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Qu'est-ce que l'investissement parfait? Un investisseur pourrait répondre qu'il se retrouve dans une société aux rendements extraordinaires tout en affichant peu de risques. Ainsi, une société X correspondant à cette description jouirait d'une position concurrentielle solide et stable, offrirait une bonne croissance et permettrait à tout investisseur de dormir sur ses deux oreilles en présentant très peu de risques d'affaires ou financiers.
Ce type de société existe. Il s'agit habituellement des meneurs dans leur domaine respectif. Malheureusement, si investir judicieusement s'avérait aussi facile, il nous faudrait peu d'efforts pour nous enrichir. Les sociétés considérées les plus performantes et les moins risquées sur le plan de leurs opérations se transigent à la bourse à des cours reflétant leurs forces dans la plupart des cas, annulant ainsi les avantages supplémentaires que l'on peut en retirer en tant qu'investisseur.
Force est de constater que la majorité des aubaines boursières comportent un ou des risques propres à la société ou à l'industrie sous-jacente. Ces risques sont temporaires la plupart du temps, et expliquent les raisons pour lesquelles le titre a franchi le territoire des aubaines.
Voici quelques exemples parmi nos propres titres passés:
MasterCard et Assurant - diminution possible des profits causée par la réglementation
JP Morgan - possibilité de découvrir d'autres pertes que celle du London Whale
Mastech Holdings - possible absence de la reprise de l'emploi aux États-Unis
Access National et Horizon Bancorp - possibilité de voir l'immobilier américain s'effondrer davantage
W R Berkley - possible continuité du cycle ''mou'' (soft market) en assurance générale et bas taux d'intérêts
Google Inc - différentes menaces émanant des compétiteurs
Tous ces titres avaient été acquis à un moment se situant près du paroxysme de la peur à leur sujet. L'exemple de JP Morgan constitue probablement le plus évident, alors que les médias inondaient le marché de mauvaises nouvelles au sujet de la célèbre perte du London Whale. Sans tout ce tapage, le titre n'aurait probablement jamais chuté autant, passant de 46$ à 31$ en deux mois.
MasterCard a fait vivre son lot d'émotions aux investisseurs, alors que le gouvernement américain débattait au sujet des frais prélevés sur les cartes de débits. Il s'agissait bien d'un risque réel, mais le prix du titre reflétait ce danger. Par conséquent, le travail de l'investisseur consiste à évaluer les risques, afin de déterminer si le marché a réagi trop fortement ou non.
Il s'avère crucial de réaliser que le fameux risque qui attire l'attention de tout le monde constitue la cause de la création de l'aubaine. Sans lui, le titre n'aurait peut-être jamais été disponible à un prix aussi intéressant. Dans le cas de Mastech Holdings, en tant que fournisseur de main-d'oeuvre spécialisée, la crise avait provoqué une chute importante des profits. L'incertitude planait quant au taux de chômage futur, ce qui affectait évidemment le prix du titre.
Dans le cas de W R Berkley, tout comme pour beaucoup de sociétés d'assurances, le domaine était frappé d'un surplus de capital. L'abondance de ce dernier créait une pression à la baisse sur les primes. Ajoutons à cela les bas taux d'intérêt qui tronquaient les profits d'investissements.
Les banques Access National et Horizon Bancorp n'ont point besoin d'explications. Qui souhaitait investir dans les petites banques américaines après une crise financière comme celle de 2008? Quant à Google, les inquiétudes abondaient par rapport aux revenus que la société générait sur chacun de ses ''clics'' de publicité. On pouvait lire également toutes sortes de scénarios noirs possibles sur son avenir alors que ses compétiteurs cherchaient à lui rafler des parts de marché.
De toute évidence, les risques les plus intéressants résident dans ceux qui ne constituent point de vrais risques. Par exemple, on peut dénicher un titre qui se transige à un prix ridicule uniquement parce que la société est peu connue et parce que ses actions sont peu liquides. Dans d'autres cas, il peut s'agir d'un titre qui est affecté par un événement n'ayant aucun lien avec l'entreprise. Un titre européen pourrait souffrir de la mauvaise presse circulant par rapport au continent, mais si les activités de la société sont basées surtout en Amérique, la faible évaluation du titre sera injustifiée.
L'investisseur perspicace ne doit donc pas tenter d'éviter tous les risques. Il doit plutôt chercher à les exploiter, étant conscient qu'une majorité d'aubaines ne verraient jamais le jour sans eux. Par conséquent, on peut considérer ces risques comme point de départ pour effectuer la recherche, qu'ils soient de nature spécifique à l'entreprise ou de nature macroéconomique. Investir dans des entreprises où tout va pour le mieux peut sembler attrayant à première vue, mais on doit payer le prix fort. En outre, ce n'est pas parce qu'une société a le vent dans le dos qu'elle est exempte de tout risque. Les mauvaises surprises surviennent souvent lorsqu'on s'y attend le moins. Dans de pareils moments, le titre sera sévèrement hypothéqué si le prix n'offrait aucune marge de sécurité à l'investisseur.
En conclusion, nous n'affections pas ni ne recherchons le risque, mais comme disait Warren Buffett : ''Nous cherchons à faire des affaires dans un environnement pessimiste, pas parce que nous aimons le pessimisme, mais parce que nous aimons les prix qu'il produit.''
Au sujet des auteurs du blogue : Patrick Thénière et Rémy Morel sont propriétaires de Barrage investissement privé, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com