BUDGET PROVINCIAL 2014 - C'est un budget difficile à saisir qu'a présenté le ministre des finances Nicolas Marceau. À l'évidence, le gouvernement a l'intention d'atteindre ses cibles budgétaires, mais il n'est vraiment pas clair d'où proviendra l'argent nécessaire.
Il est assez incroyable que le gouvernement soit capable de fournir des briques de renseignements budgétaires, mais soit incapable de fournir un tableau clair du chemin qu'il entend prendre pour atteindre ses objectifs budgétaires.
À la mise à jour économique de l'automne, on indiquait qu'il fallait résorber 1, 055 G$ pour 2014-15 et faire des compressions supplémentaires de 1,5 G$ pour l'exercice 2015-16 (2,5 sur deux ans) pour atteindre les cibles budgétaires.
Il y a de bonnes nouvelles.
En provenance du fédéral notamment, qui renverra pour plus de 600 M$ inattendus en 2014-15 et un montant du même ordre en 2015-16. Mais, en 2014-15, cet apport est en bonne partie mangé par la décision du gouvernement de réinjecter 430 M$ en santé, alors qu'il avait initialement anticipé le couper. Pas de gain ici.
On parle d'économies dans le regroupement de commissions scolaires de l'ordre de 125 M$, mais on dit aussi que ces économies seront réinvesties "éventuellement", ce qui ne permet pas de voir où seront les économies.
Il y pour 150 M$ de nouvelles économies prévues en efficacité dans les réseaux de la santé. On augmente de même la lutte contre l'évasion fiscale dans les bars, bistro et dans le milieu de la construction (+ 79 M$). Le service de la dette coûtera pendant ce temps 78 M$ de moins en 14-15 et 125 M$ en 15-16. Et la hausse des services de garde devrait permettre de récupérer une soixantaine de millions. Mais ces mesures servent principalement à boucher les 400 M$ de mesures à identifier qu'on n'avait pas encore identifié!
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Au final, il y a toujours pour 885 M$ de mesures de récupérations à adopter pour 2014-15 et pour 1,5 G$ de mesures additionnelles en 2015-16.
Ces efforts devraient normalement être effectuées dans les ministères, mais on ne sait trop où.
Le où pourrait bien être en partie chez les fonctionnaires
À la veille des élections, l'interpellation est polie et cousue de fil blanc, mais on croit comprendre qu'une partie de la récupération, du moins pour 2015-16 (les conventions viennent à échéance en mars 2015) proviendra de négociations avec la fonction publique. Le gouvernement demande aussi aux médecins de faire un effort, et ce dès maintenant.
Quel sera le poids de l'effort de la fonction publique dans l'effort de récupération total?
Le ministre Marceau ne s'est pas avancé là-dessus, indiquant notamment que la négociation restait à faire.
À titre d'indicatif, notons cependant qu'une variation de 1% des salaires des employés de l'État représente environ 370 M$.
Où en sommes-nous?
Où en sommes-nous?
Au même endroit où on en était lors de la mise à jour économique de l'automne. Il est difficile de dire si le gouvernement sera capable de diminuer suffisamment la croissance des dépenses pour atteindre les cibles.
Le gouvernement maintient en outre sa décision de rembourser les 4,25$ G$ de déficits qui seront générés en 2014-15 et 2015-16 sur 10 ans (à compter de 2016-17). Il faudra amender la loi sur l'équilibre budgétaire, qui prévoit que ceux-ci devraient plutôt être amortis sur cinq ans.
Ce report de remboursement sur 12 ans (plutôt que sur cinq) est préoccupant et illustre à quel point les finances publiques du Québec sont maintenant étirées. La probabilité semble bonne que sur cette période, on repasse dans un cycle économique baissier qui fera en sorte que l'on empilera de la nouvelle dette sur la vieille que l'on n'aura pas eu le temps de rembourser.
Au même endroit, mais avec un ajout du Vérificateur
Nous en sommes donc au même endroit, mais avec un ajout non négligeable: le rapport du Vérificateur général, qui soutient que si l'on appliquait correctement la norme comptable concernant les paiements de transfert aux municipalités, le déficit augmenterait de 626 M$ et la dette nette de 8,1G$.
Le bras de fer touche le remboursement annuel aux municipalités des emprunts qu'on leur demande de faire au nom du gouvernement du Québec pour la réalisation de projets conjoints (aréna par exemple). Québec ne reconnaît pas cet engagement comme une dette à ses livres.
Il n'est pas clair quelle serait la réaction des agences de notation si le gouvernement devait un jour être forcé de revoir son interprétation de la norme comptable. Les hauts-fonctionnaires expliquent que la dette nette augmenterait effectivement, mais pas la dette brute.
L'affaire sera à surveiller et à évaluer dans les prochains mois et années.
Au final?
Quelque chose nous dit que les négociations à venir avec les employés de l'État pourraient être assez corsées. La rémunération représente près de 60% des dépenses de programme. C'est un poste incontournable de compression. Et s'il faut ajouter du personnel pour répondre aux besoins d'une société vieillissante, il est difficile de voir comment on peut ne pas toucher aux salaires en compensation. Le seul problème, c'est que les fonctionnaires n'ont pas vraiment eu de cadeaux ces dernières années, alors que les hausses salariales accordées ou prévues ont été les suivantes: 0,5% en 2010, 0,75% en 2011, 1,5% en 2012, 1,75% en 2013, 2% en 2014 et 1% en 2015.
Comment peut-on vraiment accorder moins?
Et si l'on n'accorde pas moins, on revient à la question initiale: mais d'où viendront donc les économies?
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