BLOGUE. Vous comme moi, nous avons déjà butté contre des personnes qu’il était impossible de faire changer d’idée. Nous avions beau leur démontrer par A+B qu’ils étaient dans l’erreur et qu’il vaudrait mieux, pour eux comme pour les autres, qu’ils voient les choses autrement, nous nous heurtions à un mur d’incompréhension. Et nous nous sommes alors dit : «Peine perdue»… Pourtant, il y avait moyen d’arriver à nos fins. C’était juste que nous ne nous y prenions pas de la bonne façon.
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Ce moyen, je crois l’avoir trouvé. Une fois de plus dans une étude passionnante, intitulée One person in the battlefield is not a warrior : Self-construal, perceived ability to make a difference, and socially responsible behaviour. Celle-ci est l’oeuvre de trois professeurs en science de la décision, soit Gert Cornelissen, de l’Universitat Pompeu Fabra (Barcelone, Espagne), Irina Cojuharenco, de la Catolica Lisbon School of Business and Economics (Lisbonne, Portugal), et Natalia Karelaia, de l’Insead (Fontainebleau, France). Elle montre que l’être humain ne prend la décision d’œuvrer pour une bonne cause qu’à certaines conditions très précises, si bien que si l’on veut qu’une personne agisse de telle ou telle façon, il suffit de jouer sur les cordes sensibles idoines…
Ainsi, les trois chercheurs ont commencé par regarder ce qui avait déjà été fait sur le sujet, et ont trouvé une information fort intéressante : en général, les comportements socialement responsables, comme le fait d’agir pour la préservation de l’environnement (recyclage, etc.), sont l’expression de notre souci de bien vivre en société. Eh oui, nous sommes avant tout des animaux sociaux : sans les autres, nous serions incapables de survivre…
Plus précisément, de récentes études ont montré que ceux qui se préoccupent d’écologie ont, entre autres, deux valeurs ancrées en eux, à savoir le dévouement pour les autres et le besoin d’être connecté aux autres. Et quel est le point commun ces deux valeurs? La perception de soi.
La perception de soi? La plupart des psychologues considèrent qu’elle a trois dimensions : le soi indépendant, le soi relationnel et le soi collectif. Le soi indépendant nous permet de voir en quoi nous sommes, en tant qu’inidividu, unique et différent des autres. Quant aux deux autres, ils soulignent notre interdépendance avec les autres.
En conséquence, la perception que nous avons de nous-mêmes aurait une grande influence sur notre comportement, et en particulier sur nos agissements socialement responsables. Reste à la prouver. C’est ce à quoi se sont justement attelés les trois chercheurs.
Pour cela, ils ont procédé à trois expériences dont je vais tenter de vous donner la substantifique moëlle, en vous décrivant la première. Il a été proposé à 39 personnes de répondre à un questionnaire, isolées dans un cubicule. Celui-ci demandait de donner des détails sur le dernier cadeau que la personne a faite, que ce soit pour elle-même ou pour un proche. Des détails sur leur choix, sur ce qu,elles ont ressenti en l’offrant, sur la réaction que cela a déclenché chez l’autre, etc.
Puis, les participants ont dû répondre à d’autres questions qui leur étaient présentées comme secondaires, mais qui en réalité étaient primordiales. Celles-ci étaient en lien avec l’environnement. Par exemple, le cadeau choisi l’avait-il été en fonction de critères environnementaux?
Enfin, les participants, qui étaient rémunérés 9 euros pour le temps consacré à l’étude, ont été invités à faire un don à une ONG dédiée à la préservation de l’environnement. Le don serait fait à partir de leur rémunération, libre à eux d’en indiquer le montant (entre 0 et 9 euros, donc).
Résultats? «Indubitablement, la perception que l’on a de soi affecte nos actions individuelles. Autrement dit, les personnes qui ont un soi relationnel et un soi collectif développés considèrent que leurs faits et gestes ont une grande importance pour l’ensemble de la société, et sont donc plus enclines que les autres à adopter des comportements socialement responsables. Quant à celles qui ont un soi indépendant développé, elles sont moins portées à agir de manière socialement responsable parce qu’elles croient que, quoi qu’elles fassent, cela n’a guère d’influence sur leur environnement», est-il indiqué dans l’étude.
L’intérêt de cet trouvaille saute aux yeux : les trois chercheurs ont mis au jour «un outil de motivation prometteur pour inciter autrui à agir de manière plus responsable», et par conséquent, à «changer de comportement ou d’idée». Rien de moins. Quel outil, au juste? «La connectivité», disent-ils.
La «connectivité», qu’est-ce à dire? «Nos résultats montrent que le sentiment d’être efficace dans ce que l’on entreprend – et donc dans nos agissements socialement responsables – peut être accru en jouant sur différentes cordes sensibles, à savoir l’appartenance, l'importance et le rayonnement. Ces cordes peuvent être regroupées en une seule, si l’on veut, celle de la connectivité», expliquent les trois chercheurs.
Bref, le meilleur moyen pour inciter le mouton noir de votre équipe à changer d’attitude et à mettre l’épaule à la roue comme tout le monde, c’est de développer en lui sa connectivité. C’est-à-dire, dans un premier temps, de lui faire comprendre les trois choses suivantes :
1. Son appartenance. C'est-à-dire à quel point il fait partie intégrante de l’équipe.
2. Son importance. Dans quelle mesure les autres ont besoin de lui pour s’épanouir.
3. Son rayonnement. Combien son action est déterminante dans l’atteinte des objectifs fixés pour l’ensemble de l’équipe.
Et dans un second temps, après cette prise de conscience, de travailler sans relâche ces trois cordes, jusquà les faire vibrer en harmonie. Le son que vous en tirerez sera, à n’en pas douter, si beau que vous en aurez les larmes aux yeux…
En passant, Oscar Wilde a dit, un jour : «Être bon, c’est être en harmonie avec soi-même. La discorde, c’est d’être forcé à être en harmonie avec les autres»…
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