Il sera intéressant de voir la réaction des marchés financiers dans les prochains jours. La décote européenne de Standard & Poor's était peut-être attendue, mais elle arrive avec plus de force qu'on aurait pensé. Et ses commentaires laissent perplexes: les inquiétudes de la firme ne sont pas faciles à dissiper.
Les marchés financiers sont restés vendredi relativement impassibles face à la menace de décotes qui planait sur plusieurs pays européens de la zone euro.
Même après la publication des différents abaissements, le marché à terme est demeuré stable aux États-Unis.
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Il est vrai qu'en décembre, S&P avait une première fois télégraphié le risque en plaçant les pays décotés sous révision. Puis il y avait eu cette "fausse-vraie fuite" à l'effet que la France perdrait le triple A.
Les dégradations étaient déjà anticipées. Celles-ci arrivent néanmoins avec plus de force que l'on se serait attendu.
La France ne tombe que d'un cran, soit, mais on lui accole une perspective négative. Les débentures du Portugal sont maintenant au rang de junk bonds. Celles de l'Italie et de l'Irlande en sont encore à trois crans, mais s'en rapprochent avec, elles aussi, une mention "perspectives négatives". Pour ces pays, de même que l'Espagne, l'Autriche, la Belgique et quelques autres, l'agence indique que la probabilité d'une nouvelle décote en 2012 ou 2013 est à une chance sur trois.
Étant donné la probable volonté de Standard & Poor's de ne pas envenimer la situation, il est tout à fait envisageable que la probabilité soit dans son esprit plus élevée que ce qu'elle indique.
Là où c'est préoccupant
Là où c'est préoccupant
Plus que les décotes en elles-mêmes, ce sont les motifs de Standard & Poor's qui sont préoccupants pour la suite des choses.
L'agence estime que l'accord politique intervenu au mois de décembre pourrait être insuffisant pour pleinement remédier aux stress que subit le système. Elle indique indirectement que le soutien financier dont pourraient avoir besoin certains pays risque de manquer.
Plus loin, elle ajoute que le problème que traverse l'Europe ne provient pas uniquement du laxisme budgétaire de ce qu'elle appelle la périphérie (Grèce, Irlande, etc.), mais aussi d'un problème de compétitivité entre les acteurs des pays en meilleure posture et ceux en difficultés. Cette situation, dit-elle, fait en sorte que les compressions financières en cours ou à venir dans les pays faibles risquent de s'autodétruire. Les consommateurs de ces pays deviendront en effet inquiets pour leurs emplois et leur revenu disponible et les revenus de taxation des États chuteront.
Ce qu'on en retient
Si l'on comprend bien, il faudrait prévoir des ajouts d'argent pour le Mécanisme de stabilité européenne (MSE), cet outil qui, à l'été, doit venir en relais au Fonds européen de stabilité financière (FESF). Ou, à tout le moins, davantage financer le Fonds monétaire international.
Avec la décote de vendredi, ça devient de plus en plus difficile. À moins que la Banque centrale européenne ne devienne ultimement un prêteur des États, ce qu'on lui interdit par crainte d'une hyperinflation subséquente. Quelque chose nous dit que l'on finira par amener la BCE dans le portrait et que cette inquiétude peut être dissipée.
Voilà qui ne règle toutefois pas le problème de compétitivité entre les pays et ce fameux risque que les programmes de rationalisation soient finalement sans effet pour les finances publiques des États. Cette difficulté, on ne voit trop comment elle peut être solutionnée.
De la lumière au bout du tunnel? Oui, mais ça ressemble plus à celle du train Récession qui s'en vient…