À la mi-janvier, on vous racontait s'être mis en prière, après avoir commis une importante erreur d'appréciation de risque. Notre petit pari pétrolier pourrait coûter cher.
Flash-back, quelques jours avant Noël.
Le prix du baril de pétrole West Texas Intermediate touche les 56 $ US, après un important décrochage.
- Parfait, la chute est significative, le moment est venu de parier sur le secteur en achetant le baril, se dit-on.
Le pari s'appuie sur le raisonnement suivant.
L'excédent de production pétrolière par rapport à la demande mondiale est à l'époque évalué à 1,5 million de barils par jour (Mb/j), soit environ 1,5 % de la demande mondiale. Un écart qui n'est somme toute pas si important.
La Scotia estime pendant ce temps qu'environ 4 Mb/j deviennent non économiques au Canada et aux États-Unis, avec un prix du baril à 60 $ US. Ces 4 Mb sont à mettre en relation avec les 1,5 Mb en trop. Bernstein Research, de son côté, estime même que le tiers de la production de pétrole de schiste des États-Unis n'est pas rentable à long terme, avec un baril à 80 $ US. Et l'on ne parle alors que de ce qui n'est plus rentable en Amérique. D'autres puits pétroliers deviendront forcément non rentables ailleurs dans le monde.
Le signal semblait assez clair : le cours du baril ne pourrait pas demeurer à 60 $ US et allait devoir monter.
Mauvais pari.
Parti de 56 $ US, le prix du baril WTI était tombé à 48 $ US à la mi-janvier, au moment de la publication de ma chronique. Qui plus est, le véhicule d'investissement utilisé, le United States Oil ETF (USO, 0,10 $ US), n'était pas idéal. Ce fonds négocié en Bourse (FNB) joue le baril avec des contrats à terme qu'il fait tourner chaque mois. Comme le marché continuait de parier sur un redressement des cours, la courbe des contrats futurs était ascendante. Si bien que, chaque fois qu'un contrat tournait, la position achetée (celle du mois suivant) l'était à un prix plus élevé que le prix au marché (spot), sans garantie qu'un mois plus tard, le spot avancerait au prix payé. Bref, on était à risque d'une augmentation de perte au fur et à mesure que le temps s'écoulerait si le pétrole restait stable.
- On verra, en juin, ce qui se passera à la prochaine réunion de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), et on avisera à ce moment, s'était-on dit.
Retour à aujourd'hui
Cette réunion vient d'avoir lieu, au début de juin.
Quelle est la situation ?
Les prières ont été exaucées en bonne partie. Le prix du baril WTI s'est redressé de 48 $ US à 60 $ US. Théoriquement, on aurait gagné notre pari (de 56 $ à 60 $ US). On est cependant toujours un peu à perte sur notre position à cause des frais et de la façon dont fonctionne le FNB.
Y aurait-il moyen d'éponger totalement la perte en patientant un peu ?
Au début de juin, l'OPEP a décidé de ne pas réduire sa production et de maintenir son objectif de production à 30 Mb/j.
La stratégie semble fonctionner.
Aux États-Unis, les stocks de pétrole sont de 10 à 11 % au-dessus de la moyenne des cinq dernières années, mais il y a de l'amélioration par rapport aux mois précédents.
Le nombre de foreuses continue de fondre, et la production des sociétés du schiste américain a commencé à reculer. De 1,3 % en mai, selon l'Energy Information Administration qui prévoit que la glissade se poursuivra en juin et en juillet. La demande, elle, augmente, étant donné les plus faibles prix.
Selon l'OPEP, les pays non membres de l'organisation devraient ajouter 700 Mb/j en 2015, ce qui, compte tenu de l'ajout du début d'année, signifie un accroissement assez limité en deuxième moitié d'année.
Côté demande, l'OPEP s'attend toujours à une hausse moyenne de consommation de 1,2 Mb/j pour l'année, mais ça pourrait être plus, puisque cette demande a augmenté de 1,9 Mb/j au premier trimestre.
En fait, pour que le marché soit à l'équilibre, l'organisation estime que son quota de production devrait grimper à 30,3 Mb/j au troisième trimestre et à 30,7 Mb/j au quatrième.
Pas si mal. Il y a cependant un important «mais».
Le problème est que l'OPEP produit déjà actuellement plus de 1,2 Mb/j au-dessus de cette cible de 30 Mb/j. Et que, si les sanctions sont levées contre l'Iran (ce qui semble probable, mais nous aurons plus de détails le 30 juin), il s'ajoutera près de 1,5 Mb/j supplémentaires d'ici deux ans.
L'OPEP affirme que son dépassement de quota devrait en bonne partie se résorber d'ici la fin de l'année.
Quand même, les perspectives sont loin d'être favorables.
Encore quelques chapelets, mais cette fois, avec le doigt sur l'ordre de vente.