les doigts en se disant que tout ira bien. Et c'est tout!


D'où ma joie lorsque j'ai assisté à la récente conférence de deux responsables de la santé globale de la Commission scolaire de la Seigneurie-des-Milles-Îles, Nancy Émond et Nancy Pineault, lors de l'événement du Groupe Les affaires sur la santé mentale et le mieux-être au travail. Car celles-ci ont dévoilé comment elles s'y prenaient pour aider les enseignants à remettre le pied à l'étrier à la suite d'un arrêt de travail. Et leurs trucs m'ont paru riches d'idées neuves…


Ainsi, Mmes Émond et Pineault considèrent les mesures à prendre pour assurer un bon retour au travail comme une recette de cuisine. Si bien qu'il faut commencer par se doter des bons ingrédients :


> Ingrédient principal. C'est le manager. Son rôle est de : maintenir une bonne communication avec l'employé pendant l'arrêt de travail; planifier le retour; effectuer un suivi après le retour.


> Autres ingrédients. Le responsable des ressources humaines. Le médecin traitant. Ou encore, un autre supérieur hiérarchique que le manager.


> Ingrédients facultatifs. En fonction du cas de figure rencontré, on peut avoir besoin d'un médecin spécialiste, d'un responsable du syndicat, de certains collègues, voire d'un coach.


Puis, il convient de procéder en quatre étapes :


1. Réflexion


Le manager doit analyser la situation telle qu'elle était avant l'arrêt de travail. Le mieux est de le faire en fonction d'une grille d'analyse préétablie, qui tient compte de plusieurs choses, dont :


> Les facteurs personnels. L'arrêt de travail a-t-il découlé, en partie, d'un trait de personnalité particulier de l'employé? D'un élément particulier de sa vie privée? Etc.


> Les facteurs professionnels ou organisationnels. Le climat de travail dans lequel évoluai cet employé lui convenait-il? Celui-ci était-il à un poste qui correspondait à ses compétences? Etc.


> Les facteurs physiques ou psychologiques fragilisants. L'employé était-il sujet à une maladie chronique? Devait-il suivre un traitement pharmaceutique? Etc.


 


2. Préparation


À la suite de cette analyse, le manager va vite se rendre compte qu'il lui manque nombre d'informations pertinentes. Il lui faut donc partir à la cueillette de ce qui lui manque pour mener à bien la bonne recette.


Les deux conférencières suggèrent de le faire en fonction du cas de figure rencontré. C'est-à-dire en fonction du profil de l'employé en arrêt de travail.


> Le Vulnérable. C'est l'employé victime d'un épuisement professionnel, en détresse psychologique ou qui a du mal à s'adapter aux changements demandés par la haute-direction. Dans ce cas, le manager doit s'informer davantage sur ses changements fréquents d'humeur, sa difficulté à accomplir ses tâches, son manque de concentration, etc. Ce qui peut notamment se faire via les collègues ou un médecin spécialiste.


> Le Fragile. C'est l'employé anxieux, bipolaire, ou encore obsessif-compulsif. Le manager doit se pencher sur les mêmes points que pour le Vulnérable, en accordant une attention toute particulière à ses comportements subits et inexpliqués ainsi qu'à la récurrence de ceux-ci. «Nous avons déjà eu le cas d'une enseignante qui était persuadée que nous étions envahis par des extraterrestres. Un cas complexe qui a nécessité beaucoup de doigté», a évoqué Mme Émond.


> Le Grognon. C'est celui qui s'absente régulièrement pour mille et une raisons médicales ou personnelles (migraine, maux de dos, enfants, etc.). C'est, dans le fond, l'éternel insatisfait. Dans ce cas, le manager a tout intérêt à songer à des mesures d'accommodement visant à mettre fin à ce "petit manège" (horaires, tâches, etc.). «L'idéal est de faire preuve de souplesse. Ça peut vraiment en valoir la peine. Comme un petit ajustement des horaires : par exemple, arriver au bureau à 8h30 au lieu de 8h pour lui permettre d'avoir le temps de déposer les enfants à l'école», a dit Mme Pineault.


