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François Pouliot: le coup de dés de Couche-Tard

Par François Pouliot

Publié le 01/10/2010 à 06:30, mis à jour le 01/10/2010 à 06:30

 


Vous croyez qu'en laissant expirer son offre sur Casey's Couche-Tard vient de lancer la serviette? On dirait plutôt qu'elle vient de lancer les dés…


Depuis l'échec du putsch pour remplacer la direction de Casey's, la société québécoise n'avait guère plus que deux options:


1-Indiquer à Casey's qu'elle était prête à majorer son offre un peu au-dessus des 40$ pour acculer la direction américaine au mur de la gouvernance. En procédant ainsi, elle aurait forcé le conseil d'administration de Casey's à ouvrir un processus transparent de mise à l'enchère. Celle-ci avait en effet déclaré publiquement être prête à étudier une proposition de Couche-Tard, mais pas au niveau jugé déraisonnable de 38,50$ par action.


2-Laisser expirer son offre et attendre de voir comment se solderont les discussions qui ont actuellement cours entre 7-Eleven et Casey's.


À l'évidence, Couche-Tard a adopté la seconde option.


On notera que, malgré les remerciements aux actionnaires, le communiqué de la société se garde bien de dire que la page est définitivement tournée.


En se retirant, elle vient en quelque sorte donner un petit coup de pouce à 7-Eleven dans sa négociation avec Casey's. À quoi bon offrir beaucoup plus que 40$ l'action (offre informelle initiale de 7-Eleven jugée insuffisante par Casey's pour une acceptation, mais suffisante pour une poursuite des discussions) quand il n'y a plus de rivale en course?


À quoi bon offrir beaucoup plus que 40$ surtout, alors qu'en l'absence d'une entente, le titre de Casey's risque de retraiter sévèrement. Il se négocie aujourd'hui à près de 42$. Advenant l'échec des pourparlers, il pourrait bien retraiter vers les 32$, niveau où il s'échangeait avant la manifestation d'intérêt de Couche-Tard.


Un petit coup de pouce donc, mais qui peut aussi plutôt être vue comme une astuce. Si jamais une entente 7-Eleven-Casey's survient à près de 40$, Couche-Tard aura toujours la possibilité de majorer son offre. Sa démarche aura eu l'avantage de maintenir la première mise à un bas niveau, tout en lui permettant de s'engager dans un processus d'enchères non piloté par un conseil d'administration en qui elle n'a pas confiance (dans une OPA hostile on ne parle plus aux administrateurs, mais aux actionnaires…).


Bon choix?


Si la société québécoise veut absolument Casey's, probablement pas. Elle apparaît en fait offrir la compagnie à 7-Eleven sur un plateau d'argent. Advenant une entente, il est fort probable que celle-ci sera assortie d'une clause de pénalité relativement élevée qui rendra une offre supérieure difficile.


Depuis le début Couche-Tard donne cependant l'impression de croire que 7-Eleven et Casey's bluffent. Qu'elles n'ont pas du tout d'intérêt pour un mariage commun, mais que 7-Eleven pourrait plutôt être intéressée à une acquisition partielle de dépanneurs. On n'y croit pas tellement, mais si tel est le cas, son approche apparaît bonne. Les magasins restant dans Casey's auraient une valeur aléatoire sans la totalité du réseau actuel, et il est peu probable qu'une telle transaction puisse réussir à créer une valeur aussi certaine pour les actionnaires que l'offre au comptant de Couche-Tard. "Cash is king" dit l'adage.


Les dés roulent…