Voilà, c’est parti! La campagne électorale bat son plein et chacun des principaux candidats y va de ses promesses toutes plus éloquentes les unes que les autres. Bien sûr, il est question de transparence et d’étique. Une initiative que l’on ne saurait trop saluer. On parle bien entendu de Montréal, ville innovante et créative et, thème commun à tous mais central pour Denis Coderre, on souhaite faire de Montréal une ville hautement branchée. Tous les candidats parlent de faire de Montréal une ville plus accueillante pour les familles : développement immobilier harmonieux, aide à l’accès à la propriété, parcs, pistes cyclables, transport en commun et investissements accrus en matière de divertissement. Bref de quoi faire rêver!
Je ne souhaite nullement rajouter au cynisme ambiant. Je suis le premier à saluer l’engagement de personnes de qualité dans la chose publique. Bien plus, je trouve que les principaux programmes proposés à ce jour sont sobres et plutôt réalistes.
Pourtant, quelque chose m’agasse dans le portrait global qui se dessine lorsque l’on met bout à bout les principales promesses, tous partis confondus. Il ressort à la lecture de ces programmes l’impression que l’on tente de vendre une image de Montréal qui se rapproche d’un grand Disneyland ou nous pourrions allègrement voyager en transport en commun, en bicyclette ou en marchant à travers parcs et espaces verts, le tout en étant continuellement branchés.
Or quelque chose m’échappe. Contrairement à ce qui se passe à Disney, les citoyens d’une ville doivent, à l’occasion, s’acheter des vêtements, un frigo, faire une épicerie pour 4 personnes voire faire faire l’entretien de sa voiture. Et tout cela, vous l’aurez deviné, se fait mal par métro ou en Bixi. Bref il existe, jusqu’à présent, un grand absent de cette campagne électorale : l’infrastructure commerciale.
Il y quelques années, alors que le projet Griffintown n’était qu’une idée, j’avais eu le plaisir de faire une partie de l’étude de marché pour l’un des principaux promoteurs du projet initial. Ce projet devait comporter un important volet commercial. J’avais alors mesuré l’offre commerciale présente dans un rayon de 10km de ce qui allait devenir le quartier Griffintown. Le marché considéré était borné au sud par le fleuve, au nord par la rue Sherbrooke, à l’est par le boulevard St-Laurent et à l’ouest par la rue Atwater. On ne parlait pas alors d’un aussi grand développement de condos que ce à quoi on assiste actuellement. Or en prenant le quadrilatère que je viens de décrire, qui correspond en bonne partie aux quartiers Griffintown et Ville-Marie, il y avait déjà à l’époque, pour la population qui y habitait, une importante pénurie de commerces. L’étude que j’avais réalisée démontrait de manière assez éloquente que cette partie de la ville, comme bien d’autres quartiers d’ailleurs, était caractérisée par une fuite des dépenses de consommation. En d’autres mots, les Montréalais du centre-ville ne dépensaient pas à Montréal!
Et tout ce temps vous pensiez vraiment que le succès du Dix-Trente ne pouvait être attribué qu’aux résidents de Brossard!
En fait, il y un peu moins de 10 ans, lorsque j’avais fait cette étude, à peine 60% des dépenses de consommation faites par les citoyens qui habitaient ce quartier étaient faites dans un magasin ayant pignon sur rue à Montréal.
Beaucoup de raisons expliquaient et expliquent toujours ce phénomène mais les principaux tournent toujours autour de l’accessibilité du magasin ainsi que la variété de produits et des commerces.
Or depuis cette étude, la hausse des impôts fonciers à Montréal, combinée à une forte spéculation immobilière, a fait en sorte que de nombreux commerces, notamment ceux de proximité, ont dû fermer leurs portes car le prix de leur loyer devenait exorbitant. Bien entendu lorsque Montréal sera branché mur-à-mur, nous pourrons toujours se rabattre sur l’achat en ligne, ce qui devrait alors non plus profiter aux « Dix-Trente » et « Faubourg Boisbriand » de ce monde, mais aux nombreux sites américains sur lesquels achètent les Montréalais. Rappelon qu'aujourd'hui, encore aujourd’hui, 50% des achats faits en ligne se font sur des sites étrangers.
Chers candidats et candidates, je ne souhaite pas réduire le rêve que vous tenter d’insuffler aux Montréalais notamment pour de basses considérations mercantiles. Néanmoins, permettez que je vous pose une question toute bête. Lorsque les 4773 condos qui poussent dans les quartiers Ville-Marie et Griffintown auront été vendus, à quel endroit seront achetés les 4773 réfrigérateurs qui y seront installés et les 248 196 commandes d’épicerie qui seront faites à chaque année pour les remplir? Et puisqu’on y est, quel serait l’impact, sur les revenus de la ville que vous souhaitez diriger, si tous ces achats se faisaient à Montréal?