> Le Réactionnaire. C'est celui qui s'arme d'un certificat médical pour exprimer son mal-être au travail, que ce soit pour des raisons de trouble d'adaptation ou encore de dépression. Le manager doit essayer d'y voir clair, en scrutant tout ce qui a pu se produire avant l'arrêt de travail (manquements au contrat de travail, mesures disciplinaires, etc.). «Il faut tenter de vérifier ce que disent les uns et les autres, par exemple s'il est justifié, ou pas, de se plaindre du "harcèlement du boss", comme le font souvent les Réactionnaires. Quant à moi, j'invite systématiquement ces employés-là dans mon bureau pour en discuter en profondeur», a indiqué Mme Émond, en soulignant qu'il peut se révéler pertinent de faire appel aux services d'un médecin spécialisé.


> L'Abuseur. C'est l'employé qui fraude pour s'absenter, en présentant un certificat médical "bidon" pour, en fait, partir en voyage de chasse, ou encore finir des travaux de rénovation. «On peut alors envisager le recours à une filature, bien entendu en respectant le cadre légal pour cela», a dit Mme Pineault.


> Le Dépendant. C'est celui qui souffre d'une dépendance (alcool, drogue, etc.) à un point tel qu'il lui faut s'arrêter de travailler. Et ce pour sa propre sécurité, voire pour celle des autres. «Cela n'est jamais à prendre à la légère. Nous avons eu le cas d'une enseignante alcoolique. Les parents d'élève s'étaient plaint qu'elle sentait l'alcool à plein nez. Mais aucune mesure n'avait été prise. Résultat : un jour, elle est tombée dans l'escalier, s'est fracturé le nez et a eu une commotion cérébrale. Un coût énorme pour tout le monde, à tous points de vue, faute d'avoir agi à temps», a raconté Mme Émond.


3. Action


Le manager dispose d'informations pertinentes et détaillées. Et il a autour de lui les acteurs nécessaires au bon déroulement du retour au travail. Parfait. Maintenant, il lui faut retrousser ses manches et s'atteler à la tâche comme suit :


> Convenir des modalités du retour au travail. Retour progressif? Parrainage? Tâches allégées? Etc.


> Réunir son équipe. Histoire de communiquer à tous la date de retour de leur collègue et recueillir les impressions et commentaires des uns et des autres. «Et en profiter pour rassurer ceux qui en ont visiblement besoin, le cas échéant», a souligné Mme Pineault.


> Rencontrer l'employé en question. Si possible, peu avant son retour. Sinon, la première journée. On peut alors mettre par écrit ensemble les attentes du manager et les moyens mis en œuvre pour faciliter le retour en œuvre.


 


4. Finalisation


Dès les premières journées, le manager doit assurer un suivi minutieux auprès de l'employé. Il doit être en mesure de :


> Évaluer si la tâche est adéquate.


> Corriger le tir, au besoin.


«L'important est d'éviter une rechute», a expliqué Mme Pineault.


Voilà. Avec cette méthode, tout manager digne de ce nom devrait arriver à assurer un bon retour au travail de l'employé en question. Et ce, quel que soit le cas de figure. «Bien entendu, nous avons spontanément plus d'empathie pour celui qui revient d'un cancer que pour celui qui est parti après avoir déclenché des catastrophes à cause de sa bipolarité. C'est pourquoi il faut redoubler d'efforts lorsqu'il s'agit d'un cas "problématique", c'est-à-dire que l'on a du mal à saisir», a insisté Mme Émond.


En résumé, voici la formule secrète de la recette de Mmes Émond et Pineault :


Investissement (temps + énergie) + Acteurs clés + Planification = Retour au travail harmonieux et durable


CQFD.


En passant, l'écrivain français Patrick Segal a dit dans L'Homme qui marchait dans sa tête : «Le malade ne guérit pas seulement de soins».


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